Le ministère de la Justice a organisé à l'Ecole supérieure de la Magistrature de Koléa un séminaire sur la protection et l'insertion de la femme, au profit de magistrats, d'avocats, de médiateurs de justice, et de personnel des services du ministère de la Solidarité, de la Famille et de la Condition de la Femme, de l’Organe national de la promotion et de la protection de l’enfance et d'associations activant dans le domaine judiciaire. Cette rencontre de deux jours s'inscrit dans le cadre du Programme européen d'appui au secteur de la justice en Algérie, à travers la gestion de programmes en coordination avec le partenaire européen, l'Unité d'appui au programme.
Le ministère a indiqué que la participation et les interventions ont lieu en présentiel et par visioconférence, ajoutant que les travaux sont animés à distance depuis la France et l'Espagne par les experts en droit : Serge Ortilé, Jean Marie Oyé et Aljandra Bernardo. L'animation en Algérie est assurée, en présentiel, par Mme Ait Zai Nadia, enseignante universitaire et militante du mouvement associatif. Cette dernière a axé son intervention sur les mécanismes de prise en charge et de protection des femmes en difficulté, rappelant que leur protection est garantie par la loi qui condamne tous les comportements violents. Le Code pénal de 2015 incrimine les violences conjugales, sexuelles, le harcèlement sexuel, les violences économiques, la dépossession des biens de l’épouse.
Pour Mme Ait Zai, le pardon prévu par le Code pénal pour les violences conjugales fait tomber l’action publique, alors qu’il aurait fallu préciser qu’il ne pouvait toucher que les réparations. «Nous constatons le peu d’intérêt accordé à la victime car dans l’esprit du législateur, c’est la famille qu’il faut protéger et non la personne», fait-elle relever. L’article 40 de la Constitution proclame les droits fondamentaux des femmes ainsi que l’obligation pour l’Etat de protéger les victimes de violence en leur offrant un hébergement et une assistance judiciaire gratuite. Ces mécanismes juridiques doivent être complétés, selon Mme Ait Zai, par des textes portant sur la protection, l’éloignement du mari ainsi que par la création d’un guichet unique de prise en charge des victimes et la mise en place d’un protocole sanitaire.
«Nous sommes en attente d’une nouvelle stratégie nationale de lutte contre les violences», dit-elle. Elle plaide pour un dialogue entre les pouvoirs publics et les associations portant sur les intérêts des femmes, des mineurs et de toute personne en situation de vulnérabilité ou de handicap. Elle souligne l'importance de l'harmonisation des bases de données pour une approche intersectorielle. «Il existe des données administratives des directions de l'action sociale et de solidarité, de la police, de la gendarmerie, de la médecine légale ainsi que des associations qu'il faut harmoniser pour une approche efficace et efficiente», ajoute-t-elle.
L'avocat au barreau de Paris, Serge Ortelli, a mis en exergue la nécessité d'une protection des femmes, notamment celles victimes de violence, à travers des mesures opérationnelles efficaces.
Il appelle à la priorisation de la sensibilisation et de la formation du public sur les lieux de travail, outre la mise en place de l'interdisciplinarité dans le traitement des affaires de violences contre la femme.
Salima Ettouahria