
La commémoration de la Journée nationale du chahid intervient, cette année, dans une conjoncture particulière marquée par le débat sur la question de la Mémoire. La question mémorielle est placée au centre des préoccupations du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, depuis son investiture à la tête de la magistrature suprême du pays. Ce dernier avait souligné, quelques mois après son investiture, que «l’intérêt accordé à la mémoire nationale» est un «devoir national sacré ne tolérant aucun marchandage et qui restera en tête des préoccupations de l’État afin d’immuniser la personnalité nationale, par fidélité aux martyrs de la glorieuse Révolution de Novembre et aux moudjahidine».
Les engagements du Président Tebboune en matière mémorielle se sont traduits par le lancement, au cours d’une cérémonie officielle organisée à la veille du 66e anniversaire du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954, de la chaîne de la Mémoire, spécialisée dans l’histoire de l’Algérie, et par le fait d’avoir décrété le 8 mai de chaque année «journée nationale de la Mémoire». La question mémorielle a été relancée suite à la publication du rapport de l’historien français Benjamin Stora. Demandé par le président français dans le cadre d’un travail sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, le rapport Stora a essuyé de vives critiques de la part tant d’universitaires et d’historiens des deux rives, que de représentants de la société civile. Le Pr Hassan Remaoun estime que ce rapport n’est en aucun cas «l’élaboration d’une nouvelle version de l’histoire coloniale française en Algérie et de la guerre d’Algérie». Les «excuses ou une repentance» de la France «ne rendraient pas justice à tout ce que notre peuple a subi», avait-il souligné, soutenant qu’une «reconnaissance des crimes commis pourrait contribuer à l’apaisement des relations entre les deux peuples». L’historien Mohammed Ould Si Kaddour El-Korso a, de son côté, opiné que le rapport de l’historien français devrait d’abord interpeller la classe politique française pour qu’elle se «réconcilie avec sa propre histoire», considérant que la «guerre des mémoires» est, avant tout, une guerre entre «mémoires françaises». Le rapport de Stora a été aussi battu en brèche par des historiens et universitaires français dont le politologue et universitaire Olivier Le Cour Grandmaison, qui a souligné que si la France et le président Macron «excluent toute reconnaissance des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis au cours des 130 ans de colonisation de l’Algérie, c’est aussi parce que le rapport rendu par le conseiller-historien Benjamin Stora, tranche en ce sens». Le chercheur en Histoire, Gilles Manceron, a, lui, qualifié la réaction de la France officielle qui refuse repentance et excuses envers l’Algérie, «d’inquiétante», faisant référence au tweet de la présidence de la République française, qu’il avait fait juste après la remise du rapport de Stora, dans lequel il est mentionné que «des actes symboliques sont prévus, mais ni repentance, ni excuses». L’ancien combattant et militant anticolonialiste, Henri Pouillot, a relevé, dans une contribution parue dans le journal français en ligne Médiapart, que le rapport de Benjamin Stora «semble beaucoup minimiser les enfumades, les répressions sommaires qui se sont poursuivies, féroces, à chaque contestations des effets de la barbarie du colonialisme».