Guelma se souvient, Boucherie d’Oued Cheham : 11 sites de massacres et 18.000 martyrs

Pour Salah Laabidi Boumaâza, né en 1930 à mechta El-Messen, distance de 4 km de cette commune, ce monument évoque l'horreur et rappelle qu’à cet endroit, furent exécutés le 14 mai 1945 Bouteraâ Touhami, El Hadi, Sassi et Azzaïzia Saddek, El-Ayfa Khemassi, Metabtab Rahim et Arbaoui Hocine. Aujourd’hui nonagénaire, Salah qui avait 15 ans à l’époque, se souvient avec précision de ces évènements qui avaient débuté au douar Legroura, actuellement El-Messen, et l’arrivée depuis le marché hebdomadaire de Hammam N’baïl (qui se tient les jeudis) des nouvelles du soulèvement populaire de Guelma et ses environs, le 8 mai 1945. Selon son témoignage, tous les noms inscrits sur cette stèle sont des jeunes de ce douar qui s’étaient rendus à pied vers Oued Cheham en scandant des slogans en faveur de l’indépendance, avant de s'arrêter à la ferme du colon François De Gaule qui avait pris la fuite pour alerter les Européens d’Oued Cheham, lesquels sortirent leurs armes pour éliminer tous ceux qu’ils rencontraient. Durant les jours qui ont suivi, soldats, gendarmes, propriétaires terriens et Européens ont commis les pires exactions contre les hommes, les femmes et les enfants sans distinction, dont les corps étaient jetés sur les bords des routes, et les maisons de ceux qui étaient suspectés de s’opposer au colonialisme étaient incendiées, ajoute Laabidi, la maison de ses parents le fut également, ce qui les a poussés à fuir vers Henancha (Souk Ahras). L’horreur est allée encore plus loin avec le bombardement de la région par l’aviation, le pillage systématique des troupeaux et des biens, mais aussi l’arrestation de plusieurs dizaines d’hommes qui furent condamnés par le tribunal de Constantine à des peines allant de 15 à 40 ans de prison. Abdallah Tarbag, né en 1933, raconte que les habitants de la région s’étaient regroupés au centre d’Oued Cheham pour exprimer leur désir de liberté, assurant que les traces de balles sont visibles aujourd’hui encore sur le mur de la municipalité, témoignant de la violence de la répression et des massacres. Il se souvient des visages des jeunes qui furent exécutés à l’endroit même où se trouve aujourd’hui la stèle dressée à leur mémoire, avant de brûler leurs corps et les jeter près du village. Les documents détenus par l’association 8-Mai-1945, créée en 1995 pour lutter contre l’oubli, indiquent que le bilan dans la wilaya de Guelma fait état de plus de 18.000 martyrs. Les habitants de la région se souviennent toujours des sites de ces exactions, dont le four à chaux Marcel Lavie à Héliopolis, où des dizaines d’innocents exécutés de manière barbare furent brûlés. Dans la commune d’Héliopolis, Kef El Boumba demeure un lieu tristement célèbre, des dizaines d’Algériens furent abattus et abandonnés aux animaux sauvages dans des charniers. Selon des témoignages écrits, le site renferme quatre tranchées de 20 à 25 mètres de long et dans chacune se trouvaient plus de 20 cadavres. Autre lieu sinistre, le petit pont de la commune de Belkheir où une famille entière, dont un enfant de 12 ans et une maman enceinte, fut tuée. Dans la commune de Boumahra Ahmed, des civils furent exécutés et jetés dans l’Oued Seybouse, tandis que dans la caserne du centre-ville de Guelma se trouvent encore certaines parties de la guillotine avec laquelle furent exécutés les participants à la marche civile. Les témoignages des survivants recueillis par cette même association racontent l’horreur de l’exécution de Zahra par les milices de colons dont le corps fut découpé sous les regards de ses frères Mohamed et Hafidh avant d’être jetée dans un four à chaux, ainsi que la crucifixion de Moumni jusqu’à la mort sur un mur du siège de la gendarmerie de Guelma.

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