
Alger compte certes des musées pluridisciplinaires dignes de ce nom, mais ne possède toujours pas de musée spécifiquement photographique. Pourtant, les reporters photographes et d’art de talent sont nombreux, tout autant que leurs productions qui foisonnent, mais ils ne trouvent toujours pas de lieu idoine pour les accueillir…
Et là, tout va dépendre de ce qu’un —futur ? — musée y montrerait : de grands noms, bien sûr, qui réconcilient l’amateur de base et «l’aficionado», mais aussi des découvertes intéressantes ramenées des contrées les plus reculées du pays, voire de la planète. Ce qui ferait de la photographie — en tant qu’art — non seulement une «réponse immédiate à une interrogation perpétuelle, moyen rendu difficile par sa facilité et qui devient barbare sans la sensibilité, travail de solitaire qui saisit le vif à bras-le-corps» (Cartier-Bresson), mais aussi et surtout un médium qui, tout de même, existe depuis un peu moins de deux siècles.
Toujours est-il que, forme d’expression artistique à part entière pour certains, simple produit médiatique pour d’autres, elle est en fait les deux à la fois. C’est, pour ainsi dire, la trajectoire exemplaire d’un mouvement qui n’a cessé de se développer depuis des décennies, connaissant la consécration par une présence de plus en plus forte dans le contenu des musées et dans l’enseignement des universités.
Grace à des techniques de plus en plus élaborées, elle a d’ailleurs fait dire à un conservateur de musée, en 1973 : «La peinture ne m’apprend plus rien. Mais la photographie me bouleverse». Le conservateur en question avait abandonné son poste pour devenir, en quelques années, l’un des deux ou trois plus grands collectionneurs de photos du monde. Comprenant parfaitement le rôle et l’importance de la photographie au sein de la création artistique contemporaine, d’autres conservateurs montent ou accueillent des expositions d’envergure, faisant, à l’occasion, circuler les productions les plus prestigieuses en ce domaine
Cela dit, revenons à la photographie de presse dans notre pays. Dans cette branche de la photographie, il arrive souvent qu'on se retrouve avec des photos qui ne sont pas vraiment du reportage. Ou qui ont une telle dimension créative — à l'intérieur du travail effectué — qu'elles pourraient tout aussi bien se situer dans l'autre direction, que l'on pourrait qualifier de créative. Et ce, même si, quelquefois, ce n'est pas du tout un terme qui peut convenir de façon idoine parce qu'il regroupe tellement de choses ! Et puis, où s'arrête et où commence la créativité photographique ? La frontière, de toute évidence, reste floue.
Certes, il y a avant tout une grande direction, qui est le reportage, peut-être la plus originale pour ce genre de manifestation (la créativité) puisque depuis quelque temps, le reportage tendait à être remplacé par la télévision. Eh oui, de même que la photo avait, à un certain moment, libéré la peinture, la télévision libérait la photo de ce genre de choses.
Mais ce n'est pas pareil : la télévision nous montre des choses ponctuelles, au moment même où elles se passent, et qui sont tout aussi vite oubliées. On en est d'ailleurs très vite blasé.
Hommage aux reporters
Tandis que la photographie qu'on a vue, on ne l'oublie pas. Autrement dit, la télévision a son rôle, mais elle n'enlève pas à cet autre médium qu'est la photographie — en prise avec le réel — sa raison d'être.
Par là même, il fallait ici rendre hommage au travail de confrères qui font du reportage, qui n'est pas forcément le reportage «news», mais qui présentent plutôt des sortes de photos-essais, ou, pour être plus prosaïque, des «nouvelles» photographiques. Bref, des gens qui racontent, d'une manière très consciente, des choses qui les touchent de près. Avec des instantanés d’une qualité souvent inégalée, ces reporters photographes font en sorte que tout soit encore plus beau.
Et c’est grâce à leur opiniâtre et minutieux travail en extra, pour ne pas dire de «laboratoire», assorti d’un impressionnant répertoire photos de tout ce qu’autorise aujourd’hui ce medium en Algérie, que nos talentueux artistes nous immergent dans des d’univers qui, souvent, sont incroyablement diversifiés.
La notion de plaisir étant toujours présente à l’esprit, ce qui incite inévitablement les collectionneurs en herbe ou chevronnés à repartir avec une image sous le bras, faisant en sorte que les rares galeristes algérois et du territoire national ne se battent plus comme des diables pour assurer la reconnaissance «urbi et orbi» de ces artistes qu’ils représentent, remuant ciel et terre afin qu’on parle d’eux dans nos médias, leur offrant, dès lors, des perspectives qui leur garantissent un tant soit peu l’avenir…
Kamel Bouslama