Mme Athamnia Amina, cheffe de la division Finance islamique à la Banque nationale d’Algérie : «30 milliards DA thésaurisés par la BNA via la finance islamique»

Entretien réalisé par : Karim Aoudia

El Moudjahid : La finance islamique, comme nouveau procédé initié pour les objectifs d'une meilleure inclusion financière, est-elle réellement le dispositif le plus adéquat pour thésauriser la masse d'argent qui circule dans l'informel ?

Mme Athamnia Amina : Effectivement c'est le cas dans la mesure où la finance islamique comme mécanisme est un moyen qui favorise l'inclusion financière pour capter tous les fonds qui circulent hors circuit bancaire. Il faut savoir aussi que ce nouveau procédé a été initié principalement en réponse à une forte demande de la clientèle qui refusait de traiter avec les banques en l'absence de produits bancaires conformes à la Chariâ. Ce à quoi les banques ont répondu favorablement, bien évidemment avec l'appui nécessaire des pouvoirs publics qui ont instauré le cadre réglementaire, sans lequel aucune activité bancaire ne peut être effectuée. Un cadre réglementaire qui a été d'abord défini dans le texte de loi n°20-02 du 15 mars 2020, suivi de l'instruction n°03 du 20 avril de la même année. C'est en effet sur la base de ces textes que les banques ont été autorisées à aller vers la finance islamique, une activité conforme à la Chariâ, fixant d'une manière claire les conditions d'exploitation où d'accès à ses différents segments aussi bien pour les banques que pour la clientèle.

Depuis l'entrée en vigueur de ce mécanisme, en 2020 comme vous le dites, qu'en est-il des résultats chiffrés engrangés par la BNA à travers la finance islamique ?

Il faut savoir que la BNA a été la première banque nationale à avoir lancé ce mécanisme en date du 4 août 2020, conformément à la règlementation en vigueur et notamment par l'acquisition de tous les certificats de conformité y afférents. Au jour d'aujourd'hui, on avoisine les 30 milliards de dinars thésaurisés grâce à la finance islamique ainsi que l'ouverture de plus de 50.000 comptes. En matière d'emploi de la ressource par le biais de la finance islamique, nous avons dépassé le seuil des 8 milliards de dinars. Quoique récente, cette activité est très réactive et a su capter une large clientèle. La BNA propose dans ce cadre des produits très compétitifs, qui répondent à la demande de la majorité de la clientèle, notamment en matière de financement de l'immobilier, des équipements divers pour les particuliers, les activités professionnelles et des entreprises. Nous disposons d'une palette de produits d'épargne, avec ou sans la rémunération, selon la demande de notre clientèle. Au sein de la BNA, la division de la finance islamique s'attelle continuellement aussi bien à l'enrichissement de notre gamme de produits qu'à l'élargissement de notre réseau. A travers le territoire national, nous comptons aujourd'hui 78 points de vente, dont 10 agences dédiées exclusivement à la finance islamique, et ce, dans l'objectif de mieux servir nos clients et répondre parfaitement aux concepts de séparation et d'étanchéité entre une activité classique et la finance islamique. Nous avons élaboré en outre un plan d'action très ambitieux qui touche tout le territoire national, en vertu duquel nous envisageons l'inauguration de quatre nouvelles agences spécialisées dans la finance islamique avant la fin de l'année.

Ce nouveau procédé a-t-il contribué au renouveau économique ? Qu'en est-il de l'apport de la BNA en ce sens ?

En tant que banque, nous sommes à la fois très contents et très fiers des résultats réalisés jusque-là dans l'accompagnement, et de surcroît le développement de notre économie nationale à travers la finance islamique. Nous avons en effet accompagné plusieurs projets dans divers domaines d'activité, tels que le domaine de l’agro-alimentaire, des services et médical. Le premier projet, dont le financement a été approuvé par le Comité central de financements islamiques, est celui lancé en 2022 dans la région du Sud qui concerne des produits de première nécessité. Sa concrétisation sur le plan opérationnel est attendue pour 2024. A ce propos, j'insiste sur le fait que les pouvoirs publics ont levé la majorité des contraintes à même de permettre aux banques publiques «d'absorber» le maximum de la masse d'argent qui se trouve dans l'informel et de financer les demandeurs. Les dispositions de la nouvelle loi monétaire et bancaire confortent davantage cette orientation en prévoyant, carrément, la création de banques islamiques à 100%. Aussi, le taux d'investissement pratiqué suivant ce mécanisme, l'assouplissement des conditions d'accès au financement, le paiement à distance sont autant de mesures d'accompagnement favorisant l'inclusion financière via ce nouveau procédé.

Votre appréciation quant à la dynamique des réformes engagées pour booster davantage la finance islamique ?

Aujourd'hui, un des faits avérés du secteur financier en Algérie est que notre appétit s'est définitivement ouvert sur la finance islamique, aussi bien du côté des banques que des citoyens. A la BNA, nous disposons, en la matière, de 15 produits, tandis que 7 autres sont en attente d'agrément de la part de la Banque d'Algérie. Ces nouveaux produits, s'ils ont été confectionnés, c'est fondamentalement par ce qu'ils répondent à une demande émise par notre clientèle. Par ailleurs, d'autres institutions financières s'attèlent à la révision de leurs textes réglementaires pour se conformer à la finance islamique. Un cadre réglementaire continuellement enrichi s’est réajusté dans le sens de s'assurer de la levée de toutes les contraintes. C'était le cas à travers notamment les dispositions de la loi de finances complémentaires (LFC) de 2021.
Dans ce côté, la Banque d'Algérie est en train de préparer de nouveaux aménagements qui seront contenus dans des décrets exécutifs, destinés à faciliter d'avantage l'activité de la finance islamique. Par ailleurs, l'association ABEF en collaboration avec la direction générale du Trésor ont déjà examiné les voies et moyens devant permettre aux demandeurs de la finance islamique de bénéficier de la bonification autorisé dans l'acquisition de logement et/ou la concrétisation de projets d'investissement. Le travail en question a atteint sa phase finale, et nous sommes, là aussi, dans l'attente des décrets exécutifs y afférents.
Relativement au développement de cette activité, nous notons aussi la mise en production des produits d'assurance conforme à la Chariâ, tels que «Takaful», à travers la mise en place de deux sociétés Takaful qui sont «Général Takaful» et «El Moutahida Takaful». Depuis juin 2023, les financements islamiques octroyés par la BNA sont accompagnés par des assurances Takaful.

K. A.

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