
Le quotidien El Moudjahid et l’association Machaâl Echahid ont organisé, hier, une conférence sur la première Constitution de l’Algérie indépendante. Lazhari Bouzid, spécialiste en droit constitutionnel, a fait une brève rétrospective sur les constantes qui ont prévalu dans les Constitutions algériennes de 1962 à 2020.
Il a souligné avec insistance leur caractère populaire en tant qu’émanation de la volonté du peuple algérien. Après les Accords d’Evian, dira-t-il, l’Algérie est entrée dans une période de transition. L’exécutif provisoire présidé par le défunt Abderrahmane Fares avait pour mission de veiller à la sécurité des biens et des personnes, de gérer les affaires courantes.
Le 20 septembre 1962, le peuple algérien approuve, par référendum, un projet de loi qui confie à une Assemblée nationale constituante le soin de mener à bon port une triple tâche : investir un gouvernement, légiférer au nom du peuple, élaborer un projet de constitution.
Le premier travail accompli par l’Etat algérien était la mise en place d’une assemblée nationale constituante, une instance élue par le peuple, dont la mission consistait à donner naissance à la Constitution pour le pays, de légiférer, un gouvernement qui sera dirigé par le président Ahmed Benbella. Ce dernier a déclaré qu’en tant qu’exécutif, il adoptera une neutralité sur l’élaboration de la Constitution. Le conférencier a rappelé que l’Assemblée nationale constituante avait promulgué une loi sur la banque centrale, un symbole de souveraineté, une loi de finances. De 1963 à nos jours, une constante et une ligne de conduite permanente auront été respectées, en l’occurrence la préservation des principes de Novembre, a-t-il affirmé.
La Constitution du 10 septembre 1963, première loi fondamentale, a été le résultat de notre histoire, une conséquence de la volonté des Algériens. Dans son préambule, un lien est affirmé avec le 1er Novembre, la Charte de Tripoli, et un pouvoir non négligeable est attribué au Front de libération nationale qui contrôle et oriente les institutions, à savoir le parlement et le président de la République.
La Constitution est également intéressante en ce sens qu'elle est la première loi fondamentale de l'Algérie libre et souveraine. C’est un document important au regard de l'évolution politique de l'Algérie indépendante. Il marque en effet la fin du régime provisoire qui, après la lutte de libération, avait assuré la gouvernance de l'Etat algérien depuis la proclamation officielle de l'indépendance le 3 juillet 1962.
D’une manière générale, cette Constitution n’est pas le propre d’un nouvel Etat, mais il s’agit de son recouvrement, de sa réhabilitation après avoir subi une agression en 1830.
Quelques éclaircissements indispensables
Lazhari Bouzid soutient que l’Algérie a trois constitutions : celle de 1963, de 1976, avec trois amendements, la Constitution de 1989 avec cinq amendements qui ont signifié la suppression du régime du parti unique, la fin du socialisme, réitéré une fidélité au legs de Novembre, et une persévérance dans la concrétisation de la justice sociale. Le dernier amendement dans la constitution de Novembre 2020 a été effectué par le président Abdelmadjid Tebboune et son adoption par voix référendaire. C’est le seul amendement qui a évoqué nommément et pour la première fois, la Déclaration du 1er Novembre.
Cela veut dire que le peuple algérien dispose pleinement de ses droits les plus imprescriptibles, qu’il s’agit d’un Etat à vocation sociale, quelle que soit la nature du régime économique.
La Constitution de 2020 a fixé avec détail le rôle essentiel de la jeunesse, réaffirmé le Hirak populaire et les revendications du peuple, a indiqué cet orateur. Ceux qui prétendaient que l’Algérie «consomme» trop de constitutions, colportent des propos sans aucun fondement, conclut-il.
M. B.
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Ils ont dit :
Amar Rekhila :
«La constitution en Algérie est instaurée de manière officielle en 1963»
«La constitution en Algérie est le pilier des lois juridiques. Elle a été instaurée pour la première fois en 1963, fruit de la constituante. En effet, l’Algérie a commencé le processus de mise en place des nouvelles lois à partir de la Constitution de 1963. Le certificat para-constitutionnel du 10 juillet 1965 avait aussi un poids sur la Constitution qui se base sur le conseil de la révolution qui était le premier organe de l’Etat. Il était constitué de deux systèmes, à savoir le gouvernement et le FLN. La Constitution de 1989 est considérée comme un tournant très important car elle a coïncidé avec le changement de cap d’un système socialiste à un autre système capitaliste».
Zine Eddine Gharbi
Amar Mansouri, chercheur en génie nucléaire :
«La constitution de 2020 accorde une grande importance à la jeunesse»
Selon Amar Mansouri, chercheur en génie nucléaire, la Constitution doit prévoir toutes les situations que ce soit sur les plans politique, économique ou scientifique pour garantir l’avenir du pays, l’histoire du pays, sa religion, sa langue, sa culture. Dans le même contexte, il a affirmé que «la Constitution de 2020 accorde une grande importance à la jeunesse pour assurer l’avenir de notre pays. Nous avons des lois dans tous les domaines de la vie quotidienne, le malheur est qu’on ne respecte pas toutes ces lois car une loi qui n’est pas respectée ne peut pas être efficace. Les nouvelles technologies nous permettent d’avancer et de revoir nos lois. Nous souhaitons que la Constitution de 2020 soit appliquée à la lettre et à tous les niveaux, surtout les institutions, notamment la séparation des pouvoirs et le contrôle qui doit être renforcé, ce qui permet d’avancer à une vitesse plus grande».
R. B.
Aboubakeur Ahmed, président de la commission juridique, administrative et des libertés de l’APN :
«Intérêt palpable pour la mémoire nationale»
Aboubakeur Ahmed, président de la commission juridique, administrative et des libertés de l’APN, a déclaré que l’amendement constitutionnel du 1er Novembre 2020, équivaut en réalité à une nouvelle constitution. Cette Constitution a donné de nouveaux et importants pouvoirs qui ont ouvert de vastes domaines au représentant, notamment dans l’exercice de ses fonctions de contrôle du gouvernement, ce qui signifie que les mécanismes de contrôle ont été considérablement renforcés.
Cela se reflète dans la performance du représentant et, par conséquent, dans la performance des institutions contrôlées par le Parlement, dira-t-il. Il en va de même pour les droits de l’homme et les libertés, y compris la liberté de la presse, de religion et autres.
La Constitution de 2020 a confirmé, consacré et renforcé la place de la mémoire nationale dans la loi fondamentale conclut-il.
Radja B.