
Les plate-formes des réseaux sociaux en Algérie, notamment Facebook, Instagram et TikTok, sont utilisées pour la fraude en ligne. La cible privilégiée : des centaines de citoyens à la recherche d’offres lucratives sur des téléphones, des appareils électroménagers ou même des vêtements de luxe à des prix incroyables, avec des méthodes de paiement, telles que les versements ou le prépaiement partiel.
Le phénomène ne se limite plus à des cas isolés, mais s’est transformé en un réseau criminel organisé, supervisé par des réseaux virtuels dotés de moyens techniques et d’astuces pour piéger facilement leurs victimes. Les méthodes sont devenues sophistiquées et les offres sont si convaincantes que la victime ne réalise que trop tard qu’elle est tombée dans le piège. C’est une véritable source d’inquiétude pour les citoyens. L’avocate Messaouda Kemmas a révélé à El Moudjahid les détails de l’un des réseaux les plus dangereux, qui opérait à travers plusieurs comptes sur Instagram, Facebook, WhatsApp et TikTok, utilisant des numéros de téléphone et des dizaines de comptes de messagerie pour collecter, transférer et blanchir des fonds. Virtuellement, ce réseau est expert dans l’appât des victimes, avec des offres de vente d’appareils intelligents et d’électroménager à des prix parfois jusqu’à 50 % inférieurs à ceux du marché. Il promet une livraison express, à condition de verser un acompte via «BaridiMob», ou par virement postal express. Certaines pages publient même des vidéos convaincantes, qui font croire à leurs abonnés qu’ils ont bien reçu leur commande, alors qu’en réalité, tout est méticuleusement conçu pour attirer le plus grand nombre de clients possible. On a pu approcher Abderhmane, une victime, qui admet ne s’être jamais attendu à tomber dans un tel piège. A. M., habitant la commune de Réghaïa dans la banlieue d’Alger, raconte qu’il cherchait simplement une nouvelle moto lorsqu’il est tombé sur une annonce vantant une moto à 160.000 DA, avec une garantie d’un an. Il a rapidement contacté la page et a viré la somme demandée sur un compte postal, après une brève conversation via Messenger. Tout semblait normal, quelqu’un lui a même répondu d’une voix polie. Il semblait être une personne respectable... «Je n’en ai pas douté un seul instant, jusqu’à ce que je sois bloqué et que toute trace de la page disparaisse», a-t-il expliqué, pour découvrir plus tard qu’il avait perdu l’argent dans un moment de négligence. Une étudiante de la même région, nommée (C. H.), a confirmé qu’elle cherchait un smartphone haut de gamme, pour la création d’un contenu, et a trouvé une annonce attrayante sur TikTok. Elle a contacté le propriétaire, qui lui a envoyé un lien vers une page externe, similaire à celle-ci. «Le vendeur, un professionnel de la vente en ligne, apparemment, lui a alors demandé son numéro de carte bancaire sous prétexte de déduire uniquement les frais de livraison et de vérifier son identité. «Je lui ai envoyé mon numéro de carte, sa date d’expiration et d’autres informations. Quelques minutes plus tard, plus de 18.000 dinars avaient disparu de mon compte, et je n’ai rien reçu. Je ne savais pas que ces informations suffiraient à se servir de mon compte», a-t-elle détaillé. Me Kemmas a appelé les citoyens à être vigilants et de ne pas avoir une confiance totale dans les pages de réseaux sociaux, qui n’ont pas de crédibilité. Avant d’ajouter que plusieurs cas similairesont été recensés, impliquant des victimes dans diverses régions du pays, où il est nécessaire de savoir que ces arnaqueurs numériques pratiques des méthodes professionnelles pour piéger les victimes, à travers de fausses pages prétendant vendre des téléphones contre remboursement. Cependant, après avoir convaincu la victime de verser un acompte partiel, pour garantir le sérieux de l’opération, ces pages disparaissent complètement. Certains arnaqueurs utilisent même de fausses pièces d’identité ou des enseignes commeriales connues, pour donner cette impression de confiance. Certains réseaux utilisent des photos de belles femmes comme façade marketing via des comptes Instagram dédiés à la vente de vêtements et de cosmétiques. Expliquant ce phénomène, le professeur Younes Grar, consultant en technologie de l’information et de la communication, a déclaré à El Moudjahid qu’il représente une évolution étonnante dans les méthodes de séduction digitale. Les escrocs d’aujourd’hui ne se contentent pas de compter sur le hasard, ils utilisent les outils marketing les plus récents, de la conception d’un logo professionnel à la publication de faux avis, et même à la création de fausses boutiques en ligne, avec interface professionnelle. «La victime moyenne ne peut pas faire la différence entre un vrai magasin et un faux, si elle n’a pas de connaissances techniques», a-t-il relevé. Dans ce sens, Grar