
«La pénurie d'eau est une problématique en relation directe avec la sécurité nationale», a rappelé, hier à Alger, le président du Conseil économique, social et environnemental (CNESE), Reda Tir, à l'ouverture d'une journée d'étude sur le stress hydrique. «L'Algérie se situe dans la catégorie rouge des pays à stress hydrique, classée à la 29e place», selon le dernier rapport de l'UNESCO.
Précisant que le thème retenu s'inscrit en droite ligne avec les orientations du Président de la République, le président du CNESE a souligné l'urgence d'un modèle optimisé de consommation et mis en relief l'impératif d'une stratégie efficace pour faire face aux aléas climatiques. «La société, dans toutes ses composantes, doit s'impliquer énergiquement dans la mise en place de solutions efficientes en vue de corriger une attitude sociale exagérément portée sur le gaspillage de la ressource hydrique», a indiqué Reda Tir.
Dans cette optique, le président du CNESE se dit favorable à une révision à la hausse, et de manière progressive, de la tarification de l'eau, en veillant à ne pas affecter le pouvoir d'achat. «L'Etat est appelé à réagir rapidement sur les questions de la subvention et de la tarification». S’agissant des subventions, le CNESE s'attèle actuellement à peaufiner une étude et rappelle les efforts colossaux de l'État pour assurer la disponibilité au profit du citoyen et des autres secteurs d'activité, à leur tête l'agriculture.
«La subvention dont bénéficie ce secteur atteint parfois jusqu'à 70% du coût réel de l'eau, ce qui, associé au gaspillage, représente une lourde charge pour le Trésor public». En effet, l'irrigation des périmètres agricoles représente 62% de la demande totale, l'eau potable 35%, et le secteur industriel 3%. Reda Tir a préconisé en outre d'inscrire la rationalisation de l'eau parmi les priorités nationales de l'heure, l’un des objectifs visés à travers la création d'une agence de supervision de la gestion des stations de dessalement de l'eau de mer décidée par le Président de la République en séance du Conseil des ministres. A cette occasion, le Chef de l'État qui a instruit le gouvernement de réaliser de nouvelles stations de dessalement avait également ordonné l'interdiction d'exploitation des eaux souterraines des plaines, à l'exemple de la Mitidja, et leur utilisation exclusive pour l'irrigation des terres agricoles. D'autre part, et en sus des investissements d'envergure de l’Etat, l'accès à l'eau potable et sa préservation pour les générations futures ont été constitutionnalisé à la faveur de la révision de la loi fondamentale. «Nous sommes un des rares pays africains à introduire l'utilisation rationnelle de l'eau dans la Constitution», souligne le Pr Mohamed Kettab, enseignant à l'université de Bouira dans son intervention sur les stratégies et le plan d'action pour la gestion du stress hydrique en Algérie à l'horizon 2030. Se félicitant du nombre de barrages réalisés (80), dont le nombre atteindra 124 à l'échéance indiquée, et rappelant que la moyenne nationale de 180 litres/hab/jour est supérieure à celle des pays, notamment européens, cet expert international a toutefois mis l'accent sur un ensemble d'insuffisances qu'il faudrait combler dans le cadre d'une stratégie globale de rationalisation par des mécanismes innovants. L'eau se raréfie, eu égard à plusieurs aléas climatiques, et est insuffisante compte tenu de la croissance démographique, engendrant un besoin croissant exprimé par divers usagers (citoyens, agriculture et industrie). Il en vaut pour preuve la tendance baissière du ratio de consommation passé de
1500m3/hab/an au lendemain de l'indépendance à moins de 450m3hab/an en 2020. Estimé à 18 milliards m3/an, le potentiel hydrique national place le pays dans une position vulnérable, accentuée par les changements climatiques et le comportement néfaste du citoyen. La consommation est excessive : 39% utilisés pour les bains et douches et 20% dans les sanitaires. L'accès à l'eau potable se dresse d'ores et déjà comme un défi majeur pour l'Algérie dans les années à venir. Pour réussir ce challenge, l'expert préconise une série de recommandations portant, entre autres, sur l'introduction de techniques efficaces pour économiser l'eau exploitée dans l'irrigation, la collecte des eaux pluviales, la validation de la charte de l'eau, le lancement d'une loi-programme sur 5 ans avec des objectifs précis et une dotation budgétaire adéquate. Il se dit lui aussi favorable à une révision de la tarification de l'eau restée à 8DA le m3 depuis 2005.
De son côté, le Dr Guerrout Chouaib de l'Université d’Okan
(Turquie) a présenté par visioconférence une proposition de modèle global pour la planification des eci-villes en Afrique subsaharienne, en se focalisant sur le cas d'Adrar. «La chasse à l'eau : défis et solutions pour faire face à la pénurie» a été traitée par Brian Richter de l'Université de Virginie.
«La charte relative à l'économie de l'eau» a été évoquée par des représentantes du ministère des Ressources en eau, Nora Frioua et Zohra Ouazzani.
Karim Aoudia
-------------------------------------------------
Industrie des réseaux : Le CNESE s’attellera prochainement à l’examen du dossier
Le CNESE procédera très prochainement à l'examen du dossier des industries des réseaux (eau, électricité, gaz, transport), a indiqué Reda Tir. «Nous comptons ouvrir ce dossier dans les deux semaines à venir, le CNESE traitera des différents aspects, plus particulièrement les volets liés à la subvention et à l'acquisition de technologies pour faire valoir des méthodes novatrices dans ce domaine».
K.A.