
La semaine qui vient de s’écouler fut éminemment africaine pour la diplomatie algérienne. En effet, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, a entamé une tournée dans plusieurs capitales de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), dont l’objectif essentiel etait de présenter les grandes lignes de la médiation algérienne pour mettre un terme pacifiquement à la crise au Niger et empêcher une intervention militaire qui serait dramatique pour l’ensemble de la région. Il faut dire que l’initiative algérienne est la première en son genre et se distingue donc par sa singularité.
La visite d’Ahmed Attaf traduit la volonté de l’Algerie de faire prevaloir une solution politique négociée garantissant le rétablissement de l'ordre constitutionnel au Niger après le coup d'État de 26 juillet dernier, que l'Algérie a formellement condamné. Il semble aujourd'hui plus plausible d'affirmer que le risque d'une intervention militaire, synonyme de l'implosion de toute la région sahélo-sahélienne, s'éloigne de plus en plus, cédant la place à la voie de la raison, soit une résolution pacifique de la crise politico-militaire, épargnant au Niger et à l'ensemble des États du voisinage, un bourbier de trop. Nombreux sont en effet les indicateurs qui plaident en faveur de ce processus.
Des indicateurs qui émergent, notamment de la tournée de M. Attaf, elle-même, et dont les plus en vue portent sur les visites attendues des Présidents béninois et ghanéen prochainement en Algérie. Ces visites permettront de redynamiser la coopération et peuvent être interprétées, de l'avis des observateurs avertis, comme une confirmation des efforts que l'Algérie consent inlassablement au bénéfice de la stabilité régionale, particulièrement la dossier relatif à la résolution pacifique de la crise au Niger.
Première étape de ce marathon diplomatique, Abuja au Nigeria, où Attaf s’est longuement entretenu avec son homologue nigérian, Yusuf Tuggar. La rencontre a été l’opportunité pour les deux responsables d’exprimer leur convergence de vues pour un règlement pacifique et politique de la crise au Niger. Attaf et Tuggar se sont, d’autre part, mis d’accord sur l’impérieuse nécessité de coordonner les efforts déployés par les deux pays pour renforcer l’élan tant international que régional pour un règlement politique et processus de la crise. Lors de son arrivée à Cotonou au Bénin, Ahmed Attaf a été, entre autres, reçu par son homologue béninois, Adjadi Bakari Olushegun. Les deux ministres ont longuement échangé sur les développements de la crise au Niger et ont discuté sur les voies et moyens à même de permettre un retour à l’ordre constitutionnel. Mais aussi d’apaiser la situation, préserver la sécurité et la stabilité de ce pays, et promouvoir la solution pacifique. Dans ce sillage, Attaf et Olushegun ont rappelé leur attachement aux règles légales de l’Union africaine (UA), visant à traiter le fléau des changements anticonstitutionnels. Enfin, et en marge de cet entretien bilatéral, Ahmed Attaf a annoncé la prochaine visite du Président béninois en Algérie, Patrice Talon, à l’invitation du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et ce pour renforcer la coopération entre les deux nations.
Attaf est ensuite arrivée, hier, à Accra au Ghana, au terme de sa tournée en Afrique de l’Ouest. Il a été, à cette occasion, reçu en audience par le Président ghanéen, Nana Akufo-Addo.
Les échanges riches entre les deux parties ont permis de mettre en évidence une totale convergence de vues entre les deux pays quant à l’importance de la voie pacifique pour régler la crise. À l'échelle internationale, cette optique bénéficie aussi du soutien exprimé par l'Italie et les USA. Le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken, a affirmé récemment que la voie du dialogue politique inclusif demeure la solution la plus appropriée, car la solution militaire pour rétablir l'ordre constitutionnel au Niger entraîne le risque d'implosion de toute la région subsaharienne et freinera tout élan de développement économique.
De son côté, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a affirmé, dans un entretien avec son homologue Ahmed Attaf, que le gouvernement italien soutient et salue hautement l'initiative du président Abdelmadjid Tebboune. À l'échelle continentale, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) a invité la junte militaire au Niger à coopérer avec la Cédéao et I’UA, en vue d’un rétablissement pacifique et rapide de l’ordre constitutionnel, lors de sa 1.168e réunion tenue le 14 août dernier.
Par la même occasion, le CPS a exprimé fermement son rejet de toute ingérence extérieure et réitéré, par la même occasion, sa profonde préoccupation face à la résurgence des coups d’État militaires qui compromettent la démocratie, la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que le développement du continent. Autre fait important, le rejet par la CÉdÉao de la proposition de période de transition de trois ans pour rétablir la démocratie au Niger, émise par la junte militaire.
Sami Kaïdi et Karim Aoudia