
Un bel hommage a été rendu, hier, dans le cadre du Forum de la mémoire, à l’équipe de football du Front de libération nationale, qui, au plus fort de notre lutte pour l’indépendance, s’est particulièrement illustrée en se faisant le porte-voix d’une cause, d’une nation.
Des footballeurs professionnels, rejetant le confort et la célébrité, évoluant dans des clubs huppés de première division, ont répondu à l’appel du devoir pour écrire en lettres d’or ce qui fut une véritable épopée sportive. Ils ont démontré que des footballeurs peuvent porter le message à l’international, d’un peuple guerroyant contre le diktat colonial.
Yousef Bateze, historien et politologue, a mis en évidence, la portée de cette formation du point de vue politique, voire géopolitique, en donnant à la diplomatie sportive et à la lutte anticoloniale toute son importance. En effet, outre les dimensions traditionnelles d’une lutte focalisée généralement sur le segment militaire, le FLN a décidé d’initier une autre possibilité de combat en mobilisant les précieuses ressources du sport.
Notre invité précise que cette équipe n’est pas tombée du ciel, elle est l’héritière du mouvement sportif autochtone né au début des années 1920 du siècle dernier. Il dira qu’à cette époque, on pouvait identifier deux types de clubs, ceux du loyalisme, du conformisme et de l’assujettissement à la pensée coloniale dominante, et ceux qui refusaient la soumission à l’ordre établi et s’engageaient en faveur d’un nationalisme fondé sur la notion d’identité et de résistance.
En guise d’argumentation, il a cité l’exemple des acronymes de ces clubs d’où on pouvait relever les mentions de musulman, pour bien opérer un distinguo avec les clubs dits européens.
Youcef Bateze dira également que l’équipe du FLN a servi de modèle pour les Sahraouis et les Palestiniens qui ont créé leur formation nationale de football.
Mohamed Maouche, un des très rares survivants de cette équipe, a indiqué que par leurs fréquentes tournées à travers le monde, notamment à Tunis, Pékin, la Bulgarie, Hanoï, Tripoli, Prague, Damas, les footballeurs auront été les dignes émissaires et de valeureux ambassadeurs de la cause du peuple algérien, participant de brillante façon à la médiatisation de notre révolution.
Ce coup d’éclat réussi, en avril 1958, fut relaté assez brièvement par Mohamed Maouche. Il a témoigné une profonde reconnaissance à tous les pays qui ont accueilli fraternellement l’équipe du FLN, adressant en particulier, un message de fraternité et d’amitié au peuple tchécoslovaque.
La création de cette équipe, qui allait défier de fort belle manière la chronique sportive, a germé, selon ses propos, dans l’esprit de Mohamed Boumezrag El Mokrani. Mais avant cela, un docteur, du nom de Moulay Tahar, qui s’occupait des étudiants algériens, avait pris contact avec Boumezrag, pour former une équipe de footballeurs professionnels, évoluant au plus haut niveau du championnat de France, qui ont foulé les terrains de nombreux stades du monde.
On n’insistera pas sur le fulgurant impact suscité après le départ inopiné de ces moudjahidine de la balle ronde, surtout à la veille des phases finales de la coupe du monde 1958. Ce fut véritablement un formidable coup de tonnerre.
Au cours d’un débat riche en interventions pertinentes, l’accent s’est surtout centré sur la nécessité d’approfondir les recherches au sujet de l’écriture de l’histoire de notre mouvement sportif national, un vivier de nationalisme et de dévouement pour la patrie.
Pour rappel, il ne reste que deux joueurs de cette héroïque formation encore en vie. Il s’agit de Mohamed Maouche et Dahmane Defnoun.
M. B.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Mohamed Maouche, l’un des trois survivants de l’équipe du FLN :
«Honorer le drapeau était un devoir»
«Honorer le drapeau était alors un devoir. Témoigner au peuple algérien en lutte sa solidarité en le représentant dignement et en gagnant des matchs dans le monde entier était la finalité du sacrifice sportif et de l’engagement patriotique de ces footballeurs professionnels. Nous étions des sportifs mais aussi et surtout des militants très engagés.
L'idée de créer cette équipe est née dans l'esprit de Mohamed Boumezrag El-Mokrani en 1957, lors de la participation de quelques Algériens au Festival international des étudiants à Moscou sous l'égide de l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) sous la direction de Moulay Tahar, chargé à l'époque des affaires des étudiants algériens.»
F. L.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Mourad Boutadjine, Chargé de la communication de la fondation de l’équipe du FLN :
«Bientôt la création du musée de la glorieuse équipe du FLN»
«Une trentaine de joueurs professionnels ont sacrifié leurs carrières respectives pour répondre à l’appel du FLN. Comme l’a déclaré Ferhat Abbas, ils ont fait avancer la bataille de dix ans, en se produisant à travers le monde pour faire connaître la cause algérienne et la guerre de Libération. Ces joueurs étaient des moudjahidine sur les terrains de football. Néanmoins, le combat ne s’est pas écrêté au cessez-le-feu. Ils ont continué à servir leur nation. Certains ont poursuivi leur carrière de joueurs, alors que d’autres ont aidé le football national à se développer, en embrassant des carrières de dirigeant ou encore d’entraîneur dans des clubs algériens ou différentes sélections nationales. Ils ont été derrière les premiers exploits et sacres de l’Algérie. Je citerai à titre d’exemple, la médaille d’or des Verts aux Jeux méditerranéens en 1975 et la médaille d’or aux jeux Africains de 1979 avec Rachid Mekhloufi, le titre de champion d’Afrique des clubs du Mouloudia avec à sa tête Abdelhamid Zouba (1976), la première qualification à un mondial (1982) avec Mohamed Maouche ou encore la première coupe d’Afrique des nations avec Abdelhamid Kermali. Avec la disparition de certains joueurs, il a été décidé, il y a quelques années déjà, de créer une fondation pour, d’une part, préserver l’histoire de cette glorieuse équipe, mais aussi poursuivre son œuvre dans la promotion et le développement du football national. Sur les trente-deux footballeurs qui ont évolué au sein de cette formation, il n’en reste que deux, à savoir Mohamed Maouche et Abderrahmane Defnoun, que Dieu les garde. L’occasion a été donnée aux membres des familles des joueurs de cette sélection, à des personnalités du monde du sport national, à des journalistes connus et à d’autres athlètes de faire partie de cette fondation.
R. M.