
Mimoun Ayer évoque son parcours littéraire qu'il estime être un viatique à sa retraite. Appréhendant dans ses nombreux livres diverses thématiques, dont celles de la modernité, des us et traditions et de la solidarité, il les dissèque avec pertinence et sagacité. Profond dans son analyse, ses romans collent à la réalité, tout en dénonçant certains travers sociaux, dont il en occulte l'aspect moralisateur. Dans ce nouveau récit, les Eaux d'Azro Aziza, l'écrivain met en relief le travail, la solidarité et l’humanité qu'il affectionne particulièrement, car sources de valeurs sociales. Il rappelle, dans cet entretien, que l'Algérie profonde ne s'est pas départie des valeurs ancestrales, gardiennes de notre identité et de notre culture.
El moudjahid : Pourquoi avoir choisi cette thématique dans votre nouvel ouvrage ? Est-ce pour montrer que certaines valeurs ancestrales, comme la fraternité et la solidarité, ont disparu ?
Mimoun Ayer : Pour l’heure, l’écologie et l’environnement constituent une préoccupation majeure. J’ai voulu, moi aussi, surfer utilement sur cette vague. Mais à ma façon. Ainsi, je décris tangiblement les perturbations que les habitants d’un village de l’Algérie profonde ont vécues dans leur chair. L'assèchement d’une source et l’incendie de forêt ont soulevé bien des questionnements. Celui, forcément, des traditions et des valeurs anciennes. J’ai préféré donner la parole à de simples gens qui, par leur fausse naïveté et leurs actes des plus méritoires, ont su magnifiquement en traiter.
À votre avis, peut-on concilier tradition et modernité ?
À mon sens, ces deux notions ne recèlent pas de contradictions en leur sein. Comme elles n’imposent pas forcément un choix. La modernité étant une nécessité logique, inéluctable, il s’avère alors que les véritables traditions sont celles capables d’adaptation.
Pourquoi ce ton badin dans votre récit ?
La plaisanterie fine adoptée ici ne diminue en rien le sérieux du sujet traité. C’est du moins ce que je crois. Et puis la franche gaîté et la bonne humeur, cela fait partie de ma propre personnalité.
Pourquoi dans vos écrits, il y a toujours cette dualité entre modernité et passé ? Y a-t-il de la nostalgie ou du passéisme ?
Comme expliqué précédemment, je ne cherche pas à opposer ces deux notions. Je tiens, au contraire, à faire ressortir les qualités de chacune d’elles en les soumettant à l’épreuve du temps. Pour avoir vécu une certaine époque, je ressens inévitablement un peu de nostalgie. Bien que pour moi, le passéisme n’est en aucun cas immobilisme, et encore moins philistinisme.
Quels sont vos projets littéraires ?
Je suis sur le point d’achever un 11e ouvrage (un roman) qui, par son style postmoderne, tranche nettement avec tout ce que j’ai écrit jusqu’à présent. Et puis, j’ai tellement envie de ressortir ma palette et mes pinceaux de peintre du... vendredi ! K. A.