
L'expert international en questions géostratégiques et sécuritaires, le professeur M’hand Berkouk, a affirmé hier que les positions du Maroc sur l’Algérie sont historiques, constantes et récurrentes, et qu’elles sont devenues plus dangereuses. «Le Maroc n’a jamais œuvré pour la stabilité de nos relations. Il n’a jamais été vraiment engagé pour le bien-être commun», a-t-il regretté, lors d’une conférence de presse au Forum du Courrier d'Algérie.
La décision de l’Algérie de rompre ses relations était «attendue, prévisible, justifiée et rationnelle».
«Cependant, notre pays a toujours sa place à l’international pour trois raisons : la fermeté de sa position par rapport à la question du Sahara occidental et de la Palestine, notre engagement pour asseoir davantage de justice internationale, raison pour laquelle on constate le forcing de notre diplomatie et de nos représentations diplomatiques à l’étranger. Il y a aussi le fait que le Maroc s’est totalement engagé dans le projet sioniste mondial. C’est pour cela d’ailleurs que l’on va avoir beaucoup de problèmes en provenance du Maroc, pas uniquement par l’espionnage ou la cyber-guerre.»
«L’Algérie est pratiquement le seul pays qui ne cesse d’élever sa voix par rapport aux questions du Sahara occidental et de la Palestine. Cela nous coûte cher mais on continue à le faire. C’est également le seul pays qui continue à œuvrer pour une solidarité internationale avec l’Afrique. On le voit clairement dans cette pandémie par rapport au dispositif Covax pour un accès mondial et équitable aux vaccins et dans l’effacement des dettes de 40 pays africains.
Selon Berkouk, l’Algérie est «très écoutée» par les institutions internationales, soulignant son expérience en matière de lutte contre le terrorisme. «Notre rapport sur la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme, remis à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2015, est devenu un texte de référence». A propos de la refonte et des enjeux de la diplomatie algérienne, l’invité du forum relève la volonté de booster notre diplomatie mais aussi de revoir les objectifs et même les intérêts qui composent l’intérêt national, la refonte de la politique étrangère algérienne étant l’un des engagements du président de la République. «Il l’a réitéré lors du sommet de l’Union africaine de 2020 et cela pour trois raisons essentielles. Le premier est que pendant des années, l’Algérie a travaillé selon les conceptions normatives de la diplomatie nationale. Deuxième lieu, c’était l’intérêt national car les intérêts à l’international ne sont pas des intérêts économiques mais des intérêts liés à la survie et aussi à l’action de l’État, la souveraineté et l’unité nationale. Il y a également cette notion d’influence pour passer d’une logique de représentation à une logique d’influence.» «Notre image a été malheureusement attaquée pendant plusieurs années par des lobbys. Il faut nous investir dans cette démarche pour la promotion de l’image de notre pays.»
«Investir dans la promotion de l’image de notre pays»
M’hand Berkouk dira par ailleurs que la Libye, le Sahel et la Tunisie dont ses aires géopolitiques, constituent notre portée stratégique par rapport à l’Afrique mais aussi notre profondeur culturelle dans le monde arabe, délaissée pendant très longtemps. L’intervenant a rappelé que le président de la République a créé l’Agence nationale de coopération internationale pour la solidarité et souligné la désignation récente de sept envoyés spéciaux, ce qui est un précédent dans l’histoire de notre diplomatie.
La diplomatie économique doit être une «priorité stratégique» et si l’on veut opérer une diversification de notre économie, il faut une diversification des partenaires. «La diplomatie économique a essentiellement trois grandes fonctions, la prospection du marché au profit de nos compagnies pour créer des niches commerciales, la prospection pour nos grands investisseurs et la prospection pour l’investissement étranger. «Pour pouvoir financer des projets, il faut des partenariats multiples publics-privés et étrangers, notamment dans les secteurs stratégiques par rapport à des priorités nationales bien définies.»
Kamélia Hadjib