
Adda Chentouf esquisse, dans son dernier ouvrage «La vie culturelle à Saïda durant les années 1980», paru aux éditions Errached, un état des lieux, empreint de nostalgie, de l’activité et de la ferveur culturelles qui régnaient à Saïda durant les fastes années 1980. Âge d’or de la production artistique algérienne par excellence, l’auteur met en exergue les caractéristiques de cette époque où Saïda connaissait une intense animation artistique, intellectuelle et culturelle qui s’est malheureusement effritée depuis, à l’instar de plusieurs villes du pays.
En observateur attentif et témoin privilégié de cette époque bénie où la culture sous toutes ses formes avait sa place dans notre vie quotidienne, l’auteur de cette passionnante étude livre en filigrane un regard amer et désabusé sur la société matérialiste d’aujourd’hui dans laquelle la culture a perdu sa valeur. Son constat sur le déclin culturel que nous vivons actuellement est d’une pertinence et d’une lucidité édifiantes, même si l’auteur se veut optimiste en pariant sur une approche renaissante de la culture qu’il appelle de ses vœux.
Revivre et documenter les grands événements culturels de Saïda des années 70 et 80 du siècle dernier est la toile de fond de l’ouvrage où chaque chapitre est illustré. Adda Chentouf relate avec beaucoup d’exactitude et de délicatesse une époque somptueuse avec un brin de nostalgie. Note d’optimisme, il réitère sa confiance à la jeunesse créative et aux établissements culturels pour retrouver la glorieuse époque où pas moins de 350 salles de cinéma étaient opérationnelles aux quatre coins du pays, un exploit pour un jeune état indépendant. «Je n’ai pas eu l’ambition, encore moins la prétention, de retracer à travers cette modeste contribution toute la vie culturelle à Saïda durant les années 1980, mais plutôt de dresser un état des lieux assez exhaustif, susceptible de donner aux lecteurs une idée sur la question et de replonger les nostalgique de cette formidable et festive époque dans le passé culturel glorieux de leur ville, un passé qu’on ne retrouvera probablement jamais... Une époque où le cinéma, le théâtre, le livre, la musique, la peinture et la bande dessinée avaient, contrairement à aujourd’hui, toute leur importance dans notre vie quotidienne», lit-on à la page 24.
On trouve dans cette publication, dont la maison de la culture de Saïda a beaucoup contribué avec des récits sur les structures culturelles de la ville, autrefois carrefour de débats intellectuels, comme le centre culturel communal Malek-Bennabi et son ciné-club ainsi que la maison de la culture Mustapha-Khalef. Le septième art était célébré dans trois salles : «Dounyazed», «El Feth» ou «le Vox», devenu cinémathèque en 1984 où l’auteur évoque les moments phares du grand écran, comme le festival national du cinéma amateur ou encore la deuxième projection de «Omar Gatlato», après celle d’Alger, en présence de Merzak Allouache. Adda Chentouf propose un rappel historique du mouvement théâtral de Saïda et de l’activité florissante du quatrième art. Il évoque également les semaines culturelles, le festival national de la nouvelle algérienne ou encore les foires régionales du livre de Saïda, avant de déplorer le manque d'intérêt de la presse aux activités culturelles. «Un simple coup d'œil d’El Moudjahid et El Djoumhoria des années 70 et 80 montre l’énorme écart qui sépare la vie culturelle et artistique de cette époque avec celle d’aujourd’hui. Faut-il s'étonner dès lors qu’un journal comme Le quotidien d’Oran ne propose à ses lecteurs aucune page culturelle alors qu’il compte jusqu’à quatre pages sportives», peut-on lire à la page 129.
Originaire de Mascara où il est né en 1961, Adda Chentouf est diplômé à l'École nationale d’administration d’Alger en 1983 (promotion Mohamed Seddik Benyahia). Il occupa plusieurs postes de responsabilité auprès de la wilaya de Saïda où il réside depuis 1984 avant de partir prématurément en retraite en 2008 à l'âge de 47 ans. Auteur de plusieurs ouvrages, en arabe et en français, dédiés au septième art, il enseigne en tant que professeur associé à la faculté de droit de l'université de Saïda. Auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma, il a animé le ciné-club du centre de loisirs scientifiques (CLS) et celui de l'université de Saïda, des rencontres-débats aux festivals tout en animant une émission à la radio locale.
Kader Bentounes