Face aux menaces asymétriques : L’Algérie consolide son arsenal d’autodéfense

Optimiser l’arsenal juridique de l’autodéfense du territoire algérien et de son espace, y compris digital, est un impératif qu’il faudrait satisfaire, compte tenu d’un contexte régional marqué par une recrudescence des activités criminelles, notamment l’utilisation par des groupes malveillants de moyens technologiques à des fins d’espionnage et de subversion.

Dans une allocution prononcée, lors de la réunion d’orientation qu’il a tenue récemment avec les cadres et les personnels du commandement de la Gendarmerie nationale, le général d’Armée Saïd Chanegriha avait clairement mis en garde contre ce genre de pratiques visant à créer des situations de crises et à briser le lien étroit entre le peuple et ses institutions. «Une mise en garde complètement appropriée», a estimé l’expert des questions géopolitiques, Arselan Chikhaoui, qui enchaîne : «Aujourd’hui, nous sommes bel et bien dans une guerre de 3e et de 4e générations, où le pays est réellement menacé compte tenu de la multiplication des attaques cybernétiques qui ciblent son espace virtuel.»
Et d’ajouter : «Toutes les formes de cyberattaques exécutées par des individus à titre personnel ou appartenant à des organisations sont considérées comme un acte malveillant, voire criminel.»
Il a fait savoir en outre que «les frontières algériennes sont menacées, autant par des groupes extrémistes violents que par le trafic d’armes de guerre en provenance de Libye, le trafic de drogue à partir du Maroc et du Sahel, et des déplacements de migrants subsahariens à partir du Mali.»
Selon l’expert, la région sahélo-saharienne est devenue la plaque tournante d’un trafic transnational avec ses différentes filières du crime organisé, principalement les trafics d’armes et de drogues. «Les narcotrafiquants des cartels latino-américains acheminent leurs marchandises vers l’Europe, en transitant, grâce aux voies maritimes, par l’Afrique de l’Ouest. Un banditisme diversifié et florissant, allant des côtes du Sénégal jusqu’à la Corne de l’Afrique, constitue une jonction avec les filières du crime organisé en provenance d’Amérique centrale.
De l’héroïne à l’est de l’Afrique et de la cocaïne à l’ouest se rejoignent dans la zone sahélo-saharienne, empruntant de nouveaux itinéraires à travers le Tchad, le Niger et le Mali. Avec une reconfiguration des routes de la drogue, l’Afrique de l’Ouest est devenue une plaque tournante et un des chemins les plus sûrs pour acheminer de la drogue.
Jusqu’à environ 47 tonnes de cocaïne par an ont pu transiter par la région. La cocaïne produite en Amérique latine arrive par bateau en Afrique de l’Ouest (Guinée, Ghana ou Nigeria), et est ensuite acheminée à travers le Sahel vers l’Afrique du Nord, le Moyen- Orient et l’Europe.»
Se référant à un rapport récent des Nations unies, il fait état, d’une part, des revenus générés par ce trafic d’environ 900 millions de dollars par an, et, d’autre part, de l’augmentation considérable de la production de cannabis en Afrique, pour atteindre 20% de la production mondiale.
Notre interlocuteur fait remarquer que ce trafic de drogue finance aussi bien le crime organisé que les groupes terroristes présents dans la région (AQMI, Boko Haram, MUJAO, Daech... ).

Karim Aoudia

__________________________

Immigration clandestine et prolifération du trafic d’armes

Dr Chikhaoui a alerté en outre sur le fait  qu’au milieu de la guerre contre le banditisme et le terrorisme, il y a surtout la lutte contre l’immigration clandestine et les réseaux alimentant le vaste trafic, très lucratif pour les nouveaux barons, qu’est celui de la traite humaine. Le passage organisé de personnes se développe de manière exponentielle dans les zones frontalières et des milliers de migrants d’origine subsaharienne traversent les frontières de l’Algérie en route vers «l’eldorado» illusoire des pays européens.
«Depuis la dernière décennie, l’Algérie est devenue un pays essentiellement de transit pour des ressortissants de pays africains qui arrivent sur le territoire algérien en empruntant les routes de l’immigration clandestine», a-t-il constaté. Notre interlocuteur alerte aussi sur la menace que suscite la prolifération des armes, objet d’un trafic devenu incontrôlable du fait de la multiplication des conflits d’intensité variable. La bande sahélo-saharienne est devenue un espace incontrôlable.
 «La circulation d’armes est à la fois une conséquence et un facteur du développement des autres trafics (drogue, migrants... ). 
Les armes parvenues au Mali via le Tchad et le Niger en provenance de Benghazi, à l’issue de la guerre en Libye de 2011, font apparaître un trafic d’armes à grande échelle au Sahel. 
Les mercenaires mauritaniens, maliens ou nigériens, qui combattaient dans les rangs de l’armée régulière libyenne, se sont repliés dans leur pays d’origine lourdement armés. Le trafic via le Niger se poursuit par ces ex-mercenaires qui auraient dissimulé de l’armement en territoire mauritanien. Il se vend au plus offrant et aux groupes terroristes présents dans la région», a-t-il expliqué. 
L’expert a salué, à ce titre, les efforts de l’Algérie visant à durcir la lutte contre les gangs de trafiquants d’armes. 
«L’Algérie ne ménage aucun effort pour lutter contre le terrorisme, le trafic transnational de tout genre et le crime organisé» a assuré le Dr Chikhaoui, rappelant que l’Algérie a fait partie de la Convention arabe sur la suppression du terrorisme adoptée en 1998 et le protocole à la convention de l’Union africaine (UA) sur la prévention et la lutte contre le terrorisme de 2004. L’Algérie a été également à l’origine de l’élaboration d’une stratégie unifiée pour faire face aux fléaux répandus au Sahel (terrorisme, trafic de stupéfiants et crime organisé transfrontalier), qui s’est traduite en 2009 par la conclusion d’un mémorandum de coopération et de coordination des actions avec le Mali, le Niger et la Mauritanie. 
Sur la base de ce mémorandum, a été créé,  en 2010, un Comité d’État-Major opérationnel conjoint (CEMOC) installé à Tamanrasset et une Unité de fusion et de liaison (UFL) a également été installée pour coordonner les efforts opérationnels des quatre pays. «De plus, l’Algérie participe, au niveau méditerranéen, à toutes les réunions des 5+5, notamment celles des ministres de l’Intérieur et  de la Défense. Elle introduit régulièrement, au niveau de l’Assemblée générale des Nations unies, une résolution pour le renforcement de la sécurité et la coopération en Méditerranée, à l’exemple de la résolution 66/63 de décembre 2011 adoptée par consensus. Elle fait également partie des trois conventions de l’ONU de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, de corruption et de criminalité transnationale organisée», a conclu notre interlocuteur.
 
K. A.

 

Sur le même thème

Multimedia