a mis l’accent sur l’intensification des campagnes de sensibilisation dans le but d’avoir une culture cybernétique, pour lutter contre les arnaqueurs en ligne. Il a, par ailleurs, rappelé que le problème est que beaucoup de gens ne savent pas que le simple fait de fournir le numéro de carte, sa date d’expiration et le code CVV suffit à permettre à toute personne disposant d’une application de paiement électronique de retirer de retirer de l’argent de votre compte en quelques secondes», a expliqué Grar. Il a précisé, par ailleurs, que le manque d’éducation numérique dans la société rend les utilisateurs, même instruits, vulnérables à la tromperie, en particulier face à des offres alléchantes et au désir de faire un profit rapide ou de conclure une bonne affaire. De son côté, Fadi Tamim, représentant de l’Association de protection des consommateurs (APOCE) a souligné l’importance de la transition numérique dans divers domaines, où il est important de mettre en évidence des campagnes de sensibilisation, à travers les médias nationaux privés, les mosquées, les réseaux sociaux... L’objectif est d’augmenter la conscience chez les utilisateurs du numerique, rappelant que les victimes sont victimes, non seulement de l’ignorance numérique, mais aussi de ce qu’il appelle la «tentation symbolique». «Les gens sont, aujourd’hui, de plus en plus enclins à répondre aux offres numériques qui leur promettent de contourner les circuits traditionnels et d’atteindre un confort exceptionnel sans effort, et à moindre coût, surtout s’ils savent que le produit est livré à domicile sans tracas. L’offre numérique, même si elle semble illogique, séduit la victime, car elle satisfait son besoin psychologique de profit et lui offre d’autres moyenscompte tenu de ses revenus limités. Il ne s’agit pas ici d’une simple arnaque, mais d’une exploitation profonde», a-t-il fait savoir. Indiquant également que de nombreuses victimes, se sentant honteuses après avoir été escroquées, ont tendance à garder le silence plutôt que de dénoncer, ce qui prolonge la vie des réseaux frauduleux et leur donne l’occasion de piéger davantage de victimes. À l’ère du numérique, «voler» n’implique plus cambrioler une maison ou forcer une serrure. Il suffit d’une publication alléchante sur TikTok, Instagram ou Facebook, avec la photo d’un téléphone à un prix choc, une offre de paiement échelonné sur des appareils électroménagers, ou un message sur messenger demandant un code de téléphone portable… pour que la perte commence et que les fils d’une véritable arnaque se forment. Sur le plan juridique, malgré l’existence de dispositions légales criminalisant la fraude, le blanchiment d’argent et l’usurpation d’identité, la réalité du terrain révèle de réels défis en matière d’application. Le code pénal algérien criminalise la cyberfraude, et les lois anti-cybercriminalité prévoient des peines allant jusqu’à dix ans de prison, dans certains cas. Parfois, les victimes ne savent même pas à qui s’adresser et la police a besoin d’outils techniques sophistiqués et d’autorisations judiciaires pour suivre certains comptes. Face à l’essor de ce type de criminalité, les services de sécurité ont commencé à accorder une attention accrue à la cybersécurité. Des équipes spécialisées ont été renforcées au niveau de la Gendarmerie et de Sûreté nationales, et des outils de traçage numérique ont été développés, en coordination avec Algérie Poste, Algérie Télécom et les opérateurs de télécommunications. Ces équipes ont réussi à démanteler des réseaux professionnels. Le problème est que l’éducation numérique en Algérie n’a pas atteint son niveau optimal, laissant une faille dangereuse exploitée par des réseaux frauduleux. Par exemple, un faux lien pour «Algérie Poste» existait et a piégé de nombreux utilisateurs, incapables de distinguer un lien sécurisé d’un lien malveillant, ignorant que la fausse page pouvait imiter parfaitement les pages officielles des bureaux de poste, des banques et d’autres institutions réputées. Profits rapides, remises, ventes à tempérament, commodités et facilitations sont autant d’outils de séduction qui constituent la base des appâts numériques utilisés pour piéger les victimes à distance. Face à ces appâts, les méthodes évoluent et les réseaux se diversifient, le citoyen reste le maillon faible d’un système numérique impitoyable, qui exige une véritable sensibilisation au plus profond de la société.
Certaines pages publient même des vidéos convaincantes qui font croire à leurs abonnés qu’ils ont bien reçu leur commande, alors qu’en réalité, tout est méticuleusement conçu pour attirer le plus grand nombre de victimes.
Parfois, les victimes ne savent même pas à qui s’adresser et la police a besoin d’outils techniques sophistiqués et d’autorisations judiciaires pour suivre certains comptes.
Z. G.