Grand angle : La chanson du Sahel

Par Nadia Kerraz

Platon l’a dit et Aristote l’a repris : ‘‘La musique adoucit les mœurs’’. Mais la musique peut aussi avoir d’autres vertus. Elle peut être un moyen de sensibilisation des opinions publiques nationale, régionale et internationale. Et dans ce registre, le monde de la musique a fait ses preuves par le passé en produisant des chansons dans le but d’aider notamment les populations en Afrique en proie à la famine. Il reste cependant à se demander si la plus belle des chansons humanitaires et engagées est aussi en mesure de changer la donne politico-sécuritaire ? D’aucuns pourraient répondre que non. Mais cette réponse négative n’est pas pour convaincre ceux qui estiment que dès lors que l’objectif est de venir en aide aux personnes en difficulté, tous les moyens sont bons. Les Nations unies et des artistes sahéliens de renommée internationale sont de ceux-là. Ils pensent que le jeu vaut la chandelle et que s’ils sont en mesure d’apporter leur pierre à l’édifice de la stabilisation sur la situation qui prévaut au Sahel, il y a lieu de se lancer dans l’aventure. Et c’est ce qu’ils ont fait avec la composition vocale et instrumentale de cinq minutes produite par des artistes originaires du Mali, du Niger et du Sénégal. The Sahel Song (la chanson du Sahel) a pour objectif d’attirer l’attention sur la crise actuelle au Sahel et sur la résilience de ses populations, selon l’ONU. Pour les artistes, «la musique est la meilleure manière de faire passer des messages» auprès des jeunes, notamment. Ils espèrent que cela aura un fort impact sur ce qui se passe dans les pays du Sahel confrontés à une crise qui est, selon l’ONU, «l'une des urgences qui se développent le plus rapidement dans le monde ». Et de rappeler que «cette année, près de 29 millions de personnes ont besoin d'une assistance et d'une protection, soit 5 millions de personnes de plus que l'année dernière». L’instabilité politique, l’insécurité et les violences communautaires sont responsables de la détérioration de la situation dans cette sous-région de l’Afrique. Entre 2015 et 2020, le nombre d'attaques violentes a été multiplié par huit dans le Sahel central, et a triplé dans le bassin du lac Tchad. Pour autant, il reste certain aussi que la sensibilisation via la chanson ne saurait suffire pour amener les populations à adopter une autre attitude. Si les jeunes Sahéliens rejoignent à titre d’exemple les groupes terroristes actifs dans cette zone, c’est parce que les gouvernements n’ont pas été en mesure de répondre à leurs besoins. L’accent est mis uniquement sur la lutte contre le terrorisme. Pourtant, de l’avis de spécialistes du Sahel, pour lutter efficacement contre la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent, il faut impérativement mettre en œuvre une stratégie multidimentionnelle et réorganiser les priorités. Aussi, ne manque-t-on pas de rappeler que «si les efforts militaires restent une composante essentielle, ils doivent répondre à des priorités plus larges». Il ne faut pas négliger d'autres aspects . «L’idée que la sécurité et le développement se renforcent mutuellement constitue un élément central des stratégies de stabilisation du Sahel». Pour mettre un terme à la crise sécuritaire que traverse le Sahel, il suffit juste de mettre un terme à la crise de gouvernance.
N. K.

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