Même s’ils ne sont pas les auteurs physiques de ces agressions abjectes, les figures de proue et assimilés de l’extrême droite, de Marine Le Pen à Bruno Retailleau, en passant par Jordan Bardella, Eric Ciotti et Eric Zemmour, en sont comptables sur le plan moral.
Une femme voilée, âgée d’une vingtaine d’années, a été agressée jeudi dernier à Reims, dans le nord-est de la France. Un groupe d’une vingtaine d’hommes s’est approché d’elle dans la cité Croix-Rouge et l’un d’eux lui a intimé l’ordre d’enlever son voile, ce qu’elle a catégoriquement refusé. Un refus qui lui valut de voir son voile arraché de force par l’homme en question et de recevoir quelques coups au visage. Si le caractère raciste et xénophobe de cette agression n’a pas encore été formellement prouvé, en dépit de forts soupçons, ce fait vient malheureusement confirmer une tendance observée depuis le début de l’an : l’islamophobie gagne du terrain en France.
Très peu d’éléments sur cette agression ont été révélés pour le moment, si ce n’est que la victime a porté officiellement plainte pour propos islamophobes et voie de fait, une enquête de police est en cours. Le cas de ce jeudi n’a certes pas encore été confirmé comme étant un acte xénophobe mais ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il ne s’agit pas d’une première. Depuis plusieurs mois, et encore plus depuis le début de l’an, les actes islamophobes se sont multipliés en France, et en particulier les agressions contre des filles et femmes voilées. Citons trois cas récents : le 30 avril, une maman de 26 ans, qui se promenait avec son bébé assis dans une poussette, s’est fait arracher son voile à Poissy, dans le département des Yvelines ; le 4 mai, une dame, proférant des propos racistes, s’en est pris à une étudiante voilée à la sortie de la gare ferroviaire Part-Dieu, à Lyon, lui arrachant son voile et la poussant par terre, avant de s’enfuir ; le 3 juin, en plein Paris, une femme a été attaquée par une autre femme qui lui a arraché son voile en lui lançant, entre autres, « Vous êtes dominée par les hommes » et « Je suis contre le voile ». Il s’agit là seulement de quelques cas parmi ceux avérés, sans compter d’autres cas qui n’ont pas été médiatisés ou qui n’ont pas fait l’objet de plaintes.
Si les autorités sécuritaires et administratives ont réagi à ces agressions en ouvrant des enquêtes ou en dénonçant les faits, comme cela a été le cas de la préfecture de la Marne, suite à l’agression de jeudi passé, qui a déclaré que, « s’ils sont confirmés, ces faits sont inacceptables tant ils portent atteinte à l’intégrité des personnes et à la liberté religieuse » et que « les services de l’Etat ont pris attache avec les représentants du culte musulman pour les assurer de l’attention de l’Etat et de la vigilance des forces de police et de gendarmerie », on a peu entendu, à ce propos, les courants politiques de droite et d’extrême-droite, véritables façonneurs de la xénophobie et de l’islamophobie rampantes en France. A force de marteler jour et nuit, qu’il vente ou qu’il pleuve, publiquement et en privé, dans les meetings et les médias, que tous les malheurs présents (et même passés pour les plus zélateurs) de la France ont pour cause et pour source les immigrés, des Français crédules ont fini par les croire en s’en prenant de plus en plus ouvertement aux immigrés les plus « clinquants » : musulmans pratiquants comme Aboubacar Cissé, assassiné dans une mosquée du Gard alors qu’il accomplissait la prière ; immigrés au faciès basané tel Hichem Miraoui, assassiné dans le Var par un militant d’extrême-droite, ou femmes voilées, leur tenue « faisant foi » de leurs origines selon le raisonnement hallucinant de légèreté des tenants de l’extrémisme et de leurs disciples, alors même qu’il existe des Françaises de souche musulmanes voilées.
Même s’ils ne sont pas les auteurs physiques de ces agressions abjectes, les figures de proue et assimilés de l’extrême-droite, de Marine Le Pen à Bruno Retailleau en passant par Jordan Bardella, Eric Ciotti et Eric Zemmour, en sont comptables sur le plan moral, car instigateurs d’un climat anxiogène et délétère autour des immigrés de manière générale soit par xénophobie non assumée, soit à des fins purement électoralistes.
Par ces pratiques irresponsables, les partisans de la droitisation de la société française sont en train de torpiller la devise officielle de la République française : « Liberté, Egalité, Fraternité ». En effet, la liberté de se vêtir suivant ses convictions est violée, l’égalité des droits (même entre citoyens français) est transgressée et la fraternité ne serait plus valable qu’entre les descendants de Gaulois. Le font-ils consciemment ou inconsciemment ? Difficile de croire que des instigateurs de haine xénophobe et islamophobe aient une once de conscience…
F. A.
