
Dès les premières années de l’indépendance, l’Algérie a multiplié les initiatives et plans de relance afin de résoudre les problèmes du secteur de l’Agriculture. Un secteur stratégique pour notre pays, puisqu’il pose les questions de sécurité alimentaire interne et de dépendance vis-à-vis des importations qui n’ont cessé de croître avec l’augmentation des besoins et de la population. Pour l’expert en économie rurale et agroalimentaire, Salah Bouaichi, les entraves qui ont ralenti le développement de l’agriculture s’expliquent par «une histoire longue qui remonte avant la colonisation, mais aussi par les choix stratégiques et une série de réformes contradictoires qui ont débouché sur des configurations institutionnelles complexes et conflictuelles». Néanmoins, selon lui, cette situation a permis à l’Algérie de s’interroger sur les choix stratégiques afin d’assurer sa sécurité alimentaire. «Au cours des dernières années, les pouvoirs publics ont compris que les solutions passent par une clarification du système foncier et la création d’un environnement stabilisé pour les agriculteurs, et par un modèle de croissance agricole alliant régulation des marchés et amélioration de la qualité, notamment par la labellisation, et c’est ce qui est en train de se faire», affirme l’expert. Il a rappelé le fait qu’en 2021, «l’Algérie a vu, pour la première fois depuis l’indépendance, les revenus du secteur dépasser ceux des hydrocarbures, soit plus de 25 milliards de dollars, ce qui a permis de ne pas importer de légumes et de fruits». Ces performances ne sont pas le fruit du hasard pour Salah Bouaichi qui précise que l’Algérie dispose de richesses inestimables, tant agricoles que minérales et énergétiques, qui la placent dans le peloton des pays qui «vont connaître un essor économique important». Ceci d’autant que, selon lui, les atouts sont nombreux ; «nous disposons de richesses inestimables, grâce à une nature généreuse, une position géographique enviée et d’énormes investissements consentis tout au long des six décennies post indépendance».
Assurer l’autosuffisance en investissant massivement dans la céréaliculture
La stratégie de l’État vise à réduire le volume des importations de 10 millions de quintaux et sa substitution par la production locale, à travers l’élargissement des superficies exploitées dans la culture céréalière, notamment dans les régions Sud du pays. «La superficie globale réservée actuellement à la culture céréalière est estimée à 2,9 millions d’hectares, avec une valeur de production de 111,6 milliards de dinars», a-t-il indiqué, avant de préciser que «pour cette année, tous les indices présagent une production record par rapport aux six dernières années». Des mesures «incitatives» décidées par le président de la République à l’effet de subventionner la filière céréales ont été prises. L’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) achète désormais la production des agriculteurs et met à leur disposition des capacités de stockage qui sont de l’ordre de 44,5 millions de quintaux. La moisson d’orge a été prise en charge «pour la première fois» par les coopératives de céréales et de légumineuses, dans l’objectif d’encourager les agriculteurs à vendre la totalité de leur production aux coopératives. L’Office sera chargé d’assurer la distribution de l’orge consacré à l’aliment de bétail subventionné par l’État. Plusieurs décisions ont été prises, par ailleurs, au profit des agriculteurs, en leur permettant de reprendre l'orge stockée en cas de besoin pour son utilisation comme semences ou aliments de bétail, à un prix subventionné. Cela en plus d'assurer la gratuité de l'opération de récolte de l'orge, en sus de nombreux avantages au profit des éleveurs, y compris le suivi vétérinaire. Il est également question de poursuivre la mise en œuvre des programmes du secteur agricole, « l’Algérie est actuellement l'un des rares pays à produire des semences de produits de large consommation, si nous continuons sur cette lancée, d'ici deux ans, on pourra se passer de l'importation, ce qui nous permettra de réduire la facture».
«L’avenir du pays est dans l’agriculture saharienne»
Stabiliser, dans la durée, les systèmes d’irrigation, dans ces surfaces arides, est un véritable défi technique, avec ces nappes souterraines qu’il faut aller chercher et exploiter avec rationalité. Au Sud, on peut atteindre des rendements de 100 quintaux par hectare là où la moyenne se situe entre 50 et 60 quintaux. Le secteur tend à associer l'Énergie et les Mines dans l'opération de raccordement des exploitations agricoles à l'électricité, les Ressources en eau pour l'octroi des autorisations de forage de puits d'irrigation et l'Enseignement supérieur et la Recherche scientifique dans de nombreux domaines, à l'instar de l'encadrement des instituts relevant du secteur. Soixante ans après son indépendance, l’Algérie affiche, à l’échelle internationale, des scores positifs, en matière de sécurité alimentaire. Selon le Global Food Security Index, le pays réalise un score de 63,9 contre 48 en 2012 (pays à faible risque alimentaire) sur une échelle qui compte 100 points (Economist Impact, 2021). Ce score place l’Algérie au 54e rang mondial sur un total de 113 pays. Le Global Hunger Index (GHI), un indice publié par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) qui classe 113 pays selon l’impact de la faim et de la malnutrition, est passé pour l’Algérie de 14,5 en 2000 à 6,9 en 2021, marquant une progression importante dans l’éradication de la faim. L’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a révélé, pour sa part, que l’Algérie est le seul pays africain qui ne souffre pas de famine. Ainsi, grâce à l'augmentation de sa production agricole nationale, à la modernisation des outils et techniques agricoles de production et à la généralisation des programmes d’irrigation, l’Algérie se rapproche un peu plus de son objectif d’autosuffisance alimentaire d'ici 2024.
Amel Zemouri