Procès du groupe Condor : La défense plaide pour l’extinction de l’action publique

Les accusés dans l’affaire du groupe Condor ont rejeté hier, lors de leurs auditions par le président du pôle pénal économique et financier de Sidi M’Hamed, toutes les charges retenues contre eux, notamment dans le dossier  du projet de GP Pharma.

Le procès s’est ouvert dans la matinée d’hier après deux reports successifs. Près de 40 accusés et 27 sociétés (proriétés des accusés) sont poursuivis dans cette affaire. Le directeur général de la société Travocovia relevant du Groupe Condor, Omar Benhamadi, seul accusé parmi ses frères, en détention provisoire, est arrivé dans la salle d’audience escorté par des gendarmes.Trente-cinq personnes ont été présentées le 7 août 2019, suite à l’enquête préliminaire menée par la section de recherches d’Alger de la Gendarmerie nationale. A l’issue de l’instruction judiciaire, 40 personnes ont été mises en cause pour «blanchiment, transfert de biens obtenus par des faits de corruption dans le cadre d'un groupe criminel, dilapidation et utilisation de fonds de banque, incitation d'agents publics à user de leur influence effective et supposée dans le but de bénéficier d'indus privilèges». D’autres accusés sont poursuivis pour des délits de financement occulte de partis politiques, délit d’influence sur des agents de l'Etat lors de passation des marchés publics et abus de fonction délibéré à l'effet d'octroi d'indus avantages à autrui, passation de contrats en violation des dispositions législatives et réglementaires et dilapidation de deniers publics.
L’audience a débuté par l’appel des accusés et des témoins ainsi que les représentants des personnes morales. Il s’agit de Benhamadi Abderrahmane, gérant et actionnaire dans le Groupe Condor, ainsi que 4 membres de sa famille, 34 cadres et fonctionnaires relevant des secteurs de la Poste, des Télécommunications et des Technologies de l'information, de la Communication et des Fiinances. Les avocats de la défense ont aussitôt présenté leurs requêtes où ils contestent le déroulement de l’enquête préliminaire menée par les éléments de la GN ainsi que les expertises judiciaires, plaidant pour l’extinction de l’action publique. L’un des avocats de l’accusé Mohamed Salah. D., cadre à Condor, a relevé des vices de procédures, dont le déclenchement de l’enquête, alors qu’il ne fait l’objet d’aucune plainte. «Le procureur de la République chargé du dossier n’a pas été informé de la source des informations sur lesquelles se sont basées les enquêteurs, qui ont mené des investigations sans perquisitions», relève Me Bilal Dechir.

Abderrahmane Benhamadi : «Seule une demande me lie à GP Pharma»

De son côté, la défense de GP Pharma, a soutenu que le défunt Moussa Benhamadi est le père de la numérisation en Algérie et notamment dans le secteur de la Justice. Selon l’avocat, «les procédures n’ont pas été respectées durant l’enquête préliminaire». De même pour la défense du groupe Benhamadi qui a fortement rejeté les expertises «menées par des inconnus». Me Zeraya a déploré l’absence d’informations sur leurs rédacteurs. «C’est un outrage à la défense», regrette-t-il. Le représentant du ministère public a répondu à ces requêtes en précisant que la Chambre d’accusation est la juridiction «compétente» pour l’examen et le contrôle des procédures suite à un appel des décisions du juge d’instruction. «La défense des accusés devrait la saisir en cas d’irrégularités», insiste le magistrat. Le président de l’audience a décidé, après délibération, de joindre l'examen des demandes à celles du fond. Il a également décidé d’examiner le dossier par volet à commencer par l’affaire de GB Pharma.
Le gérant du groupe, Abderrahmane Benhamadi, est le premier à comparaitre. Il a rejeté les accusations et affirmé avoir déposé une demande auprès de la commission de wilaya pour la construction d’une usine de médicaments. «Je n’ai fait que cette demande», répond-t-il. La responsabilité incombe au gestionnaire. «Il y a eu confusion. Je n’ai aucune relation avec les opérations d’investissement, ni d’importation. Ce n’est pas moi qui ait déposé le dossier au CNI et je n’ai bénéficié d’aucun avantage auprès de l’ANDI».

Hattab : « Aucun wali ne peut octroyer un seul m2 sans commission »

L’ancien ministre des Sports et de la Jeunesse, Mohamed Hattab, est poursuivi en sa qualité de Sg de la wilaya d’Alger, lors des faits. Il est mis en cause d’avoir signé l’acte de concession d’un terrain de 18.700 m2 au profit de GB Pharma pour y installer son usine d’implants oculaires et de lentilles de contact. L’accusé insiste sur la légalité de l’acte : « Je n’ai pas dilapidé des deniers publics et il n’y a pas d’abus de fonction. J’ai agi conformément au décret exécutif 90-230 qui définit les postes supérieurs de l’Etat. L’article 6 stipule que le Sg peut signer les contrats et les décisions», dit-il. Il dit avoir été le président du comité pour la promotion des investissements et régulation du foncier en tant que représentant du wali d’Alger, Mohamed El Kebir Addou. «La wilaya d’Alger a reçu 50 dossiers d’investissements de la part de l’organe de gestion de la nouvelle ville de Sidi Abdellah à travers le ministère de l’Environnement. Les dossiers ont été gelés suite aux directives du Conseil ministériel conjoint, qui a émis des réserves sur la réalisation des projets de la nouvelle ville, tout en mentionnant que cela est soumis à une autorisation du gouvernement», explique-t-il.
Le juge : «Parmi les 50 dossiers figurait le dossier de GB Pharma. Il a été déposé au nom de qui ?».
Hattab : «Au nom du groupe Benhamadi. Nous avons reçu une liste des projets avec des documents, mais sans dossiers de fond.» Il a ajouté que le 2 février 2012, les services de la wilaya d’Alger ont reçu une correspondance signée par le chef de cabinet du ministre de l’Environnement, Chérif Rahmani, pour la programmation des projets d’investissement. Le wali a ordonné, par écrit, au Sg de programmer les dossiers pour la réunion de la commission de wilaya d’investissement. Nous avons accordé un avis favorable à 50 projets, à l’exception de certains projets de construction de logements», précise Mohamed Hattab. L’accusé Abdelwahab. B, chef de l’inspection des domaines d’Etat à Zeralda a précisé, quant à lui, que « le défunt Moussa Benhamadi a payé toutes les redevances». Les auditions se sont poursuivies jusqu’en fin de journée avec celles des cadres à la direction de la santé. Le procès va reprendre aujourd’hui avec l’affaire de la société Travocovia relevant du Groupe Condor.
Neila Benrahal

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