
Le Service de toxicologie médicale du CHU de Bab El-Oued lance une alerte suite à une augmentation dramatique des cas d'intoxications sévères et de décès de nourrissons. En cause : des liquides anti-moustiques, en vente libre, dont la composition réelle s'avère être un piège mortel. Un ennemi silencieux s'est invité dans les foyers algériens.
Derrière l'apparente banalité d'un produit de lutte contre les moustiques se cache une menace grave pour la santé, surtout des enfants en bas âge. Le Service de toxicologie médicale du Centre hospitalo-universitaire (CHU) de Bab El Oued signale une hausse alarmante des intoxications aiguës chez les nourrissons et les jeunes enfants, suite à l'inhalation accidentelle de ces liquides domestiques et tire la sonnette d'alarme. Les chiffres communiqués par le service en question sont accablants. Pour la seule année 2024, pas moins de 216 cas d'intoxication ont été enregistrés par cette seule structure. Parmi eux, 11 ont présenté des formes sévères et atypiques. Le bilan humain est tragique, avec deux décès de nourrissons survenus en 2024, portant le nombre total de décès recensés pour cette même cause à sept entre 2020 et 2024. L'alerte est d'autant plus vive qu'en 2025, de nouveaux cas graves continuent d'être signalés, faisant craindre l'arrivée sur le marché de formulations encore plus toxiques. Contactée par le quotidien El Moudjahid, Professeure, Selma Kaddour, cheffe de service toxicologie du CHU Bab El Oued, Lamine Debbagine, a affirmé que «l'enquête menée par les toxicologues révèle une faille de non-conformité et le caractère trompeur de l'étiquetage de ces pro- duits». Elle a indiqué que «le danger principal ne provient pas seulement des pyréthrinoïdes, substances insecticides généralement mentionnées, mais de la présence non déclarée de solvants hydrocarbures hautement toxiques». Ces solvants, a ajouté la Pr. Kaddour, lorsqu'ils sont ingérés par un jeune enfant, même en petite quantité, provoquent des complications dévastatrices. Les manifestations cliniques observées sont d'une extrême violence : convulsions généralisées, coma profond, et détresse respiratoire sévère pouvant mener à l'arrêt cardio-respiratoire. De plus, les médecins ont constaté des pneumopathies d'inhalation, une inflammation chimique grave des poumons, directement liée à la toxicité de ces solvants non déclarés. Plusieurs enfants ont présenté un tableau neurologique et respiratoire incohérent avec la toxicité attendue des seules substances affichées sur l'emballage, confirmant la présence d'agents cachés. Pour la Pr. Kaddour, un des points les plus critiques soulevés par le Service de toxicologie est le risque d'une prise en charge médicale inadaptée, souvent par méconnaissance de la composition réelle du produit. Des gestes que l'on pourrait croire salutaires, comme provoquer des vomissements ou procéder à un lavage gastrique, sont ici formellement contre-indiqués. Ces actions aggravent le risque d'inhalation du produit dans les poumons et peuvent transformer une intoxication grave en un cas fatal. Il faut un contrôle strict et immédiat de tous les produits anti-moustiques liquides sur le marché, en vérifiant leur composition réelle, la conformité de leur étiquetage et la validité de leur autorisation de mise sur le marché. Diffuser sans délai des recommandations claires aux professionnels de santé sur la prise en charge médicale spécifique à ce type d'intoxication pour éviter les interventions qui aggravent l'état des patients. La responsable du service toxicologie du CHU Bab El Oued a lancé un appel aux parents afin d’être plus vigilants, «en adoptant des gestes qui sauvent en rangeant systématiquement tous les produits anti-moustiques et produits ménagers en hauteur ou dans un placard fermé à clé». Ne pas laisser sur une table de chevet ou une prise basse et ne jamais transvasez ces liquides dans une bouteille d'eau ou tout autre contenant, mais il faut gardez le produit dans son flacon d'origine, a-t-elle ajouté.
M. M.