
- Arrestation de 36 personnes mises en cause, dont 3 femmes
- Une femme appelait et incitait à brûler la dépouille
- Les éléments de la Sûreté qui transportaient la victime à bord du véhicule de police ont évité les tirs de sommation, pour éviter tout dérapage
Les services spécialisés de police ont arrêté 36 personnes suspectes dans l’affaire du lynchage du jeune Djamel Bensmail, brûlé vif à Larbaâ Nath Irathen, dont 3 femmes, a révélé hier le Directeur de la police judiciaire à la DGSN, le contrôleur de police Mohamed Bouchakour .
Le DPJ a également précisé que « les policiers n’ont pas tiré en l’air des coups de sommation afin d’éviter un dérapage de la situation et ont ainsi déjoué un plan qui visait l’explosion de la région». «La situation pouvait facilement dégénérer si les policiers avaient tiré des coups de sommation».
Dans un point de presse animé à l’Ecole supérieure de la police Ali-Tounsi à Alger, le DPJ a présenté les premiers éléments de l’enquête préliminaire dans cette affaire suite à une enquête ouverte sur instruction du parquet du tribunal de Larbaâ Nath Irathen.
Le jeune qui a poignardé la victime tentait de s’enfuir vers le Maroc
Les premières investigations ont fait ressortir que Djamel B. était en compagnie de deux autres personnes à bord d’un véhicule de tourisme dans la région de Larbaâ Nath Irathen. En apprenant qu’il était suspecté d’être à l’origine de feux de forêt, il s’est vite rapproché d’une patrouille de police présente sur les lieux.
La patrouille a été surprise à son arrivée au siège de la Sûreté de daïra par une foule nombreuse dans un état de grande hystérie.
36 suspects ont été identifiés et arrêtés, dont 3 femmes, parmi elles celle qui incitait à l’égorger alors qu’il était brûlé dans une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux. Selon le DPJ, tous les suspects ont participé d’une manière ou une autre à ce crime odieux .
Le contrôleur de police a indiqué également que le jeune qui portait un T-shirt noir XL, qui avait poignardé la victime, a été interpellé alors qu’il tentait de s’enfuir au Maroc. L’enquête préliminaire se déroule sous la direction des autorités judiciaires. «L’identification des suspects s’est faite en un temps record et preuves à l’appui», selon le DPJ qui a salué les citoyens pour le partage des vidéos
La police a évité un dérapage sécuritaire
Le directeur de la police judiciaire a précisé que la police n’a pas tiré de tirs de sommations en l’air. «Le Haut commandement de la Sûreté nationale a donné des instructions de ne pas recourir aux armes afin d’éviter tout dérapage sécuritaire planifié par des parties ennemies de l’Algérie pour faire exploser la situation».
Il a précisé que la Sûreté de Daira de Larbaâ Nath Irathen est composée de trois groupes. «Le premier groupe participait aux opérations d’extinction des feux ; le second groupe était chargé d’assurer la sécurité des deux autres suspects qui étaient en compagnie de la victime à l’intérieur du siège de la SD, alors que 4 éléments étaient à bord du fourgon de service encerclé par une foule nombreuse. Le conférencier a salué «les services de police qui ont fait preuve de sagesse et de maitrise et ont réussi à mettre en échec des plans criminels de déstabilisation». Il a présenté au nom de la DGSN ses condoléances à la famille de la victime ainsi qu’aux familles des victimes des incendies.
Révélations et regrets
Lors de cette rencontre avec des représentants des médias, des enregistrements des principaux suspects dans le crime ont été diffusés. Des jeunes natifs et résidants pour la plupart dans la région de Larbaa Nath Irathen, menottés lors de leurs auditions filmées, ont reconnu qu’ils étaient «manipulés» par des parties, regrettent leurs actes et demandent pardon.
La victime avait une carte d’identité biométrique
L’un des suspects ( Ch. T.) a déclaré, que la victime était à bord d’un véhicule Clio immatriculé 43. «Il était en compagnie de deux personnes et portait un sachet. On nous a dit qu’il est à l’origine des incendies et a pris la fuite vers un véhicule de police. J’ai récupéré sa carte d’identité biométrique et son portable et je mes souviens juste du prénom porté sur sa carte «Djamel». Je regrette tout depuis le début. J’ai cru bien faire et je paie maintenant mon acte. Je voulais dénoncer et condamner l’acte et je n’avais pas l’intention de nuire à mon pays. Je pensais que c’était un incendiaire».
On m’a trompé
Un autre suspect a avoué qu’il avait participé aux opérations d’extinction des feux. « Nous avons appris que celui qui avait mis le feu avait été arrêté, nous avons suivi le véhicule de police. Il y avait une foule nombreuse devant le commissariat de police. Oui, je l’ai frappé et je demande pardon, je n’ai pas l’habitude d’avoir des ennuis, ils m’ont trompé ».
