Finance islamique : Les prémices d’une réussite

La finance islamique connaît-elle son décollage ? Les indices ne manquent pas. D’abord, des chiffres. Un bilan du Premier ministère annonce une épargne additionnelle de l'ordre de 8 milliards de dinars mobilisés par les banques publiques, grâce au lancement des produits conformes à la charia.

S’y ajoute un financement de nouvelles activités d’un montant de 500 millions de dinars, 12.000 comptes ouverts. Aussi, des efforts sur le plan réglementaire. Le ministre des Finances a laissé entendre qu’un amendement sera apporté au code du commerce pour l’émission de sukuk. Une opération fondamentale pour le développement de la finance islamique. Pour les banques privées, Al Salam Bank Algeria, à titre d’exemple, a réussi de bonnes performances : les dépôts de la banque se situaient, à fin mars, à 141 milliards de dinars et un encours de crédits à 107 milliards DA. Le produit net bancaire, lui, est estimé à 7,7 milliards DA. Bien avant, les pouvoirs publics ont franchi une étape importante. En mars 2020, un nouveau règlement a été complété par une instruction de la Banque d’Algérie qui faisait désormais une référence explicite à la finance islamique. Le règlement précise les conditions d’exercice de cette activité, avec la détermination des produits à commercialiser (mourabaha, moucharaka, moudaraba, ijara, istisna’a, salam et dépôts en compte d’investissement).
Deux instances de contrôle de conformité aux normes de la charia au niveau de l’établissement et au niveau national sont mises en place. «La mise en place d’un cadre juridique de base est une mesure bienvenue qui pourrait faciliter l’ouverture de nouveaux guichets islamiques et l’étoffement du réseau bancaire dans ce domaine. Reste à conquérir le marché», précise Dr. Abdelrahmi Bessaha, économiste au Fonds monétaires international. Pour lui, les perspectives de la finance islamique sont sujettes à deux conditions. Il est question de «la mise en place de mesures d’ajustement du cadre des affaires pour le rendre compatible avec la banque et l’articuler avec les politiques macroéconomiques».
Aussi, il y a «la capacité de la finance islamique à capter une partie de la liquidité qui est thésaurisée et finance l’économie informelle. Le poids de cette dernière est d’environ 30% du PIB (soit $53 milliards), sur la base de la méthode nouvelle d’estimation appelée méthode des écarts statistiques de la comptabilité nationale».
Une partie des ressources au niveau de ce compartiment économique est thésaurisée. Hypothèse faite que cette partie est d’environ 5%, explique l’économiste, «cela donne un marché potentiel attractif qui peut être mobilisé à terme par la finance islamique». Pour aller de l’avant, certaines sources, relayées par des médias, indiquent que le gouvernement présente, à travers le projet de loi de finances complémentaires 2021, plusieurs propositions qui soutiennent la finance islamique, y compris des mesures fiscales affectant l’impôt sur les bénéfices des sociétés et la taxe sur l’activité professionnelle. A l’échelle internationale, la part de la finance islamique dans les pays qui la pratiquent varie. Le Dr Bessaha précise que 10 pays représentent 95% des actifs conformes à la charia, avec l’Iran en tête (29% du total mondial) suivi de l’Arabie saoudite (25%), de la Malaisie (11%), des Émirats arabes unis (8%), du Koweït (6%), du Qatar (6%), de la Turquie (2,6%), du Bangladesh (2,1%), de l’Indonésie (2%) et de Bahreïn (1,8%). De plus, ajoute-t-il, l’effondrement du commerce mondial a également affecté les banques islamiques, compte tenu de leur forte présence dans le financement du commerce.
Fouad Irnatene

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