Prudence et stabilité

Par Rachid Lourdjane

Les treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et les dix alliés, qui forment l’ensemble OPEP+, se sont accordés, dimanche, de respecter les décisions prises en octobre de maintenir la réduction de deux millions de barils par jour jusqu’à fin 2023. Autrement dit, l’OPEP et les dix alliés hors-OPEP ne veulent pas payer, à leurs dépens, le conflit ukrainien, et ce en dépit des sanctions de l’UE contre le brut de la Russie, dont la part pour les pays de l’Union est de l’ordre de 27 pour cent. Ils ne veulent surtout pas déstabiliser l’économie mondiale déjà affaiblie par les effets collatéraux de la guerre en Ukraine. Discrètes, mais cependant d’un impact important, les deux réunions de l’OPEP+ de samedi et dimanche en vidéoconférence auxquelles a pris part le ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, ne pouvaient laisser indifférent, compte tenu de la gravité des enjeux à la fois économiques, politiques et stratégiques sur fond de guerre en Ukraine. Au-delà du prix et du plafonnement de la production, le fond du problème était de faire face à une poussée des pays du G7 qui donnent l’impression d’envisager l’OPEP comme un supplétif dans le conflit avec la Russie. L’Organisation pétrolière a montré qu’elle n’entend pas renoncer à son pouvoir de décision, et veut éviter le rôle de bouclier financier dans une guerre annonciatrice de débordements et de mauvais augures pour la planète. Devant les risques d’une récession mondiale, le Brent de la mer du Nord et son équivalent américain, le WTI, ont chuté d’environ 8 % depuis la dernière réunion de l’alliance au début d’octobre. Si l’OPEP+ a opté pour la prudence, elle pourrait «adopter une position plus agressive», dans un avertissement à l’Occident qui dérègle les prix, pronostiquent les analystes. De quoi «aggraver la crise énergétique mondiale». L’OPEP+ vient donc d’affirmer son indépendance et sa capacité à défendre ses intérêts qui sont aussi un facteur de stabilité à l’échelle mondiale. Déjà, le 2 septembre, les autorités financières des sept pays du G7 (USA, Allemagne, France, Royaume-Uni, Japon, Italie et Canada) avaient décidé de mesures de rétorsion contre Moscou, avec un plafonnement du prix du pétrole russe importé pour «priver le Kremlin de revenus financiers» s’agissant d’un revenu estimé à 74 milliards de dollars US. En représailles, Moscou, par la voix de son Vice-Premier ministre, considère que cette «ingérence ne fera que déstabiliser l’industrie pétrolière, le marché pétrolier. Et pour cela, les consommateurs européens et américains seront les premiers à payer le prix. Actuellement, le prix du brut de l’Oural se maintient autour de 65 dollars. Mais le Kremlin a averti qu’il ne livrerait plus de pétrole aux pays qui adopteraient le plafonnement à 60 dollars. Sur les moyens de parvenir à leurs objectifs, les pays du G7 n’ont pas réussi à élaborer une politique cohérente et réaliste, sauf d’interdire aux compagnies d’assurances et de réassurance de couvrir le transport maritime de pétrole russe. La cacophonie s’est amplifiée par la proposition US de plafonner le prix du baril russe à 60 dollars, immédiatement contestée par Kiev dans une logique de marchandage. Depuis le début du conflit ukrainien, la conjoncture n’est pas favorable pour le prix de l’or noir qui a chuté de 130 dollars à 83 dollars. Ce qui donne raison à la ligne de conduite adoptée par le cartel, en vue de stabiliser les cours du marché. Le prochain rendez-vous est fixé au 4 juin et, au besoin, le groupe se tiendra prêt à prendre des mesures supplémentaires.

R. L.

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