Un jour, un livre, Arezki Metref : Mes cousins des amériques

Par Aomar Khennouf

«Cousins des Amériques» n’est pas une histoire de famille comme peu le suggérer son titre. C’est le récit de trois voyages. Le premier est la préparation que l’auteur considère comme telle. Le second est le voyage autant sur terre qu’en son intérieur. Et le troisième, l’auteur le fait dans l’écriture de cette œuvre dans le style «literary travels». Dès l’entame de la lecture, je n’avais pas envie que ce «road trip» s’achève. Parce qu’à un moment, j’ai pensé comme lui, l’auteur : «Depuis l’adolescence et son miroir aux alouettes, je rêvais de visiter San Francisco, les Etats-Unis ? Oui, of course…? Oui bien sûr… Mais surtout San Francisco… Surtout et avant tout… J’en rêvais secrètement. Honteusement même… Oui, j’avais ces illisibles scrupules d’adolescent dont la conscience politique était encore dans un magma. Je sens mais je ne sais pas comment le dire… En rêver, c’était déjà cautionner… Cautionner la répression de mon icône personnelle, Angela Davis… Cautionner la hargne contre Cassius Clay, devenu Mohamed Ali… Cautionner quoi ? Hé, l’impérialisme, voyons !» C’était suffisant pour me scotcher entre les pages du voyage sans mettre de marque-page. J’ai rencontré Arezki Metref au SILA 2019. On a pris une photo souvenir ensemble, il m’a dédicacé le livre, bien entendu. Ces autographes que je collectionne. La dédicace, une phrase : «Le chemin de ces cousins communs». Il ne pensait pas si bien dire. Qui ne connaît pas l’Amérique, «El Maricane» ? Lire Arezki Metref vous dira combien on la connaît, histoire et géographie, sans jamais l’avoir visitée. Un pays que ses intellectuels vendent si bien et si abondamment. Et qui n’aimerait pas visiter El Maricane, comme il l’a fait, lui. Avec ses deux «vade mecum». L’un, répertoire de ce qu’il voulait voir et toucher, pour profiter un max avec un temps mini. L’autre pour noter ce que la sa mémoire, surchargée sans doute, ne peut retenir. Le récit est un enchaînement d’étapes et de rencontres. Un bout de chemin sur cette fameuse longue nationale 66, la plus mythique aussi. Frisco et sa déglingue «Bohemiano-Boudicco-Branlo-Anarcho-Mystique», sur les traces de Dickens, de Jack London, de Mark Twain, de la ruée vers l’or et de Charlie Chaplin. Sur les traces de Bullit, de Sacco et Vanzetti, de Woodstock. Egalement une halte à Sin City, la cité du diable qui ne connaît pas l’heure, qui n’a pas d’horloge. Je ne rajoute rien sur ce périple. Je laisse les lecteurs le découvrir. Cependant, je rajouterai deux choses. Prmièrement, ce qui m’a interpellé dans ce récit, c’est cette obsessionnelle recherche de l’Algérien aux Amériques. Oui, l’Algérien fi El Maricane. L’Algérien au don d’ubiquité parce que là où tu vas, tu découvres qu’il y a un Algérien qui t’a précéd. Normal, tous les Algériens veulent être des Ibn Battouta. En suivant l’auteur , je me dis, au détour de chaque page, qu’il va tomber sur «mes cousins» à moi. Sur Allaoua Cheraitia, le doyen de mes cousins de quartier, sur Ammar Talbi qui me doit encore la revanche, une dernière partie de belotte, sur Abdelaziz, pour jouer un dernier match de handball, sur Haffaf Mourad, enseignant à Silicon Valley, enfin sur Ali Khennouf, un vrai cousin celui-là. Ils sont nombreux, tous nos cousins communs qui, s’ils me lisent un jour, m’excuseront de ne pas les avoir cités. Deuxièmement. Tout le long de cette lecture, je me disais qu’il y a autre chose chez Arezki Metref qui attise ma curiosité et qui m’interpelle. C’est un ami commun qui fait le lien. Pour étoffer un gribouillis que j’essaie de mettre en forme depuis assez longteps déjà, j’ai dit à mon ami AEK Kaidi quelques phrases sur sa troupe de théâtre, sur une pièce qui a marqué ma jeunesse et sur une personne en particulier. Voici, partiellement, ce que j’ai reçu : «Au début, c’est une bande de copains du lycée Abane-Ramdane, épris de poésie et de littérature de combat, pleins d’humanisme et prêts à tout sacrifier pour les causes justes. Une bande de la classe de 1re lettres, agissant sous la férule d’Arezki METREF, notre grand frère et poète de talent. Ce même Metref qui nous entraîna dans l’aventure théâtrale…» C’était le théatre, et dans cette troupe du Théâtre de la rue, il y a un autre ami commun. Je vais directement au passage concernant le défunt Saddek Aissat, paix à son ame, qui a partagé et encadré, durant une année, un groupe d’étudiants férus d’activités culturelles: «A la fin de l’année 72, la troupe fait une recrue de choix en la personne de Saddek Aissat. Le théâtre, il en fait son berceau. Il était très timide, à la limite de l’introversion. Son univers se bornait à sa propre chambre où il écrivait des poèmes à longueur de journée. Au théâtre de la rue, il connaîtra une réelle métamorphose… Encouragé par la générosité des autres comédiens, il se donna à fond, offrant toute son énergie au labeur. Il possédait de réels atouts pour évoluer sur les planches, un corps destiné au jeu de scène, une voix qui sied au chant et une éloquence claire et limpide». Le 25 février dernier, à Blida, au sein de l’école Crescendo, Arezki Metref, invité par Nadia Bourahla, a présenté son livre à l’assistance : «Rue de la nuit». Est-il étonnant qu’à un certain moment, le débat soit détourné sur «Mes cousins d’Amériques» ?

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