
Entre l’Algérie et l’Union européenne (UE), les relations sont solides, nourries par une proximité géographique, des liens historiques profonds et des intérêts stratégiques partagés. Les deux parties partagent des intérêts majeurs, aussi bien sur le plan économique, que politique et sécuritaire. La coopération est multiple et les échanges commerciaux restent volumineux. L’UE demeure le principal partenaire commercial de l’Algérie, avec des échanges qui se sont élevés à près de 48 % en 2024. Aussi, l’Algérie est le deuxième fournisseur de gaz de l’UE, derrière la Norvège. Un fournisseur sûr et fiable, de l’avis même des Européens. Ce partenariat énergétique revêt une dimension stratégique essentielle pour les deux parties, surtout que l’Algérie se lance dans des projets de grande envergure, tels que celui du corridor énergétique «SoutH2 Corridor», qui permettra d’acheminer l’hydrogène vert algérien vers l’Europe, à travers l’Italie. Ce corridor, long de 3.300 km, pourrait contribuer, à hauteur de 40%, aux objectifs d’importations énergétiques de l’UE. Mais l’Algérie, qui a mené des réformes économiques profondes au cours de ces dernières années et amorcé une diversification de ses exportations, veut être un véritable partenaire et non seulement un marché et un fournisseur d’énergie. Pour ce faire, elle réclame, à juste titre, la révision de l’Accord d’association avec l’UE, qu’elle considère comme dépassé et non adapté aux nouvelles réalités économiques du pays. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, l’a clairement signifié lors d’un Conseil des ministres, en janvier 2025, en affirmant que «la révision de l’accord avec l’UE «s’impose au regard de la réalité économique actuelle, sachant que, depuis son entrée en vigueur, en 2005, les exportations de l'Algérie étaient basées principalement sur les hydrocarbures, alors qu’aujourd'hui, nos exportations hors hydrocarbures se sont diversifiées et étendues à d’autres domaines, notamment la production agricole, les minerais, le ciment et les produits alimentaires et autres». Il a, par la même, assuré que cette demande de révision «ne résulte pas d’un conflit, mais vise à soutenir les bonnes relations entre l'Algérie et l’UE, en tant que partenaires économiques, sur la base du principe gagnant-gagnant». Cette révision ne traduit donc aucun différend, mais répond plutôt à la volonté de renforcer les relations économiques avec l’UE sur des bases plus équilibrées. Le chef de l’État avait, d’ailleurs, assuré, lors d’une entrevue avec la presse diffusée le 5 octobre 2024, que la révision de l’accord, qui est «nécessaire», sera mené «avec souplesse et dans un esprit amical, sans entrer en conflit».
L’économie nationale s’est profondément transformée
L’objectif est d’ajuster le partenariat aux réalités actuelles et de mieux en exploiter les potentialités. Les résultats de deux décennies d’application de l’accord d’association ont été déséquilibrés et globalement défavorables à l’économie algérienne. Le volet commercial a prédominé, reléguant au second plan les dimensions essentielles que sont l’investissement et le développement. L’Algérie cherche désormais à adapter l’accord d’association à sa nouvelle réalité économique, en veillant à l’instauration d’un véritable partenariat stratégique, fondé sur la réciprocité, la pérennité des investissements et le transfert technologique. Après une large dépendance des importations au cours d’une vingtaine d’années, l’Algérie peut aujourd’hui se targuer d’avoir réalisé l’autosuffisance dans plusieurs domaines, s’inscrivant dans une logique d’exportation. Autrement dit, l’Algérie de 2025 n’a plus rien à voir avec celle de 2005. L’économie nationale s’est profondément transformée, avec une diversification des exportations et un renforcement de la production locale, ce qui la positionne parmi les économies émergentes. Depuis la signature de l’accord d’association, les échanges commerciaux ont largement bénéficié à l’UE, tandis que les investissements européens dans des secteurs clés, y compris l’énergie, sont restés limités. Selon les données du ministère des Affaires étrangères, les investissements européens en Algérie, entre 2005 et 2022, n’ont pas dépassé les 13 milliards de dollars. Une grande majorité de ces flux financiers a été concentrée dans le secteur des hydrocarbures, secteur stratégique, mais déjà bien établi. En contrepartie, les transferts de bénéfices opérés par les entreprises européennes installées en Algérie ont atteint 12 milliards de dollars. Ce chiffre met en évidence un déséquilibre manifeste dans les retombées économiques de la présence européenne sur le marché algérien. Aussi, il y a lieu de souligner un écart significatif dans les échanges commerciaux.
Un équilibre sur la base d’un partenariat équitable
Au cours des 15 dernières années, l’UE a exporté vers l’Algérie pour plus de 310 milliards de dollars de marchandises, tandis que les importations européennes de produits algériens hors hydrocarbures n’ont atteint que 15 milliards de dollars. Cette asymétrie commerciale témoigne d’un déséquilibre commercial en faveur des Européens et d’un faible accès des produits algériens au marché de l’UE. D’où la nécessité de revoir, en profondeur, article par article, le contenu de l’accord, pour rétablir un équilibre sur la base d’un partenariat équitable et profitable à tous, comme le suggèrent nombre de spécialistes. En somme, l’Algérie cherche, à travers cette demande légitime de révision, à instaurer une coopération plus équilibrée, respectueuse de ses intérêts stratégiques et de son développement durable. Mesurant l’importance de son partenariat avec l’Algérie, l’UE a déjà réaffirmé sa volonté de continuer à œuvrer à l’intégration des deux économies et au maintien d’un dialogue politique constructif. «Nous sommes conscients que nos destins sont liés, nous souhaitons continuer à travailler ensemble et nous assurer que les économies algérienne et européenne soient intégrées et que le dialogue politique puisse continuer», avait déclaré Diego Mellado Pascua, ambassadeur de l’Union européenne en Algérie, au terme de la cérémonie de remise de ses lettres de créance au président de la République, Abdelmadjid Tebboune, en octobre 2024. Insistant sur le fait que l’Algérie soit «un partenaire stratégique» de l'UE, l’ambassadeur avait relevé la nécessité de «revisiter les relations bilatérales dans leur globalité, dans le cadre d’une nouvelle coopération fondée sur le principe gagnant-gagnant, en adéquation avec les défis actuels et les priorités stratégiques des deux parties».
M. A. O.