Qui a appelé l’enseignant en sciences islamiques ?
Un des suspects, L. CH, enseignant en sciences islamiques, natif de Béni Ourtilane et résidant à Larbaâ Nath Irathen, était proche de la victime. Il est l’auteur du selfie du crime capturé et diffusé en direct : «On se connait et nous avons fait ensemble des randonnées dans la région. Il a l’habitude de venir à Tizi-Ouzou. Il m’a appelé la veille pour m’informer qu’il allait venir le lendemain (mercredi) pour participer aux opérations d’extinction. Effectivement, il est arrivé tôt le matin vers 8h et s’est dirigé vers la Zaouia qu’il connait si bien. Je suis arrivé vers 16h à Azzouza. C’est moi qui a filmé le crime en live, en commentant que celui qui brûle sera brûlé. Sur place, je n’ai pas réalisé l’erreur et ce n’est qu’après 24h que j’ai constaté le fait.
J’ai essayé de supprimer le selfie sur ma story surtout quand on m’a dit qu’il se peut qu’il ne soit pas l’incendiaire. J’ai rencontré sur place des gens étrangers, je n’ai pas l’habitude de les voir dans la région et aujourd’hui, je doute de l’identité de celui qui m’a appelé par téléphone et m’a demandé d’y aller».
Des gens étrangers à la région étaient présents sur la scène de crime
De même, un autre suspect A. Y., auteur de la vidéo du corps brûlé sur la placette, a évoqué la présence d’individus étrangers qui parlaient de la découverte d’un faux permis et d’une bouteille d’essence en sa possession. «J’habite à proximité du commissariat de Makouda.
Il y avait une grande bagarre. Les policiers sont intervenus et ont conduit deux jeunes à l’intérieur de la Sûreté de daïra, la victime était à l’intérieur du fourgon. On racontait, qu’il était à bord d’un véhicule sans immatriculation et en possession d’un faux permis et d’une bouteille d’essence. J’étais manipulé par un jeune qui avait entre 17 et 18 ans.
Je regrette et je demande pardon. Je n’ai jamais commis de crime dans ma vie. J’étais juste à côté d’un homme natif d’Annaba qui habitait aux HLM de Larbaâ Nath Irtahen. C’est lui qui a filmé la scène ».
L’infirmière qui a répondu à la provocation du «bistouri»
Nabila M. est la femme qui a incité la foule à lui couper la tête dans une vidéo qui a suscité une large indignation.
Elle est issue de Bouzaréah à Alger et travaille comme infirmière à Hadjout. «Je me suis déplacée à Larbaâ Nath Irathen comme bénévole avec une amie. Je suis partie pour donner un coup de main à la population.
Quand je suis arrivée sur place, il y avait foule. J’avais peur car un jeune de près de 23 ans a tenté de se rapprocher de moi. Je ne savais pas comment réagir face à ce jeune qui avait un bistouri dans les mains. Il hurlait et menaçait d’éliminer tous les Arabes, alors j’ai crié et j’ai demandé que sa tête soit coupée. Tout le monde peut se tomper, que Dieu me pardonne».
«Je l’ai piétiné et je demande pardon
à ses parents»
Le dernier suspect M. A, a reconnu qu’il a piétiné la victime : «On m’a induit en erreur. On nous dit qu’un pyromane a été arrêté. Je l’ai battu à l’intérieur du véhicule de police. Je demande à ses parents de me pardonner», regrette-t-il.
Neila Benrahal
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L’incitateur portait un pull rouge
Un autre suspect (T. S.) a reconnu qu’il s’est introduit à l’intérieur du véhicule de police (comme le montre la vidéo) où se trouvait la victime. «Je voulais le frapper pas le tuer. Je lui ai asséné des coups au niveau du visage .C’est le jeune qui portait un pull rouge qui m’a incité à le faire car il nous a fait croire qu’il était à l’origine des incendies. Nous avons commis une erreur».
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Le HCA
«des pratiques contraires à nos traditions»
Le Haut-commissariat à l’Amazighité (HCA) a dénoncé hier avec «force toute violence, verbale ou physique», en condamnant l’acte «inhumain et barbare» vécu à Larbaâ Nath Irathen, à savoir le lynchage à mort du jeune Djamel Bensmaïl, comme il a salué «l’indignation» collective des citoyens de cette région, «profondément attachée aux valeurs nationales».
L’image de la «sagesse» du père du défunt, «j’ai perdu un fils, mais j’ai gagné des enfants !», incarne le vivre-ensemble en paix d’une société «forte» de ses attachements aux valeurs ancestrales et son refus «habituel et incontestable de toutes formes de racisme, de régionalisme et de discours de la haine», a ajouté la même source.
«Toutes ces pratiques contraires à l’éthique et aux traditions de la société algérienne doivent êtres bannies et criminalisées par l’application stricte des nouveaux textes juridiques inspirés de l’esprit de la Constitution et des lois de la République qui interdisent toute atteinte à l’unité nationale».
