
Le directeur du Laboratoire de recherche et d’étude sur les nouveaux médias au département des médias de l’université de Msila, le Dr Mohamed Dahmani, a appelé à la nécessité d’adopter un code d’honneur et d’éthique pour la publication sur les différents réseaux sociaux, à la lumière de la diffusion croissante de fausses nouvelles sur ces réseaux, soulignant la nécessité de l’implication des universités et des laboratoires de recherche.
Entretien réalisé par Fouad Daoud
El Moudjahid : Le laboratoire que vous dirigez s’intéresse à l’étude des phénomènes et comportements liés à l’utilisation des nouveaux médias…
Dr Mohamed Dahmani : Depuis sa création, le Laboratoire de recherche et d’étude sur les nouveaux médias attache une importance particulière à l’étude des différents phénomènes communicatifs qui caractérisent, notamment le paysage médiatique, particulièrement face à la situation dangereuse qui caractérise Facebook. Nous avons remarqué la publication aléatoire et incontrôlable de nombreux contenus et de supports qui sont loin des exigences de la pratique médiatique. Les espaces de communication devraient se concentrer sur la sensibilisation et l’orientation, car l’une des dimensions les plus importantes du rôle fonctionnel des médias dans le cadre de la société est d’éliminer les rumeurs. Cela s’est vérifié surtout dans le traitement des nouvelles liées à la pandémie de Coronavirus.
Comment évaluez-vous le rôle des laboratoires de recherche ?
Il n’y a aucun doute sur l’importance de ce rôle majeur de l’université et des laboratoires de recherche scientifique dans la prise en charge des besoins de la société. On constate, à diverses occasions, l’utilité de l’implication de l’Université dans le traitement des problèmes sociaux et économiques dont souffre cette dernière. Ce traitement a même conduit au lancement d’actions salutaires, que ce soit au niveau local ou national. Récemment, nous avons assisté au déploiement des laboratoires de recherche scientifique dans le diagnostic de divers phénomènes sociaux, à l’instar de celui des médias nouveaux qui travaillent à travers son plan de travail et son programme, pour aborder le phénomène communicatif et médiatique, et dans la mesure où ces médias influencent l’individu et la société... Notre laboratoire s’intéresse, par la même occasion, à la recherche et à l’étude des nouveaux médias en tant que phénomène émergent qui fait partie des mutations profondes du domaine de la communication qui a connu une évolution certaine, aux niveaux technologique, épistémologique, professionnel, académique et juridique.
Quelles sont les raisons de la diffusion de fausses nouvelles sur les différents réseaux sociaux, notamment sur Facebook ?
À travers notre suivi quotidien des diverses plateformes, notamment celles qui sont connues pour leur influence sur l’opinion, les tendances et les comportements, nous avons noté que l’une des raisons les plus importantes de la propagation de ce phénomène est l’absence de l’éducation aux médias ou la culture médiatique qui emploie divers outils de communication pour protéger le récepteur de ces dangers. Il y a aussi absence de sanction et de dissuasion pour de tels crimes, ainsi que la faiblesse des organes traditionnels d’information. Ce qui a provoqué cette puissance des nouveaux médias.
Pourtant, les organes traditionnels se soucient de la crédibilité de leurs informations et accordent une importance particulière à la fiabilité de leurs sources. Nous avons noté également la faiblesse de la presse spécialisée, à l’exception de celle sportive. Il n’est pas normal de trouver des dizaines de titres dans le domaine du football alors qu’on enregistre une rareté des organes de médias sur la santé qui jouent pourtant un rôle important de sensibilisation sur les différents risques.
Ce sont toutes ces raisons qui ont conduit à une augmentation de la propagation des fausses nouvelles, ainsi qu’à la multiplication de faux comptes et de comptes anonymes. Ce qui a transformé le réseau Facebook en un moyen dangereux pour la cohésion morale et sociale. Il altère le système de valeurs, d’idéaux, de coutumes, de traditions et de normes sociétales. Il est même devenu un outil d’intimidation et, plus grave encore, un espace pour semer la confusion et le chaos.
Quel regard portez-vous sur les efforts déployés par les pouvoirs publics pour combler le vide juridique dans ce domaine ?
Face aux transformations et évolutions que connaît notre société et au vu de la généralisation de l’utilisation des réseaux sociaux et autres outils, l’Algérie a défini le cadre juridique et réglementaire de l’édition électronique. Les modifications apportées au Code pénal concernant l’incrimination de la publication et de la promotion de fausses nouvelles en sont la preuve. Il y a une volonté d’établir un cadre juridique qui met fin à de tels phénomènes et pratiques qui ont faussé l’espace de communication publique.
