
Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Youcef Belmehdi, a indiqué, hier à Alger, que la proposition du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, d’abriter un centre de recherche pour le renforcement de l'immunité intellectuelle «s’inscrit dans les engagements de l’Algérie qui a toujours œuvré pour la paix dans le monde, et dispose des mécanismes pour la diffusion de la pensée correcte et juste».
Le ministre s’exprimait dans une intervention à l’ouverture des travaux d’une conférence organisée par le Haut Conseil Islamique (HCI) sur «l’extrémisme et les moyens de lutte», en présence du professeur Noureddine Ghouali, conseiller du président de la République chargé des affaires de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et Mohamed Hassouni, conseiller à la présidence chargé des zaouïas et des affaires religieuses . Ont assisté également Me Abdelmadjid Zaâlani, président du Conseil national des droits de l’homme, des représentants des services de sécurité, des oulémas et des enseignants universitaires.
M. Belmehdi a souligné que «l’Algérie a acquis une immunité intellectuelle et culturelle contre l’extrémisme et dispose d’un système sécuritaire vigilant», assure-t-il. L’Algérie est aujourd’hui aussi une référence en matière de lutte contre l’extrémisme outre son expérience dans la lutte contre le terrorisme, soutient-il. Il a également rappelé la célébration, le 16 mai de chaque année de la journée internationale du Vivre-ensemble en paix «une initiative de l'Algérie qui a toujours œuvré pour la promotion des valeurs de paix, de réconciliation et de tolérance», dit-il.
Le ministre a rejeté formellement toute relation entre la religion et l’extrémisme. «Certains ont exploité l’extrémisme et la mauvaise interprétation des textes coraniques pour créer des «soldats» à l’instar des «Afghans arabes». On tente d’associer l’extrémisme à l’Islam alors que le Coran demeurera le texte éternel», précise-t-il, en saluant à l’occasion les efforts du HCI pour l’unité du discours et la contribution dans la construction de la culture de la société.
Plaidoyer pour une alliance entre la sécurité institutionnelle et la sécurité intellectuelle
De son côté, le président du Haut conseil islamique (HCI), Bouabdallah Ghlamallah, a mis en garde dans son intervention contre les mutations auxquelles est exposée notre société notamment l’évolution de la technologie. «Nous portons nos ennemis dans nos poches (en allusion aux téléphones portables). Des idées extrémistes prospèrent via des médias écrits et audiovisuels, qui influencent certains. La science a aussi un impact négatif qui peut nuire à la cohésion de la société et freine la dynamique nationale économique, culturelle et religieuse», avertit-il. L’extrémisme n’est pas toujours à caractère religieux. «C’est un fléau qui menace le tissu social et crée des conflits au sein des familles, des quartiers, des institutions et des mosquées», relève-t-il.
La rencontre a été marquée par des conférences animées par des experts. Le directeur de l’Ecole supérieur des sciences politiques,
Pr Mustapha Sayej a insisté dans son intervention sur l’importance de l’immunité interne, institutionnelle et sociétale «afin de faire face aux menaces et dangers aux frontières et dans la région du Sahel notamment suite à la normalisation des relations entre le Maroc et l’entité sioniste, ce qui constitue une préoccupation pour l’avenir de la région», indique-t-il .
L’expert a rappelé l’attentat ayant ciblé le site gazier de Tiguentourine commis par un groupe de terroristes de plusieurs nationalités. «On a tenté de frapper notre profondeur énergétique. Daech était au Sud», relève-t-il.
Pr Sayej a mis l’accent également sur les mutations effrénées du numérique auxquelles sont exposées les sociétés. «La révolution numérique est un grand défi dans la construction de la pensée culturelle, qui est le rempart contre l’extrémisme», rappelant le recours de l’organisation terroriste Qaïda pour le recrutement et la propagande via des sites électroniques.
Le terrorisme est une fabrication étrangère pour déclencher des guerres par procuration et la destruction des pays. «Il y a eu recyclage des jeunes terroristes. Ce sont les premiers groupes afghans, dont des djihadistes d’origine arabe, qui ont été armés et entraînés pour combattre les Soviétiques. Ce sont ces mêmes Arabes afghans qui avaient attaqué une caserne à Guemar, en Algérie, durant les années 1990, dans le cadre d’un système stratégique et sur la base de fetwas préparées», affirme-t-il.
Pour le professeur, l’Algérie a souffert des affres du terrorisme et lutté seule contre ce fléau transnational. «On avions assisté à un recul du nombre des Algériens combattants de Daëch en Syrie et en Irak grâce à l’approche de la réconciliation qui a immunisé l’Algérie», affirme-t-il, plaidant pour «une alliance entre la sécurité institutionnelle et la sécurité intellectuelle».
Neila Benrahal
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L’extrémisme est économique aussi
Selon l’enseignant universitaire, Soleimane Ould Khissal, l’extrémisme peut être économique aussi. «L’enrichissement illicite, le commerce informel, la violation des lois de la République sont aussi une forme d’extrémisme, de même que le détournement du foncier agricole», affirme-t-il dans son intervention. Il a souligné, que les textes de la Constitution de 2020 prévoient la lutte et la prévention contre l’extrémisme économique. Le chercheur a proposé l’application rigoureuse du contenu de la Constitution dans le cadre de la prévention de l’extrémisme et la violence. Également plaidé pour le dialogue entre Algériens et l’implication des sociologues et psychologues, ainsi que la coexistence à travers la citoyenneté réelle et la fraternité. Dans le même sillage, le docteur Larbi Chaichi, chercheur et enseignant universitaire en sciences islamiques, soutient l’actualisation du discours religieux et le discours de la haine. «La liberté n’est pas l’anarchie mais une responsabilité», insiste-t-il. Le chercheur a mis en avant l’importance de la moralisation des comportements dans la prévention de l’extrémisme.
N. B.