Massacres du 8 mai 1945, Forum de la mémoire d’El Moudjahid : Autopsie d’un crime d’état

Ph.:T-Rouabah
Ph.:T-Rouabah

Alors que le monde occidental célébrait la fin du nazisme et du fascisme, les Algériens sont sortis en masse pour revendiquer leur droit à l'autodétermination. Mais ils ont subi l’une des répressions les plus atroces d’un vingtième siècle. Ils consentirent un lourd tribut : 45.000 manifestants, passés de vie à trépas, coupables d’avoir revendiqué, pacifiquement leur droit à l’existence dans un pays libre et indépendant. La mitraille aura fait sa vile besogne, au mépris des principes les plus affirmés et les plus sacrés de la vie humaine. Ces massacres noyés dans un fleuve de sang, ont été le prélude d’une étape fondamentale de notre Mouvement national, un douloureux éveil des consciences. Fours à chaux d’Héliopolis, exécutions sommaires, ratonnades et chasses à l’homme, furent le point d’orgue, l’apogée d’une équipée criminelle, accomplie dans une totale impunité, par l’armée coloniale et des groupes de colons, à Sétif, Guelma Kherrata et dans d’autres villes. Hier, dans le cadre de notre forum, organisé en collaboration avec l’association Machaal Chahid, tous les intervenants ont été unanimes pour qualifier ces massacres de crime d’Etat imprescriptible, de crime contre l’humanité, sciemment orchestré, prémédité et planifié par le pouvoir colonial, auquel avaient prêté main forte des milices armées. La thèse de la préméditation, d’un complot ourdi bien avant cette date emblématique du 8 mai 1945, a été démontrée dans le détail, par le journaliste et chercheur en histoire, Kamel Benaiche. Il cite des exemples, entre autres, l’instruction en date du 14 avril 1944, adressée par le général de Gaulle, au dénommé Henri Martin, lui intiment l’ordre de tout faire pour que l’Afrique du Nord demeure sous l’emprise de la France. Il note également l’accomplissement de manœuvres militaires terrestres et maritimes, à Cherchell, Biskra, et en Grande Kabylie. Cette espèce de conjuration manigancée en très haut lieu, consistait aussi à réprimer, porter une estocade mortelle à un mouvement national particulièrement actif dans ses revendications les plus tranchantes et les plus radicales. Notre invité dira à la faveur d’un réquisitoire dûment documenté, que pour le colonialisme, il fallait crever l’abcès, en optant pour la force aveugle, utilisée à grande échelle, commise sans une once de scrupules, ni aucune clémence, notamment à Sétif, un des bastions du nationalisme algérien. Le colonialisme ne lésina pas sur les moyens, poussant la forfaiture, jusqu’à ramener des régiments stationnés en Allemagne, à recourir à l’aviation de combat, aux bâtiments de guerre, qui se trouvaient à Toulon, il installa un tribunal dit de salut public, chargé de «traduire en justice» des militants appartenant aux partis nationalistes : Les Amis du Manifeste et de la liberté, le Parti du peuple algérien. En bref, cette rancune sauvage, s’est puissamment illustrée par des actes et des pratiques frappés du sceau de l’ignominie la plus abjecte, comparable au nazisme hitlérien. Le conférencier a d’ailleurs, rappelé que les auteurs de ce crime épouvantable, ont tenté, toute honte bue, d’accréditer une controverse absurde, dont le but est de minimiser l’ampleur de la tragédie. Une tragédie qu’ils ont voulu masquer à une opinion publique internationale, heureusement rapidement informée par les services américains et britanniques. En conclusion, M. Kamel Benaiche a insisté sur la consolidation du devoir de souvenance et de reconnaissance éternelle à tous ceux qui se sont sacrifiés pour que l’Algérie arrache son indépendance dans ses acceptions les plus abouties. Il a mis l’accent sur la nécessité d’une écriture de l’histoire par des chercheurs et des historiens algériens.

M. B.

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Appel à la mise en place du Conseil supérieur de la mémoire

Les intervenants au forum de la mémoire consacré hier aux massacres du 8 mai 45 ont mis en avant l'importance de créer un conseil supérieur de la mémoire pour en faire "une tribune et une force de proposition importantes dans la défense de l'histoire et la préservation de la mémoire nationale". Dans un contexte de tensions récurrentes entre l’Algérie et la France autour des questions historiques, de plus en plus de voix s’élèvent, en effet, pour accélérer la création du Conseil supérieur de la mémoire, un organe consultatif annoncé par le Président Abdelmadjid Tebboune, mais qui tarde encore à voir le jour. Ce Conseil, devait jouer un rôle central dans la structuration, la protection et la transmission de la mémoire nationale. Face aux défis posés par les récits concurrents, les tentatives de révisionnisme et les enjeux diplomatiques liés au passé colonial, la nécessité de créer une instance spécialisée devient urgente.

