Note de lecture, Bientôt les vivants, d’Amina Damerdji : Quand l’amour se heurte à l’intolérance

L’ouvrage de Damerdji Amina, au titre quelque peu insolite, «Bientôt les vivants», nous renvoie à une période révolue qui se circonscrit dans l'émergence du fis et l'assassinat du président Boudiaf avec comme toile de fond tous les problèmes politiques et sociaux qu'a traversé le pays. Cette histoire mouvementée et tourmentée de l'Algérie, avec son lot de séditions, de manifestations et d'emprisonnements, est soutenue par une petite histoire, celles des familles parentes, les Bensaid et les Harrar. Dans cet environnement délétère, Salma Bensaid évolue difficilement dans cette famille, alors que sa cousine Maya, beaucoup plus souple, apprécie sa vie malgré les aléas politiques. Dans cet univers néfaste, il est question de Ali Belhadj, des présidents Chadli et Boudiaf et de toute la tourmente de cette période, annonciatrice de la décennie noire. Parallèlement à son amour inconditionnel pour l'équitation et pour son cheval «Sheitane», Selma connaît ses premiers émois avec le palefrenier du club d'équitation Adel. Une idylle amoureuse s'ensuit dans cette période de troubles politiques et familiaux, d’autant que l'oncle paternel de Selma Hichem, sympathisant du FIS, est l'avocat de Ali Belhadj. Les accointances de Hicham au Fis sèment la discorde entre le frère aîné Brahim et Hichem dans la famille Bensaid. Ce qui vaudra à ce dernier un séjour en prison. L’autrice Amina Damerdji recentre le débat sur les troubles et les émois de l'adolescence de Selma et son questionnement sur la vie et l'amour. Pour occulter cette violence politique et les déchirements familiaux, Selma se réfugie dans sa relation avec son cheval, dans laquelle, elle trouve réconfort et consolation. Maya plus frivole à d'autres centres d'intérêts qui lui procurent satisfaction. Dans ce microcosme familial, chacun se débat entre ses cogitations et ses désidératas, tout en essayant de trouver un équilibre et un apaisement dans ce contexte tumultueux du pays. Ce roman, paru aux éditions Barzakh, retraçant une époque passée, est empreint d’une véracité historique. L'écrivaine à la verve littéraire avérée a su équilibrer entre la violence politique de cette période et l'espoir et l'amour de cette adolescence. Un dosage savamment combiné qui donne du punch à cette saga. Damerdji Amina a su avec virtuosité raconter cette période pernicieuse sans verser dans l'excès de violence ni dans la complaisance. Elle fustige la corruption, la nomenclature, le terrorisme, les actions illégales, les meurtres et l'islamisme politique. C'est une grande diatribe d'une mauvaise conjoncture. C'est un ouvrage à lire pour ne pas oublier les travers et les dérives de cette période néfaste. Notons que l'auteure, née en 1987 aux Etats- Unis, à grandi à Alger et vit en France actuellement. Agrégée d'espagnol, elle comptabilise deux romans, dont «Bientôt les vivants», qui a reçu le Prix Transfuge du meilleur roman français en 2024, et son premier ouvrage «Laissez-moi vous rejoindre», paru chez Gallimard en 2021.

K. A.

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