Le gouvernement a alerté l’opinion publique sur le danger de ce phénomène...
En effet, le président de la République a mis en garde contre le danger de ce phénomène et il a affirmé que la politique des fausses nouvelles corrompt les mœurs de la société. Lors d’une récente réunion du Haut Conseil de sécurité, le président de la République a annoncé la création d’un nouveau pôle criminel pour combattre la cybercriminalité et poursuivre ceux qui colportent des informations pour provoquer la panique sur les réseaux sociaux.
Qu’en est-il de la situation de l’information sanitaire ?
Au vu de la publication de communiqués et de rapports de presse par le ministère de la Santé, dont la publication d’une déclaration appelant à la nécessité de se méfier des fausses nouvelles dans le processus de lutte contre la pandémie de Coronavirus, prouve que le discours officiel traite en toute transparence de la crise sanitaire actuelle. C’est d’ailleurs une nécessité pour instaurer une information spécialisée, dont celle qui traite de la santé. Malheureusement, les discours sur le Web continuent à aller à contre-courant de ce principe, à travers la diffusion de fausses nouvelles dans de nombreux cas. Ce qui ne prend pas en considération les particularités de la situation actuelle et ne cadre pas avec les enjeux actuels. Cette crise nécessite plutôt la solidarité et la cohésion. Les efforts doivent être orientés vers la consolidation des moyens, pour limiter la propagation de la pandémie de coronavirus. Nous devons relever ces défis et tendre vers la stabilité de la société.
Quelles en sont les solutions ?
Face à ces dérives et dérapages dangereux du chaos électronique, il fallait tirer la sonnette d’alarme et affronter cet état d’indifférence et d’irresponsabilité. Il devient nécessaire de s’attaquer à tous les phénomènes, pratiques, actions et comportements négatifs, car ce sont des menaces pour les valeurs morales et les normes sociales dans la diffusion d’informations et de nouvelles.
Nous appelons à la nécessité de filtrer la diffusion électronique, notamment sur les pages des réseaux sociaux, et notamment Facebook, par le biais d’un code de déontologie des médias qui définit les valeurs qui doivent être respectées dans l’édition électronique, ainsi que sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook.
Ce code d’éthique contient les principes et les normes liées à l’honnêteté, à l’intégrité, à la crédibilité et à l’exactitude dans la diffusion d’informations, de données et de nouvelles qui doivent être suivies, en particulier quand elles concernent l’épidémie de Coronavirus.
Ce code de déontologie est conforme aux textes légaux qui encadrent l’édition électronique en Algérie et respecte les articles relatifs à la lutte contre la délinquance électronique. Il faut souligner que cette charte est le fruit des efforts des professeurs, chercheurs et professionnels au niveau des laboratoires du département des sciences de l’information et de la communication. Il est axé principalement sur la définition d’un ensemble de garde-fous et de normes éthiques pour limiter ce phénomène qui agit dans un environnement médiatique déformé, imbriqué et complexe. Cette charte se base surtout sur plusieurs principes : publier ce qui est approprié et utile, mentionner la source des informations, données et nouvelles publiées, et respecter les normes d’honnêteté, d’exactitude, d’objectivité, d’intégrité et de crédibilité. Il faut sanctionner les cas de non-respect de cette charte, car la responsabilité morale et pénale de celui qui effectue la publication de toute information, donnée ou actualité est engagée. Il y aura aussi des poursuites judiciaires contre chaque titulaire de compte sur les plateformes de médias sociaux qui publie des messages contenant des insultes, des calomnies, des diffamations et des abus de personnes. Le discours de la haine doit être banni et il faut engager des campagnes visant à purger les réseaux sociaux des comptes anonymes et des faux comptes.
F. D.
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Bio express
Le Dr Mohamed Dahmani est maître de conférences au département de communication à la faculté des sciences humaines et sociales de l’université de Msila. Il est directeur du Laboratoire de recherche et d’étude sur les nouveaux médias. Il est journaliste professionnel et directeur du site d’information «Tout sur Msila». Il a été élu au comité scientifique du département de la communication et de la faculté des sciences humaines et sociales, et au conseil scientifique de l’université. Il est directeur de la publication de la revue scientifique sur les nouveaux médias et rédacteur en chef adjoint de la Revue des sciences humaines et sociales.