
Fad'ma N'Soumer, Mamia Chentouf, Hassiba Ben Bouali, Boupacha, Bouhired... suit une longue liste de Djamilate El-Djazaïr. Rebelles en puissance, inspirantes héroines des résistances algériennes, elles furent des cheffes de la résistance, aux commandes d'insurrections armées, des djoundi (soldat) au front de la Révolution, maquisardes intrépides , tenant tête aux sanguinaires «paras». Elles seront dans les réseaux imbriqués de la guérilla urbaine, la fine fleur de ses commandos martyrs, les fidaïs, des «poseuses de bombes» dans l'antre hideux de l'ordre colonial. Elles sont des infirmières de guerre, des secrétaires, des agents de renseignement, de liaison, membres de l'Organisation civile OC-FLN, cuisinières, bien sûr, des intendantes efficaces des maquis incandescents, des mères nourricières, des sœurs d’armes. Les femmes algériennes se confondent totalement avec l'histoire de la Résistance (aux envahisseurs de tous poils), dans de ce qu'elle a de traits sublimes, de courage brut et de noblesse de combat. Révolutionnaire, de mère en fille Cependant, sur la place, dans le roman national, la femme algérienne en armes demeure très peu visible. Dans son exposé thématique, le professeur enseignant à l'université Ahmed-Ben-Yahia-El- Wancharissi (Tissemsilt), Lakhdar Saidani, déplore le fait que le sujet ne soit pas assez «exploré» par la recherche académique. Pourtant, des noms illustres de combattantes méritent qu'ils soient tirés de l'amnésie collective, à l'image, cite-t-il, de Meriem Mokhtari, recrutée par le commando Ali Guitouni dans les maquis de Mascara et de Tiaret, de Yamina Aït Amrane, originaire des Ouacifs, qui prit le maquis à 17 ans et tombera, les armes à la main, dans le Wanchariss , en 1959. Bien avant elles, Mamia Chentouf était la «féministe» pionnière du mouvement national et figure de proue au Parti du peuple algérien, qu'elle intègrera en 1943 (à Tlemcen). Si l'Appel du 1er novembre n’a pas fait cas de la femme algérienne, ce n'est pas par velleité d'exclusion, explique-t-il. La proclamation du déclenchement de la Révolution algérienne s'adressait à l'ensemble des militants nationalistes, sans distinction de race, de religion et/ou de genre. Pour preuve, l'universitaire rappelle que la place et le statut de la femme algérienne occupaient l'essentiel des discours politiques des formations du mouvement national, des oulémas, aux assimilationnistes, en passant par le courant indépendantiste. Auteur d'une étude sur les Mémoires d'une combattante de l'ALN : Zone autonome d'Alger, ouvrage autobiographique de Zohra Drif, l'historien affirme que la moudjahida, héroïne de la bataille d'Alger, est l'archétype de la guérilla révolutionnaire. Native de Tissemsilt, la Zohra nationale, bien qu'issue d'une famille aisée et lettrée, était révulsée par les arbitraires du système d'indigénat. «Combattre la France en retournant contre elle, ses propres valeurs», était la devise de cette militante de la liberté. Elle portera, haut, la lutte armée dans la cité coloniale (algéroise), dont les fondements ont été littéralement soufflés par les bombes de feu Taleb Abderrahmane. De Fad’ma N’Soumer à Djamila Boupacha Journaliste à l'ENTV, férue d'histoire, portraitiste de moudjahidate, Rachida Brahimi amorce sa communication par la lecture d'un passage de la lettre émouvante de Hassiba Benbouali à ses parents. Envoyée 20 jours avant qu'elle ne soit abominablement exécutée, avec ses compagnons d'armes, feux Ali La Pointe et P'tit Omar, à La Casbah en 1957, par les cerbères de Massu, la lettre est rendue publique 75 ans après (in ouvrage de Malika Corso). «Si la mort nous arrache à la vie, nous nous reverrons chez Notre Dieu. Si je meure, ne me pleurez pas : je serai morte heureuse, je vous le certifie», écrit, inébranlable, la combattante mythique de la Zone autonome d'Alger. Révolutionnaire, de mère en fille. En somme. «La femme algérienne n'a pas cessé de se battre depuis 1830, année de la dévastation coloniale. Elle ne s'est pas lamentée sur son sort, elle a pris les armes», souligne l'historienne. Brahimi rappelle Fad’ma N’Soumer, qui, de 1854 à 1957, était commandant de la résistance populaire en Kabylie. De Fad’ma N’Soumer à Djamila Boupacha, un siècle de résistance à la barbarie coloniale. Torturée, condamnée à mort, Boupacha, la «poseuse de bombes» de l'ALN, et son corps frêle de martyre en apesanteur, sont devenus des modèles iconiques de la guerre de Libération algérienne.
M. Aziri