
Après cinq années de brouilles et une année 2020 forte en tensions tant diplomatiques que militaires, Ankara et Athènes semblent, en ce début de 2021, bien décidés à surmonter leurs divergences territoriales dans la partie Est de la Méditerranée. Prévue hier à Istanbul, la rencontre entre les deux délégations, se veut avant tout une occasion de renouer la confiance pour donner à l’action diplomatique toute sa signification, après des frictions militaires en haute mer qui ont failli à maintes reprises dégénérer en conflit ouvert après l’envoi par Ankara de navires de recherche d’hydrocarbures dans des zones disputées. Pour les observateurs, même s’il ne faut pas s’attendre à grand-chose de cette rencontre en raison de profondes divergences sur l’objet des pourparlers, elle traduit néanmoins, une envie d’apaisement de la part des autorités turques avec l’Union européenne et une volonté de retour des relations à «la normale». Un pas aussi évident pour Bruxelles qui s’est rangée dès le début de la crise derrière les dirigeants grecs qui veulent débattre uniquement de la délimitation du plateau continental et des zones économiques exclusives de chaque pays. Ankara, à l’inverse, veut tout mettre sur la table : plateau continental, délimitation des eaux territoriales, des zones de contrôle aérien, militarisation des îles grecques, souveraineté de certains îlots… Pour les autorités turques comme pour la partie grecque, il s’agit surtout de montrer à l’Union européenne qu’elles ne rejettent pas le dialogue. C’est surtout vrai pour la Turquie que l’UE a déjà sanctionnée pour ses manœuvres en Méditerranée orientale et menace de nouvelles sanctions en mars. Rompant avec le langage incendiaire dont il a souvent usé à l'endroit des dirigeants européens, M. Erdogan a, le 12 janvier, fait un geste d'ouverture dans un discours devant les ambassadeurs des pays de l'UE en Turquie qu'il a reçus au complexe présidentiel à Ankara. «Nous sommes prêts à remettre nos relations sur les rails». Selon des analystes, ce changement d’attitude survient alors qu'Ankara s'inquiète d'un possible durcissement américain à son égard, avec l’entrée en fonction de la nouvelle administration américaine, et de se voir imposer des sanctions plus lourdes par l'UE, susceptibles de plomber davantage l'économie turque. Sur le plan régional, bien que le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE lancé en 2005 soit au point mort depuis plusieurs années, M. Erdogan a répété que son pays ambitionnait toujours de faire partie du bloc, estimant que le départ du Royaume-Uni pourrait jouer en faveur d'Ankara. Même en arrondissant les angles, faire partie du cercle très sélectif des 27 risque fort d’être renvoyé aux calendes grecques, le lourd passif de la Turquie étant encore vivace.
M. T.