Mali, Niger et autres pays du Sahel : «Le bon-voisinage est notre doctrine»

«Jamais je n’userai de menaces ou autres envers nos frères Maliens. Ce n’est ni de notre nature ni de notre philosophie. Notre doctrine, c’est le bon-voisinage. Moi, j’y crois. Si les autres n’y croient pas, c’est leur problème.» Cette déclaration faite par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, au cours de sa rencontre avec des représentants des médias algériens, résume l’état réel des relations de l’Algérie avec ses voisins, plus particulièrement ceux du Sahel. «Il n’y a pas de crise avec nos voisins.
Il y aurait crise s’il y avait eu agression. Il se trouve qu’un voisin veut réduire ses relations avec moi. Que puis-je y faire ?». Le voisin en question est le Mali qui, sans aucune preuve, avait accusé l’Algérie d’encourager les factions du Nord à pratiquer le «terrorisme», alors même que l’Algérie, a rappelé le président de la République, est «la plus grande université de lutte contre le terrorisme». «Le Mali connaît une instabilité entre le Nord et le Sud, depuis 1960, soit deux ans avant l’indépendance de l’Algérie. Nous sommes intervenus à chaque fois (pour apaiser les tensions). Les Présidents (Ahmed) Ben Bella, (Houari) Boumediène et Chadli (Bendjedid) sont tous intervenus pour régler la situation, jusqu’à aboutir au processus de l’Accord d’Alger de 2015. Au Mali, on considère cela comme une ingérence dans leurs affaires intérieures. Que dire devant cela ?
On ne peut pas nous imposer à autrui», a-t-il indiqué, tout en apportant une précision importante : «Nous n’avons jamais imposé l’Accord d’Alger. C’est un Accord approuvé par l’Union africaine et l’Organisation des Nations unies (ONU). Toutes les fractions maliennes l’avaient signé. Reste l’application de cet Accord, entre autres, la réintégration de ceux qui s’étaient rebellé contre l’État malien. Il s’agit d’une question interne qui ne nous concerne pas.» Alors que le Mali est actuellement dirigé par des militaires issus du cinquième coup d’État dans l’histoire de ce pays, M. Tebboune a exprimé ses doutes quant à un règlement militaire du problème : «Ce que je dis, je l’assume : l’Histoire a démontré qu’à chaque fois qu’il y a eu un coup d’État, les putschistes étaient convaincus que le problème du nord du Mali devait être réglé par la force. Ce n’est que plus tard qu’ils parviennent à la conclusion que la force n’est pas la solution.» La solution ? Le dialogue, a-t-il insisté : «Je répète que sans une solution consensuelle, il sera difficile de trouver une issue. Aucun pays n’a défendu et ne défend l’intégrité et l’unité du Mali comme le fait l’Algérie. Nous n’avons jamais encouragé les séparatistes. Nous essayons de régler les problèmes avec douceur. S’ils pensent qu’ils peuvent régler le problème par la force, libre à eux.» Cela dit, il y a une ligne rouge à ne pas dépasser : l’intégrité territoriale de l’Algérie. «Nous ne badinons pas avec les questions sérieuses. Les Russes sont des amis, mais moi, président de la République algérienne démocratique et populaire, j’ai dit : «Je n’accepte pas des mercenaires à nos frontières», a-t-il martelé.
Le président de la République n’a pas manqué de rappeler la doctrine de l’État : «L’Algérie a toujours refusé qu’on s’immisce dans ses affaires intérieures, elle ne peut donc pas s’immiscer dans les affaires du Mali, ni dans celles du Niger, du Burkina Faso ou de la Libye.» Une doctrine qu’elle a appliquée lorsqu’un pays européen avait initié l’opération Phoenix, destinée à faire débarquer des parachutistes à Niamey, capitale du Niger, pour libérer le président déchu, Mohamed Bazoum, pour le réinstaller au pouvoir.
«Qui s’y était opposé ? Un seul État : l’Algérie. Nous avions dit que nous n’acceptions aucune ingérence étrangère, autrement nous deviendrons une partie du problème. Cela avait fait annuler l’opération. Comment, dès lors, nous accuser aujourd’hui d’ingérence dans les affaires nigériennes ?», s’est-il étonné. Autre preuve du respect manifesté envers le Niger, en dépit du rappel de son ambassadeur à Alger par solidarité avec le Mali : «Nous avons fermé notre espace aérien aux Maliens à cause de leur drone qui s’était approché de notre frontière, mais notre espace aérien est resté ouvert aux Nigériens.» Des Nigériens avec lesquels les Algériens avaient pourtant planifié «un programme économique commun énorme», fruit de «trois heures d’entretiens en tête-à-tête» que le Président avait eus avec le premier ministre nigérien. S’agissant du voisin libyen, M. Tebboune a rappelé que «la crise en Libye ne date pas d’aujourd’hui, elle date de 2011, mais on accuse l’Algérie de tout», ne manquant pas d’indiquer que, «si nos frères libyens ont besoin de nous, nous sommes là, sinon, nous restons à notre place.» Une chose est pour autant certaine, a-t-il insisté : «Nous n’avons aucun intérêt à envenimer la situation en Libye, bien au contraire.» En résumé, l’Algérie tient à cultiver le bon-voisinage par conviction et dans un esprit serein, mais elle «ne ressent pas du tout une crise d’encerclement». L’État respecte les positions de ses voisins, sans pour autant s’inquiéter outre mesure. La raison ? «Nous avons une armée forte, Dieu merci. Nos services de sécurité sont expérimentés», a assuré le président de la République, tout en gardant sa main tendue vers tous : «L’Algérie est sûre, ses frontières sont sûres. Je dis aux pays voisins frères qu’ils sont les bienvenus à tout moment.»

F. A.

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