Prix des fruits et légumes : Des hausses et des interrogations

Les prix des fruits et légumes, comme chaque année, enregistrent par moments des hausses considérables et non justifiées. Déséquilibre de l’offre et de la demande ? Pas que. Une petite virée aux marchés Ferhat-Boussaâd et Réda-Houhou permet de faire le point et de tirer les choses au clair. La pomme de terre est cédée à pas moins de 55 dinars. Le kilo de tomates tutoie la barre des 70 voire 80 DA. La courgette et la laitue se situent entre 90 et 120 DA. Les commerçants brandissent les arguments habituels de la cherté des produits au marché de gros, ce qui n’est pas forcément le cas à tous les coups. Les citoyens, eux, notamment les petites et moyennes bourses, ne savent quoi faire pour gérer au mieux leurs dépenses. «C’est inadmissible. A voir certains prix, comme celui des poivrons (à plus de 130 DA), les mots m’échappent. Un contrôle rigoureux doit être de mise», déplore Hocine, employé contractuel dans une entreprise privée. Joint par nos soins, Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA), précise que ces prix, au-dessus de la moyenne nationale, interviennent en «période creuse» qui voit les produits d’hiver de plus en plus rares,ceux de l’été n’ayant pas encore atterris sur les marchés. Répondant à nos questions, le même responsable, s’il admet que les prix ne diffèrent pas de ceux de la même période de l’année dernière, propose d’augmenter la production, de renforcer les marchés de proximité qui enregistrent, dit-il, un déficit de 500 marchés sur le territoire national. Quant au Dr Mustapha Zebdi, président de l’APOCE, il pointe du doigt une «très mauvaise régulation» du marché avec des «transactions commerciales qui se font dans un cadre non transparent». Aussi, argumente-t-il, le circuit de distribution qui, en dépit des efforts et des lois existantes ou prévues, connaît des «intervenants de tout bord». A ces deux anomalies vient se greffer la marge bénéficiaire que M. Zebdi qualifie d’importante. «Si on arrive à réguler le marché et affiner les textes, ce que le ministère du Commerce est en train de faire, on parviendra à une meilleure transparence», souligne-t-il. La maîtrise optimale du marché est-elle possible ? «C’est une obligation. Le pouvoir d’achat est en dégradation et cette maîtrise deviendra une priorité pour préserver la dignité du consommateur algérien», commente le président de l’APOCE. Quant à Brahim Guendouzi, économiste, il explique que cette hausse peut être imputée à plusieurs facteurs qui reviennent régulièrement chaque année. Il s’agit, entre autres, de «la concentration de l’offre de produits agricoles provenant de quelques wilayas réputées pour leur niveau élevé de production, alors que la consommation touche l’ensemble du territoire». Aussi, les problèmes logistiques liés au transport interwilayas, au stockage et à la distribution, «influent énormément sur les prix de vente aux consommateurs». Un autre facteur peut être également source de hausse des prix. L’universitaire cite «les conditions climatiques défavorables ralentissant les efforts de récolte et de collecte des produits agricoles». Enchaînant, il indique que «le confinement partiel en vigueur gêne la production et la libre circulation des fruits et légumes entre les différentes régions du pays, impliquant ainsi une certaine disparité dans les prix de détail». S’ajoute «la distribution des fruits et légumes en Algérie, noyautée par une multitude d’intermédiaires qui ont contribué à déstabiliser l’activité avec une répercussion directe sur les prix de détail et les quantités des produits offerts sur le marché». Ce n’est pas tout. Cette fluctuation des prix des fruits et légumes trouve également son explication dans la dévaluation du dinar. «La détérioration de la situation économique du pays avec l’impact de la pandémie de la Covid-19 et l’effort financier engagé par l’Etat pour y faire face ont aggravé le déficit budgétaire et réduit surtout les ressources à partir de la fiscalité ordinaire mais également pétrolière», explique le Pr Guendouzi. D’où la question du financement de ce déficit dans un contexte de récession économique. «La modification du taux de change apparaît alors comme la variable d’ajustement la plus évidente», note l’universitaire. D’ores et déjà, la loi de finances pour 2021 prévoit un taux d’inflation de 4,2 %, «impliquant une détérioration du pouvoir d’achat des ménages. D’où le souci des pouvoirs publics de vouloir réorganiser les subventions par un ciblage au profit uniquement des couches sociales défavorisées».

Fouad Irnatene

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