
L’experte en questions économiques et sociales, Nacera Haddad, souligne que la célébration de la journée internationale de la Femme a lieu cette année dans un contexte exceptionnel et extrêmement difficile au plan économique pour toutes les catégories sociales, en particulier pour les femmes.
«La COVID-19 a eu comme effet de par le monde d’accentuer les inégalités et la précarité de toutes les couches vulnérables et les femmes en font partie», affirme-t-elle, regrettant que le taux d’activité féminin en Algérie soit parmi les plus faibles dans le monde, surtout avec la crise sanitaire.
Elle salue, dans ce contexte, la décision courageuse du président de la République d’instaurer une mesure que très peu de pays ont adoptée, à savoir permettre aux femmes salariées ayant des enfants de rester à la maison pendant la période de confinement tout en assurant leurs salaires. «Cependant, nous savons que la majorité des femmes qui travaillent sont dans l’informel, même des universitaires et des diplômées».
La crise sanitaire a accentué le faible taux d’activité féminine
L’insertion des femmes dans le monde du travail en Algérie avec un faible taux a été accentuée par deux importants phénomènes : la crise sanitaire et la crise économique qui s’est installée en 2014 avec la chute des prix du pétrole. «Le chômage des femmes, notamment les diplômées, est devenu de plus en plus important» notera l’experte qui révèle que chaque année, 65 à 70 % d’entre elles ne trouvent pas de débouchés professionnels, ce qui constitue une perte sèche pour l’investissement de l’Etat dans la mesure où l’emploi est lié par la création d’entreprises et la croissance. «Quand on ne fait pas de croissance, on ne crée pas d’emploi. Il est reconnu de par le monde qu’au dessous de 2 % de croissance il n’y a pas de création d’emplois». Il est clair qu’il existe un problème de fond auquel on ne s’est pas adapté pour permettre aux dispositifs d’aide à l’insertion et de création d’emplois d’acquérir leur efficacité. Mme Haddad rappelle que le gouvernement a mis en place des dispositifs extrêmement étoffés au plan de la mobilisation financière mais leur gouvernance a été un échec lamentable. «Ils ont été discriminants pour l’insertion des femmes, certes, ce n’est pas une discrimination volontaire mais plutôt subie de par le mode de gouvernance».
L’orientation et la formation des filles, un véritable obstacle
L’intervenante évoquera à ce propos l’orientation et la formation des filles au cours de leur cursus d’études comme premier obstacle dans l’insertion. «Les filles s’orientent vers des disciplines très éloignées de la culture entrepreneuriale et de l’aptitude d’aller vers un projet d’entreprenariat», constate-t-elle, jugeant nécessaire d’intégrer une phase de mise à niveau des femmes diplômées qui arrivent en travaillant sur l’ingénierie de la création d’entreprise au niveau du dispositif. En clair, pouvoir disposer d’outils d’aide à la décision pour renforcer et orienter les jeunes filles dans des projets sur lesquels elles peuvent réussir.
Selon l’économiste, les dispositifs d’insertion mis en place n’ont jamais travaillé sur la logique de développer une ingénierie pour réussir la création d’une activité viable qui se base sur la valorisation des richesses du territoire local permettant de créer une économie locale dans laquelle les femmes peuvent s’intégrer et avoir une activité. «La gouvernance de ces dispositifs a complètement occulté cet aspect, privilégiant plutôt une logique de mise à disposition des finances. Les femmes n’ont pas été vers ces dispositifs du fait qu’elles rechignent à contracter un crédit bancaire ou à s’endetter, ce qui explique le très faible taux d’accès des femmes à ces dispositifs», souligne-t-elle, mettant l’accent sur les financements très importants mobilisés par l’Etat à travers ses dispositifs d’aide à l’insertion des jeunes.
Mme Haddad relève l’importance de revoir complètement le mode de gouvernance de ces dispositifs de manière à encourager l’entreprenariat féminin et l’insertion des femmes dans le monde du travail. «Nous devons avoir des dispositifs très proches des économies locales, il s’agit d’assurer l’accompagnement des femmes dans le développement de leur projet entrepreneurial en leur proposant des modèles qui tiennent compte de leurs spécificités territoriales, d’où l’intérêt d’intégrer les secteurs de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur dans la formation aux métiers».
Kamélia Hadjib