
Les cartels de drogue dure se sont orientés vers l’Afrique du Nord, après la saturation du marché européen, nord et sud-américains. Ces cartels optent pour les réseaux de trafic de cannabis existants et structurés, pour se reconvertir dans le trafic de cocaïne et aussi des psychotropes. Cette nouvelle orientation s’explique par les grandes saisies des comprimés psychotropes, ces trois dernières années, par les différents services de sécurité, notamment au niveau des villes frontalières du Sud, qui ont doublé. Près de trois millions de capsules de psychotropes ont été saisies, en janvier dernier.
Lundi, une nouvelle quantité record de psychotropes vient d’être saisie par les services spécialisés de la police. Il s’agit de plus de 1,4 million de comprimés de type Prégabaline récupérés dans trois opérations distinctes à Tamanrasset, à l’extrême Sud, à El-Oued, au Sud-Ouest, et à Oran, à l’Ouest, selon la cellule de communication de la DGSN.
Une hausse des saisies de comprimés psychotropes est constatée, ces dernières années, contre une baisse des quantités saisies de kif traité, grâce à la mobilisation, notamment, des détachements de l’ANP au niveau des frontières Ouest et Sud-Ouest avec le Maroc. Mais l’Algérie est aujourd’hui confrontée à la hausse vertigineuse du trafic de psychotropes qui proviennent essentiellement du Mali, du Niger et de la Libye.
Selon des experts des services de sécurité, cette hausse s’explique par le changement du mode opératoire des narcotrafiquants, afin de minimiser leurs pertes, suite aux saisies de grandes quantités du kif traité, notamment au niveau des frontières, par les détachements de l’ANP. Le haschisch marocain est de plus en plus rare. Face à cette situation marquée, notamment, par la difficulté d’acheminer des quantités via les frontières nationales, les réseaux du narcotrafic se sont orientés vers le trafic des psychotropes, où l’on enregistre une prolifération à l’Est et au Sud, en raison de la situation sécuritaire dégradée dans certaines régions. Les trafiquants de drogue font de pays instables leur base arrière de narcotrafic. «L’axe Est» est le plus dangereux, dans la mesure où la filière est connectée aux réseaux de trafic de cocaïne latino-américains, qui transitent par l’Afrique de l’Ouest.
À voir la cartographie des saisies, le phénomène est observé au sud et au sud-est du pays, plus exactement à Tamanrasset et à El-Oued, où de grandes quantités de psychotropes ont été saisies, en provenance des pays subsahariens, notamment le Mali.
Cette orientation est expliquée par, la facilité de dissimulation des comprimés psychotropes, compte tenu de leur légèreté, par rapport aux grandes quantités de kif traité, nécessitant des moyens lourds, pour leur acheminement à destination, selon une étude analytique du département de toxicologie, de l’Institut national de criminologie et de criminalistique (INCC) de la GN de Bouchaoui.
Les trafiquants de psychotropes utilisent les anciens réseaux de cannabis
Selon les investigations des enquêteurs de l’INCC sur la provenance des comprimés psychotropes saisis, ces produits proviennent de laboratoires clandestins situés dans des pays du Sahel, notamment au Mali, et présentent de grands risques pour la santé humaine, physique et mentale. Les narcotrafiquants activant dans ce créneau ciblent particulièrement les jeunes. Les produits proviennent de France, d’où ils sont acheminés clandestinement vers le Mali, avant d’être commercialisés illégalement en Algérie. Même constat des services de police. Ces comprimés proviennent du Sud et sont contrefaits et dangereux.
L’analyse de la lutte contre le trafic de drogue a fait ressortir l’orientation des cartels de drogue dure vers l’Afrique du Nord. Les grandes quantités de cocaïne saisies ne sont pas destinées au marché local. Ces cartels visent à faire du Maghreb et de l’Algérie, «une plaque tournante du trafic de la cocaïne en direction du Moyen-Orient». Ces cartels optent pour les réseaux de trafic de cannabis existants et structurés, pour se reconvertir dans le trafic de cocaïne et de psychotropes. La Prégabaline représente plus de 94% des comprimés saisis. Elle est détournée de son usage médical et très prisée dans les milieux de la toxicomanie et de la drogue, où elle est désignée par le nom «saroukh». Pour les services de sécurité, il ne s’agit pas de «hausse de phénomène», mais plutôt de hausse des activités en matière de lutte contre ce fléau transnational avec professionnalisme et efficacité du travail de renseignement ayant permis de déjouer des plans criminels d’inonder le pays de drogue. En effet, cette augmentation démontre la gravité de la menace qui pèse sur notre pays. Il ne s’agit pas d’un trafic de drogue anodin, lorsque l’on sait que le narcotrafic est devenu un moyen de déstabilisation entre les mains de certains pays hostiles à l’Algérie.
Neila Benrahal