
Propos recueillis par : Karim Aoudia
El Moudjahid : Le Niger vient d’accepter le plan de sortie de crise proposé par l’Algérie pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans un délai de six mois. Quelle appréciation faites-vous de cette prise de décision adoptée par les autorités nigériennes ?
M. Adamou Boubacar : Historiquement, les relations entre l’Algérie et le Niger ont toujours été bonnes. Par le passé, que ce soit dans les années 1990 où 2000, soit à l’époque des rébellions dans le Nord nigérien, l’Algérie a toujours aidé à trouver des solutions pacifiques négociées à ces crises. C’est donc tout naturellement que l’Algérie, connaissant parfaitement la faiblesse de sa profondeur stratégique africaine, en l’occurrence le Sahel, se propose comme médiateur de cette nouvelle crise au Niger qui est née du coup d’État du 26 juillet dernier. La médiation algérienne ayant pour objectif le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger dans un délai de six mois est une très bonne approche pour résoudre pacifiquement la crise que subit le pays. Ceci d’autant plus que le Président actuel du Niger, le général Abdourahamane Tchiani avait évoqué, dans son premier discours, une période de transition qui ne dépasserait pas les trois ans. Je considère, à ce titre, qu’il y a possibilité de trouver un équilibre consensuel entre, d’une part, le délai de six mois proposé par l’Algérie, et la durée de 3 ans fixée par les nouvelles autorités nigériennes, d’autre part. J’accueille par ailleurs avec grande satisfaction l’acceptation de la médiation algérienne par le Niger. Il s’agit là d’une victoire pour la diplomatie algérienne, mais aussi d’une décision très judicieuse, voire intelligente des autorités du Niger. Cela dit, il est nécessaire d’approfondir les pourparlers, pour aboutir, certes, à une solution juste de la crise nigérienne, mais aussi dans le but d’assurer un retour progressif de la stabilité et de la sécurité dans la bande de Sahel, devenu, depuis 2011, le terreau des groupes terroristes qui menacent tous les États de la région.
L’Algérie propose un processus de rétablissement de l’ordre constitutionnel sous la conduite d’une personnalité consensuelle. Pourriez-vous nous informer davantage sur le profil idéal pour mener à bien cette mission ?
Des personnalités civiles pouvant faire l’objet d’un consensus, il en existe certainement beaucoup au Niger. Cependant, et pour bien mener la période de transition telle que préconisée dans le plan de sortie de crise proposé par l’Algérie, accepté désormais pas les autorités nigériennes, il est nécessaire, à mon avis, de faire appel à une personnalité qui est parfaitement imprégnée de la situation politique, économique et sociale que vit le pays. Et là je pense à l’actuel Premier ministre Ali Lamine Zeine, un homme croyant et très mesuré dans ses propos qui bénéficie, en plus, de la confiance de tous les Nigériens. Il jouit en effet d’une bonne opinion auprès de toute la classe politique nigérienne, de la société civile et même du côté des militaires. Haut fonctionnaire de la Banque africaine du développement au Tchad, Ali Lamine Zeine a aussi dirigé pendant des années le ministère des Finances et de l’Économie au Niger. C’est donc une personnalité qui connaît très bien les dossiers économiques, qui a une parfaite maîtrise de la situation politique et, surtout, qui entretient de très bonnes relations avec les militaires. En somme, c’est donc une personnalité honorable et tout à fait capable de mener cette transition dans le cas, bien sûr, où cette mission lui sera confiée. Il dispose des compétences nécessaires et offre le profil de l’homme de consensus pas excellence.
L’acceptation de la solution pacifique et négociée proposée par l’Algérie, cela signifie que le Niger exclut désormais toute éventualité d’intervention militaire sur son sol. Votre analyse, à ce propos ?
Les deux premiers mois qui ont suivi le coup d’État du 26 juillet dernier ont été très stressants, aussi bien pour les autorités que pour la population du Niger. Il y avait en effet une sorte d’épée de Damoclès qui menaçait tous les pays, d’autant plus que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et son principal soutien, la France, n’avaient pas dit officiellement qu’ils allaient renoncer à une intervention militaire au Niger. Entre-temps, les autorités nigériennes s’étaient préparées à toute éventualité, y compris celle d’une intervention extérieure. Dans ce cadre, le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont créé une Alliance des États du Sahel. Il s’agit d’une alliance défensive qui est en train de se mettre en place, pour parer à toutes formes d’agression extérieure. Actuellement, les autorités nigériennes s’attellent à répondre à une situation d’urgence, à savoir la dégradation de la situation économique. Il faudrait savoir, à ce propos, qu’aussi bien le système économique nigérien que celui monétaire et financier sont très intégrés au sein de la Cédéao. Du coup, les sanctions que cette organisation avait imposées au Niger ont provoqué de graves conséquences sur la vie des Nigériens. L’inflation est galopante et les prix des produits de première nécessité ne cessent d’augmenter, ce qui cause beaucoup de problèmes sociaux.
C’est ainsi que l’urgence pour les autorités du Niger, c’est de faire face à cette situation dictée par des sanctions que je considère comme illégitimes et illégales, puisqu’elles ne sont prévues pas aucun texte de loi régissant la Cédéao. Par ailleurs, le fait que le Niger a accepté la solution de sortie de crise proposée par l’Algérie, qui s’est opposée aussi bien à l’intervention militaire qu’aux dites sanctions sus-évoquées, cela offre l’opportunité aux autorités nigériennes de développer leur relations économiques avec le voisin algérien, pour surmonter les difficultés du moments.
K. A.