
En proie à une guerre fratricide, le Soudan sombre définitivement dans l’inconnu. Les protagonistes ne sont plus réceptifs aux appels au calme et à la retenue émis par la communauté internationale ni aux menaces de sanctions brandies par Washington. Le cycle des rencontres de Djeddah semble bel et bien enterré.
Les États-Unis ont déclaré qu'ils avaient suspendu les pourparlers qui constituaient jusqu'à présent le seul forum de discussion entre les deux parties, bien qu'ils n'aient abouti qu'à des accords de cessez-le-feu humanitaires courts et souvent violés.
Toutes les trêves se sont effondrées, comme les espoirs des centaines de milliers de soudanais qui empruntent les chemins de l’exile pas si évidents. La plupart des pays limitrophes ont tiré la sonnette d’alarme devant le flux massif des réfugiés qu’ils ne peuvent plus supporter. Des centaines de milliers de personnes ont traversé la frontière, notamment vers le Tchad et l'Égypte.
Les affrontements qui opposent l’armée à la milice des Forces de Soutien Rapide (RSF) gagnent tout le pays. Omdourman, Khartoum, Darfour, Kordofan et bien d’autres provinces vivent chaque jour, et voilà depuis plus de 11 semaines, l’enfer des frappes aériennes et des tirs de missiles anti-aériens. L’acheminement des aides humanitaires et des fournitures sanitaires est quasiment à l’arrêt. L'agence d'aide médicale MSF a déclaré, samedi, que ses opérations avaient été entravées par les deux parties, y compris des permis de voyage refusés. Le même jour, l'Onu a alerté sur le ciblage ethnique et le meurtre de personnes de la communauté Masalit à El Geneina, dans l'ouest du Darfour.
Hier, des affrontements, des tirs d'artillerie et des frappes aériennes ont ébranlé Khartoum la capitale. L'armée, dirigée par Abdel Fatah al-Burhan, a utilisé des frappes aériennes et de l'artillerie lourde pour tenter de déloger les RSF, dirigées par Mohamed Hamden Dagalo, dit Hemedti, des quartiers de la capitale.
Selon l’organisation internationale pour les migrants, près de 2 millions de soudanais ont été déplacés à l'intérieur du pays et près de 600.000 ont fui vers les pays voisins.
Mais que fait, donc, la communauté internationale pour faire taire les armes dans ce pays ? Que des appels à la retenue et au retour au calme. Comme ceux lancés par Filippo Grandi, Haut-commissaire de l’Onu pour les réfugiés, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, célébrée le 20 juin de chaque année, où il «déplore, malheureusement», l’exode des populations fuyant les combats.
Le Soudan fait, encore une fois, les frais d’une conjoncture internationale où d’autres points chauds captent toute l’attention du monde. Les drames se ressemblent mais les enjeux divergent. Le realpolitik définit l’obligation des résultats au détriment des grands principes et des idéologies qui, de nos jours, existent pour la forme et la rhétorique. La défense à tout prix des intérêts nationaux et militaro-stratégiques, indépendamment des autres facteurs, est la considération prééminente. Tout le reste n’est que palabres…
M. T.