Massacres du 17 octobre 1961 : Des crimes d’État non encore reconnus
Le massacre qui se perpétue actuellement en terre de Palestine contre tout un peuple, la logique de vengeance dans laquelle s’est engagée l’entité sioniste, au mépris de la vie et des droits humains élémentaires de la population palestinienne de Ghaza... Ces crimes de guerre et ces crimes contre l’humanité qui visent aujourd’hui les hommes, les femmes et les enfants nous rappellent tristement les événements de ce 17 octobre 1961, où des milliers d’Algériens, hommes, femmes et enfants, ont péri, victimes de la répression féroce de la police parisienne.
Tout comme pour la guerre de Libération, La Résistance armée palestinienne est dépouillée de son contexte historique, de même que pour tous les mouvements de libération à travers l’histoire, et a été utilisé comme prétexte par Israël et ses alliés occidentaux pour condamner le «terrorisme» palestinien et présenter Israël comme une victime menacée par un danger existentiel. «Les Algériens ont, comme nous, été opprimés et ont souffert de l’occupation. Leur combat pour la liberté est encore aujourd’hui un exemple pour la plupart des Palestiniens», nous dira Fateh, palestinien résidant en Algérie. «En tant qu’Algériens, nous avons vécu une colonisation qui ressemble point par point à celle d’Israël, les Français ont usurpé nos terres, aliéné la société, humilié nos parents», affirme Kamel sorti manifester son soutien au peuple palestinien.
Ce 17 octobre 1961, un autre drame, une autre tragédie, un «massacre d'Etat», selon les mots de l'historien, Emmanuel Blanchard. Le 17 octobre 1961, des dizaines d'Algériens sont tués à Paris, lors d'une manifestation férocement réprimée par la police. Certaines victimes sont jetées dans la Seine depuis les ponts de la capitale. Il s'agit de la répression d'Etat «la plus violente qu'ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l'histoire contemporaine», écrivent les historiens.
La question du bilan de cette tragique nuit de haine n'est toujours pas tranchée. Dans les jours suivant l'événement, les autorités admettent un bilan officiel de 7 morts et 40 blessés. Lors d'un procès pour diffamation intenté à l'historien et militant Jean-Luc Einaudi en 1997, Maurice Papon reconnaît, tout au plus, une vingtaine de victimes. Certains spécialistes estiment leur nombre à plus de 200. Le registre du parquet et archives du tribunal de Paris sont les premières preuves du massacre perpétré. Le parquet répertorie ces affaires comme des homicides volontaires, mais les juges d'instruction prononcent des non-lieux. Les dossiers sont ensuite classés et entassés dans les caves et greniers du Tribunal de Paris. Presque 26 ans plus tard, deux conservateurs, Philippe Grand et Brigitte Lainé, chargés de transférer les dossiers du tribunal aux archives de Paris, découvrent ces boîtes. Ils les classent mais n'en parlent à personne. Les historiens qui veulent dénoncer les agissements de la police sont interdits des archives. Les archives concernant ce jour-là, ainsi que les jours qui suivent, ne sont, depuis lors, consultables que par dérogation accordée très parcimonieusement par le préfet de police. «Cette manifestation avait pour but de montrer au monde la volonté des Algériens d’aller vers l’indépendance de leur pays. Ce jour-là, des centaines de personnes ont été victimes d’une terrible répression ordonnée au plus haut niveau de l’État : tués par balles, jetés dans la Seine, à l’horreur du crime, ajoutez à cela, l’ignominie du silence», dit Me Benbraham, avocate et chercheuse spécialisée dans l’histoire de la Guerre d’Algérie. «L’Etat français a soigneusement dissimulé et effacé volontairement cette journée qui n’est revenue sur la scène politique qu’en 1991, lorsque des enfants d’émigrés tentaient de commémorer cet anniversaire pour exprimer leur refus de l’histoire et de la réalité coloniale. Pour l’avocate «la police était au courant de cette manifestation à travers les 220 harkis chargés d’infiltrer les ghettos et de récolter des informations pour son compte.
Cela s’est fait à travers le déploiement de 1.000 policiers pour une marche pacifique». La brutalité de la répression se poursuivra au-delà de la nuit du 17, y compris dans les centres d’internement où seront parqués les manifestants qui y subirent sévices et tortures.»
«Aujourd’hui le débat ou plutôt le combat pour le rétablissement de la vérité historique doit se faire sur le transfert des mémoires. Les faits mémoriels doivent être clairement débattus sans aucune réticence à faire circuler la vérité et faire obstacle aux chercheurs» dira Me Benbraham. Témoins du drame, familles de victimes, associations ou encore historiens réclament la reconnaissance d’un «crime raciste», d’un «crime d’État».
«Ne rougissez pas de vouloir la Lune. Il nous la faut !» Cette phrase trouve tout son sens dans les 265.000 km de fibre optique réalisés par l’Algérie, une distance qui se rapproche de celle qui nous sépare de la Lune.