Fruits et légumes - Pr Guendouzi : «Revoir le fonctionnement des circuits»

Propos recueillis par Fouad Irnatene

El Moudjahid : La mercuriale s'enflamme en ce début du Ramadhan, mettant la bourse du citoyen à rude épreuve. Au-delà la traditionnelle question de l'offre et de la demande, quelles sont les raisons de cette folie de prix ?

Pr Guendouzi : La hausse brusque constatée dans les prix des produits alimentaires a pour origine, aussi bien des facteurs objectifs, mais également d’ordre subjectif liés au comportement du consommateur et au modèle de consommation. Tout d’abord, l’économie nationale subit un processus inflationniste depuis 2021, corrélativement à l’inflation en cours à l’échelle internationale, et du fait que l’Algérie importe une grande partie de ses intrants, particulièrement alimentaires, des marchés étrangers. Aussi, selon la Banque d’Algérie, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation national global moyen a connu une augmentation de 9,73% au troisième trimestre 2022. En second lieu, les circuits de distribution tels qu’ils fonctionnent actuellement ne peuvent remplir correctement leur rôle, du fait qu’ils soient phagocytés par une multitude d’intermédiaires, dont certains activant dans l’informel, et d’autres font défaut, que ce soit en professionnalisme que par rapport à l’éthique. Enfin, la période du mois béni de Ramadhan coïncide avec une forte hausse de la consommation, notamment avec le rush des citoyens sur l’ensemble des marchés de denrées alimentaires, déséquilibrant en quelque sorte la structure des stocks et de l’offre. Ajoutez à cela, une forte pression sur les produits dont les prix sont soutenus par l’État et dont la régulation est devenue problématique.

Le scénario se répète chaque année, en dépit des mesures annoncées. Faut-il aller vers des mesures coercitives pour maîtriser le marché ?

En période de forte demande, la commercialisation des produits à destination des ménages subit de fortes distorsions dont il est toujours difficile d’en maîtrise l’impact. À titre d’exemple, le commerce des fruits et légumes présente une spécificité en liaison avec l’offre qui provient de quelques wilayas réputées pour leur niveau élevé de production, alors que la consommation touche l’ensemble du territoire national. Les problèmes d’acheminement, de stockage, de chaîne du froid, le nombre élevé d’intermédiaires dont certains agissant dans l’informel ou encore l’insuffisance des marchés de gros, influent énormément sur les prix de vente aux consommateurs. Le marché des viandes, rouge ou blanche, présente également ses propres spécificités, dont on connaît mal le mode de fonctionnement, ainsi que les acteurs en présence. Aussi, en l’absence d’une étude approfondie de la sphère commerciale, et en corrélation avec la structure de la consommation en Algérie, il sera toujours difficile d’appréhender l’évolution du marché intérieur, même en ayant adopté des mesures coercitives.

L'agriculture saharienne devra-t-elle être développée davantage pour alimenter le marché national, notamment en ces périodes de grande consommation ?

L’agriculture saharienne présente d’importantes potentialités en termes de production, de rendements et de diversification, qui auront certainement un impact positif sur l’offre de produits agricoles en Algérie. Mais il y a aussi des spécificités qui doivent être prises en charge en amont, afin de donner à l’activité, la profondeur qui lui sied, pour en maîtriser aussi bien les différentes contraintes naturelles que logistiques. Aussi, est-il attendu une véritable stratégie autour de ce futur pôle productif, créateur de valeur ajoutée, pour rehausser sa contribution à l’effort national en vue de réaliser la sécurité alimentaire du pays.

F. I.

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