Pour cette institution, «au moment où, face à des événements tragiques dus aux incendies criminels touchant 17 wilayas, et plus particulièrement Tizi Ouzou et Béjaïa, le peuple algérien pleure la perte de citoyens et militaires, tombés en martyrs».
«Toujours unis et solidaires face aux catastrophes naturelles et aux dangereuses conspirations ciblant notre pays à partir de l’étranger, les Algériens sont en train de donner une nouvelle leçon de patriotisme par un lien fort Armée-Nation».
Pour le HCA, les discours de «haine et de fragmentation identitaire — adossés à un arsenal technologique — des plus adaptés, s’ils n’ont pas affecté la quasi majorité de nos concitoyens, ils ont néanmoins contaminé les plus fragiles et les plus crédules. Malheureusement, le meurtre commence toujours par la parole».
APS
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Commission ministérielle de la Fatwa
Mise en garde contre les rumeurs
La Commission ministérielle de la Fatwa a appelé, hier, à l’importance de s’attacher à l’unité de la société algérienne face à toute tentative la visant, mettant en garde contre «les rumeurs tendancieuses colportées par les ennemis de la religion et du pays», notamment à travers les réseaux sociaux en «cette circonstance exceptionnelle». Dans un communiqué, la Commission ministérielle a réaffirmé «l’importance de l’unité de la société algérienne (...) dans laquelle sont soudées les constantes de l’identité nationale: l’islam, l’arabité et l’amazighité». Condamnant les crimes des feux de forêt survenus dans plusieurs wilayas, la Commission a indiqué que «la nuisance à la terre est le plus grand péché, notamment si cela entraîne mort d’homme et appauvrissement des potentialités et des richesses de la nation».
Après avoir rappelé que «la Fitna et la division d’une seule communauté sont l’un des plus grands péchés», la commission a appelé le peuple algérien «à contrecarrer toute tentative visant à compromettre l’unité nationale et à désunir le peuple», expliquant que cette démarche est «un devoir religieux et une obligation nationale». La commission n’a pas manqué de «saluer l’effort national» déployé, en cette crise, par le peuple, la Protection civile et les forces de l’Armée nationale populaire (ANP), ainsi que le services des forêts, les organes de sécurité, la société civile et les bénévoles, qui se sont érigés en un seul homme pour éteindre les flammes et sauver les vies des citoyens et leurs biens, dans une atmosphère marquée par la solidarité, l’entraide et le déni de soi. Selon la même source, la commission a affirmé que les dispositions relatives aux «crimes, aux châtiments et aux peines relèvent seulement de la compétence des organes de l’État, une règle majeure de la charia islamique et un principe authentique de jurisprudence et de droit».
Elle a souligné, dans ce contexte, que «l’investigation dans les crimes, les délits et les infractions, ainsi que l’exécution des peines à leur encontre relèvent exclusivement de la compétence de la justice algérienne», et «aucun individu n’a le droit de s’ingérer dans cette affaire». La commission ministérielle de la fatwa a condamné «l’acte criminel isolé commis par des criminels sans foi ni loi, dépourvus de toute humanité, un crime banni à l’unanimité», exprimant sa confiance en «la justice et les institutions» du pays. APS
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Conseil national des enseignants du supérieur
«Une guerre contre l’Algérie où différents moyens criminels abjects sont employés»
Le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES) a appelé hier à se serrer les coudes, pour contrecarrer les manœuvres et les plans malveillants visant la désintégration de l’unité et de la cohésion nationales. En effet, le CNES a exprimé son indignation face à «la guerre atroce» à laquelle est exposée l’Algérie, une guerre où différents «moyens criminels abjects» sont employés, notamment après la vague d’incendies survenus simultanément dans plusieurs wilayas ciblant la richesse forestière et l’équilibre écologique.
Le Conseil regrette cette succession d’événements caractérisée par des crises économiques, une guerre épidémique, puis une série d’incendies simultanés ciblant d’immenses espaces forestiers, d’abord à Khenchela, puis la bande côtière est, de Tizi Ouzou à El-Tarf, entraînant de graves pertes écologiques et économiques, mais également des pertes humaines, avec pas moins de 69 morts entre civils et militaires.
En cette douloureuse circonstance, le CNES présente «ses sincères condoléances aux familles des victimes, à l’ANP et au peuple algérien, priant le Tout-Puissant d’accueillir les défunts en Son vaste paradis».
Le Conseil condamne énergiquement «le crime ignoble dont a été victime le jeune Djamel Bensmaïl, assassiné de manière insidieuse, contraire à la morale humaine, en général, et étrange aux us des Algériens, en particulier», exprimant «son entière confiance en la justice algérienne qui est à même d’élucider les circonstances du crime et sanctionner les responsables», a conclu le communiqué. APS