
Entretien réalisé par Karim Aoudia
Dans cet entretien, l’expert géoéconomique Mafhoud Kaoubi relève que la visite du président de la République en Italie a permis de réaffirmer la vision commune des deux pays de donner un caractère stratégique à leurs relations bilatérales, une matérialisation élargie et diversifiée sur le terrain. Pour ce faire, la sphère réelle, les hommes d’affaires et les entreprises des deux pays sont attendus pour qu’une dynamique plus importante soit observée dans les années, voire les mois à venir, a-t-il estimé.
El Moudjahid : De manière globale, quelle évaluation faites-vous de la récente visite officielle du président de la République, Abdelmadjid Tebboune en Italie ?
Mahfoud Kaoubi : La visite du président de la République en Italie est positive et réussie à plusieurs égards. Sur le plan politique, elle a permis de réaffirmer la convergence des positions entre Alger et Rome sur plusieurs questions internationales majeures.
C’est le cas particulièrement en ce qui concerne la cause palestinienne et le dossier de la République arabe sahraouie démocratique qui ont été au cœur des discussions, confirmant une vision commune quant aux solutions à apporter à ces deux questions. Au-delà de cette concordance de vues et de la mise à jour de l’approche que partagent l’Algérie et l’Italie, c’est surtout le partenariat stratégique entre les deux pays qui a pris la plus grande partie de la coopération, notamment dans le domaine sécuritaire. A ce titre, aussi bien pour la lutte antiterroriste, le fléau de l’immigration clandestine ou encore la lutte contre les opérations de blanchiment d’argent, des mémorandums ont été signés et les mécanismes de coopération ont été scellés et mis en œuvre, témoignant autant de l’amélioration du partenariat que d’un approfondissement notable des relations bilatérales.
Au vu du nombre important d’accords signés, en quoi cette visite marque-t-elle une étape décisive dans l’évolution du partenariat stratégique entre les deux pays ?
Sur le plan économique, cette visite est marquée par la signature d’un nombre important d’accords visant à renforcer et diversifier la coopération entre l’Algérie et l’Italie dans l’objectif d’approfondir les relations économiques en lui conférant un nouvel élan pour son élargissement à d’autres activités, autres que celles des hydrocarbures, et de l’énergie de manière générale.
Le domaine des hydrocarbures, faut-il le souligner, se taille, encore une fois, le plus gros des contrats et des mémorandums entre Eni et Sonatrach. A ce propos, il convient de rappeler que les investissements du partenaire italiens dans le domaine du fossile sont évalués à plus de 8 milliards de dollars, en Algérie. Ces investissements sont appelés à mieux se développer dans le domaine du transport, de la production d’électricité et surtout de la décarbonisation où des contrats portant sur l’introduction de nouvelles techniques d’atténuation de la trace carbone dans les activités d’hydrocarbures ont été paraphés, permettant ainsi à la Sonatrach de mieux se positionner par rapport aux règles fixées en matière de protection de l’environnement dans les cinq années à venir. Idem pour les énergies renouvelables, où le mémorandum relatif au grand projet de l’énergie verte réaffirme la position commune de l’Algérie et de l’Italie de développer une relation de partenariat assez soutenue dans ce domaine.
L’autre mémorandum important signé est celui concernant la sidérurgie pour assurer une production suffisante d’acier. Il s’agit de la réalisation d’un projet d’envergure dont le montant des investissements est évalué, selon les informations qui ont filtré, à 1 milliard de dollars, qui sera localisé en Algérie, permettant ainsi à notre pays de tirer un profit certain des avantages compétitifs, dans la mesure où le coût de l’énergie est un élément très favorablement pesé dans le choix de ce projet. D’autres secteurs d’activités tels que la pharmacie, l'agriculture, l’automobile ainsi que les industries agroalimentaires ont aussi fait l'objet de contrats à l’instar de celui portant sur la production plastique. Ceci atteste d’une volonté des deux pays d’aller plus loin en concrétisant des investissements et de ne pas se contenter juste d’accords. En somme, ce qu’il faut retenir de la visite du président de la République en Italie, c’est une vision commune des deux pays de donner un caractère stratégique à leurs relations bilatérales, une matérialisation élargie et diversifiée sur le terrain.
Malgré toutes les avancées réalisées, quels sont, selon vous, les défis qui restent encore à relever pour exploiter pleinement l’énorme potentiel économique dont disposent les deux pays ?
Beaucoup de choses restent à faire, vu que le potentiel entre les deux pays est énorme et que les satisfactions jusqu’à présent ont été surtout dans le domaine des hydrocarbures et celui de la coopération institutionnelle, que ce soit dans le domaine de la sécurité, de la coopération technique, la formation et l'enseignement.
A cela s'ajoutent quelques projets dans le secteur de l’agriculture, la chimie et la pharmacie, de l'agroalimentaire et d'autres qui attestent d’une volonté des deux pays de renforcer leurs relations bilatérales. Cependant, le rythme et l’intensité de ces investissements n'est pas suffisante comparé d’une part, au potentiel existant, et à l'avancée en matière de coopération dans le domaine politique institutionnel, d’autre part. De ce fait, la sphère réelle des hommes d’affaires et des entreprises des deux pays est attendue pour qu’une dynamique beaucoup plus importante soit observée dans les années, voire les mois à venir.
K. A.