F. L.

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Un serment éternel pour les martyrs

Le 8 mai, journée nationale de la Mémoire en Algérie, instituée en 2020 par le Président Abdelmadjid Tebboune, rappelle l’un des événements les plus tragiques de la période coloniale, les massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, où des milliers d’Algériens furent massacrés alors qu’ils manifestaient pacifiquement pour l’indépendance. À travers cette commémoration, l’Algérie affirme sa volonté de préserver une mémoire nationale authentique et résistante, surtout dans un contexte où les tensions mémorielles avec la France restent vives. «Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire. Elle est l’âme de la nation et le socle de sa souveraineté», comme le rappelait le Président Tebboune, lors de l'instauration de cette journée il y a 5 ans. En érigeant le 8 mai en Journée nationale de la Mémoire, le Président Tebboune a voulu rendre justice à une page tragique mais fondatrice de l’Histoire nationale. Cette décision s’inscrit dans une volonté politique claire, protéger l’histoire du peuple algérien contre l’oubli et la falsification. Depuis son élection en 2019, le Président Abdelmadjid Tebboune a affirmé sa volonté de redonner à la mémoire nationale une place centrale dans le projet politique algérien. En instituant le 8 mai comme Journée nationale de la Mémoire, il a lancé un message fort, le passé colonial ne peut être effacé . «Notre mémoire est sacrée. Elle ne se négocie pas», a-t-il déclaré en 2021, en réponse à des propos polémiques tenus en France sur la «nation algérienne précoloniale». Cette déclaration marque une ligne rouge : la mémoire des martyrs, des résistants, des moudjahidine ne peut être instrumentalisée ni minimisée. Elle constitue le socle de l’identité algérienne et la boussole de sa politique intérieure et extérieure. Aujourd’hui, l’Algérie, réclame vérité, reconnaissance et justice pour tous les crimes coloniaux, dont les massacres du 8 mai 1945.

F. L.

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Mahrez Lamari, militant des Droits de l’homme et des peuples : «Un véritable génocide contre les civils algériens»

Militant des droits de l'homme et des peuples, Mahrez Lamari préfère rendre hommage au premier martyr des manifestations du 8 mai 1945, en l'occurrence Sâal Bouzid, un jeune des Scouts musulmans algériens (SMA), qui demeure une figure emblématique du combat anticolonialiste en Algérie en manifestant pacifiquement pour exprimer le rejet total du colonialisme abject français et réclamer l’indépendance totale de l’Algérie. Mahrez Lamari a affirmé que la commémoration de cette journée historique est un devoir envers nos glorieux chouhada et cela s’inscrit dans la continuité de par la justesse de leur combat et leurs sacrifices qui forcent le respect et la reconnaissance éternelle. Il a, par ailleurs, rappelé que les massacres du 8 mai 1945 sont considérés comme un crime contre l'humanité commis par le colonialisme français, mettant en avant le courage et la loyauté indéfectible des membres des SMA, symbolisés par Sâal Bouzid, froidement abattu par le sinistre commissaire Lucien Olivieri. «Son combat et son courage méritent reconnaissance, respect, admiration et fidélité. Ils sont une source de fierté nationale pour les scouts musulmans mais aussi pour tout le peuple algérien», relève-t-il avec émotion.

Souilah Boudjemaâ, docteur en droit et avocat : «La France voulait éradiquer l'identité nationale»

Docteur en droit, Souilah Boudjemaa a souligné l'importance de ne pas oublier les crimes de guerre commis par les Français, rappelant que depuis 1830, la France a commis des génocides dans le but d’éradiquer l'identité nationale. «Il existe jusqu’à aujourd’hui des hommes et des femmes qui souffrent des séquelles physiques et morales de cette guerre génocidaire», a-t-il déploré. Assurant que le peuple algérien était déterminé à atteindre son objectif pour le recouvrement de sa souveraineté nationale et l'indépendance, il a indiqué que le message des Algériens a commencé le 8 mai 1945 et s'est poursuivi pendant 17 ans, jusqu'en 1962 à travers des haltes historiques qui ont gravé les pages de l'histoire du combat et de la lutte des Algériens, toutes composantes et obédiences politiques confondues. "Un crime imprescriptible qui ne connait pas la non-rétroactivité conformément aux lois pénales nationales, d'où la nécessité de demander des comptes à l'Etat français quant à l'idéologie hostile coloniale dans les crimes contre l'humanité voire même contre la paix et la sécurité internationales", a précisé.

Propos recueillis par Zine Eddine Gharbi

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