
Après l’effet de surprise de jeudi dernier, c’est l’onde de choc. Pas seulement au Maroc, où la question palestinienne est aussi sacrée. C’est, en effet, tout le monde musulman qui endure le coup. Y compris au sein des États arabes dont les dirigeants se sont inféodés à Israël. La décision insensée du Roi Mohammed VI semble sous-estimer la gravité de l’acte. Le roi descend de son piédestal de Commandeur des croyants et président du Comité El-Qods. Des titres qui lui confèrent une responsabilité morale dans la défense pour des principes universels de justice et de liberté, en particulier pour le peuple palestinien qui accuse la trahison de là où il ne s’attendait pas. Une position symbolique ne donne pas le droit à des libertés politiques hasardeuses.
Cet acte surprenant conforte Israël dans la toute puissance hégémonique d’un État hors la loi qui nie le statut multiconfessionnel de la ville sainte de Jérusalem et le respect des résolutions de l’ONU en ce qui concerne le droit du peuple palestinien. Le voici donc face à ses responsabilités devant le gouffre qui le sépare désormais de ses propres sujets. Mohammed VI était perçu comme proche des jeunes pour avoir montré le profil d’un monarque au protocole complaisant à la limite de la désinvolture. Malade et désavoué, il se retrouve dans une posture politique peu commode pour sa propre personne et pour la stabilité du trône. Les messages qu’il lance en direction de Mahmoud Abbas ne sont pas convaincants, tant la trahison est ouvertement cinglante. Alléché par une promesse d’investissement alignée sur l’Égypte de trois milliards de dollars par an en faveur de ses propres sociétés par le Président américain sortant, il s’est lourdement endetté sur le terrain de l’union sacrée avec son peuple. Mohammed VI n’a sans doute pas correctement évalué le retour de bâton, à propos de ses nouveaux choix politiques surprenants et des alliances aux confins du passage à l’acte aux conséquences lourdes.
C’est ce qui ressort de l’avalanche de réactions des Marocains dans leur pays et à l’étranger à travers la Toile et les réactions de la rue de manifestations et de contre-manifestations. Des vidéos de jeunes femmes en sanglots, la gorge nouée jugent comme une trahison inqualifiable cette normalisation annoncée avec Israël. La jauge des réseaux sociaux qui reflète le mieux l’état d’esprit chez l’opinion publique inflige au roi son premier carton rouge. C’est une première dans les annales du palais royal. Les Marocains, généralement très sensibles aux souffrances qu’endure le peuple palestinien, ne se reconnaissent pas dans cette normalisation avec l’État hébreux, même au prix de la panoplie d’armements offerte pour équiper l’armée marocaine et la reconnaissance par Washington de la souveraineté sur le Sahara occidental, qui est, du reste, une décision unilatérale non conforme au cadre du Droit international et du Conseil de sécurité.
Déjà, dans l’entourage de Jo Biden, futur président, on laisse entendre l’annulation de ce pacte politico-militaro-financier entre la Maison-Blanche et Rabat, si lourd en termes de menaces pour la paix régionale.
R. L.