Drogue et toxicomanie à Tiaret : Constat alarmant

De notre correspondant Si Merabet Nour Eddine

La consommation de drogues a des conséquences négatives sur la santé physique et mentale des consommateurs, ainsi que sur leur entourage et la société, en général. Dans cet article, nous explorerons l'étendue du problème de la drogue dans la région de Tiaret et les mesures prises pour y faire face. Nous examinerons également les raisons sous-jacentes de la consommation de drogues et les implications pour la santé publique.

La tranche d'âge qui a le plus consommé de drogue, les dix dernières années, est celle des 19 à 39 ans, 1,50%, elle est suivie par les personnes de 40 ans et plus, avec 1,11%, puis des 16 à 19 ans, avec 0,85%, et enfin les 12 à 15 ans, avec 0,12%, selon une enquête menée par l'Office national de la lutte contre la drogue et la toxicomanie. Les experts consultés avancent que la tranche d’âge la plus consommatrice de drogues est celle des 20-40 ans. Le Dr psychiatre Karim Zitouni nous explique que l'addiction affecte la pyramide de la santé mentale, notamment le bien-être, l'estime de soi, les relations sociales et l'engagement envers la société. La santé mentale ne se limite pas aux troubles physiques et psychiques. «En tant que spécialistes, ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les pathologies des liens, telles que les troubles de l'attachement qui se caractérisent par des ruptures dans les liens familiaux, en particulier entre les mères, les pères et les enfants, surtout lorsqu'elles ont lieu précocement et s'accompagnent de négligences, de carences de soins ou de maltraitances, ainsi que la servitude à la matière. Le mode d’entrée à cet univers commence par une cigarette, c’est le commencement des troubles mentaux. Identifier cette problématique le plus tôt possible permettra de tenter de réparer les troubles», dit-il.

Action collective

Pour notre interlocuteur, «il faut agir ensemble, en réseau et vite, en sensibilisant nos jeunes enfants, élèves, étudiants, afin qu’ils soient acteurs dans le circuit de la prévention, pour bloquer les espaces aux intrus. Pour cela, il faut revaloriser les activités de jeunes, relancer les sports scolaires, les activités de divertissements à plein temps, pour combler le vide, créer plus d’espaces d’expressions. Les mains oisives sont l’atelier du diable. Évitons l’évènementiel. Rare de nos jeunes accros sont ceux qui demandent de l’aide, parce qu’ils sont inconscients, abattus, démunis ... Auparavant, on pensait que la toxicomanie était un problème qui touchait principalement les personnes issues de milieux sociaux défavorisés. Cette conception est désormais dépassée. La consommation de drogues ne se limite pas à une catégorie sociale particulière. Aujourd'hui, on peut constater que la cocaïne est de plus en plus prisée par les classes aisées (01 gramme dépasse les 12.000 DA), tandis que les personnes les plus démunies ont davantage recours aux colles et autres substances peu coûteuses.»
Cependant, il est important de souligner que la toxicomanie reste un fléau qui touche toutes les couches de la société, sans distinction de classe sociale. Les facteurs qui conduisent à la dépendance sont multiples et complexes, et peuvent inclure des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Il est donc essentiel d'adopter une approche globale pour prévenir et traiter la toxicomanie, en se concentrant sur l'éducation, la prévention et le traitement adapté aux besoins de chaque individu. En somme, il convient de dépasser les stéréotypes et les idées reçues, pour mieux comprendre les mécanismes de la toxicomanie et trouver des solutions efficaces pour aider les personnes qui en souffrent.
Tous les spécialistes qu’on a interrogés s’accordent à dire que les motifs de recours à la drogue sont multiples : oublier la réalité, copier les amis, se sentir bien, avoir du plaisir, occuper le temps, diminuer la douleur morale, se faire du mal ... D’autres enquêtes ont révélé que les conditions de vie, l’activité économique et les conditions sociales sont susceptibles de déclencher des comportements déviants dans la société.
Dans les lieux de rencontre avec les substances illicites, où les individus auraient eu à consommer de la drogue pour la première fois, il convient de signaler la prédominance du quartier, suivi par le café, soirée, la mer, le marché. L’école et le lieu de travail sont plutôt cités par les consommateurs démunis.

S. M. N.

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Dr Benrabah Mohamed : Drogues dures, solvants et aérosols

Pour le médecin généraliste, exerçant au niveau d’une structure de proximité dans le populeux quartier d’El-Rahma, «les drogues et substances psychoactives les plus consommées à Tiaret sont : le cannabis, les psychotropes, les amphétamines, l’ecstasy, et autres substances. Un médecin généraliste n’a pas le droit de prescrire du lyrica, du tramadol ou autres antalgiques, c’est du ressort des rhumatologues, traumatologues, neurologues et psychologues».
Sur les pratiques à risque chez les jeunes, la pédiatre K. A. nous a informé «que l'inhalation de solvants et d'aérosols est la drogue la plus courante chez les jeunes âgés de 10 à 16 ans. Bien que certains jeunes ne sniffent qu'occasionnellement, d'autres en font une habitude régulière qui peut se poursuivre à l'âge adulte. Il est important de souligner que l'inhalation de solvants et d'aérosols peut avoir des conséquences graves sur la santé physique et mentale des jeunes. Ces produits chimiques peuvent causer des lésions cérébrales, des troubles respiratoires, des problèmes cardiaques et bien d'autres complications. Il est donc essentiel de sensibiliser les jeunes aux dangers de cette pratique et de leur offrir des alternatives plus saines pour se divertir et se détendre». Il est crucial d'informer les jeunes sur les risques associés à cette pratique et de les encourager à adopter des comportements plus sains, pour leur bien-être à long terme.
Poursuivant notre modeste enquête, nous avons pris contact avec si Rabah, imam de la mosquée El- Chafei à la cité Med-Djahlene, pour connaître le statut de la drogue en islam. Le théologien a souligné que «la consommation de drogues est fermement condamnée et interdite par l'islam, car elle est considérée comme une pratique contraire aux principes de la religion et aux valeurs morales. Le haschisch fabriqué à partir des feuilles de cannabis est interdit comme l’est l’alcool. Son consommateur subit la même peine que celle infligée au buveur d’alcool. Le haschisch est pire que l’alcool : il détruit la raison et transforme le caractère. Il rabaisse l’individu à un état de faiblesse et d’avilissement, et le mène vers toutes sortes de turpitudes». L’islam condamne la consommation de drogues et encourage les croyants à se préserver de cette pratique. Les religions peuvent jouer un rôle important dans la prévention de la consommation de drogues, en offrant un soutien et des conseils aux jeunes qui sont exposés à des pressions sociales.
Au registre sécuritaire, la Gendarmerie nationale, qui est à l’avant-garde de la lutte contre les réseaux de drogues, fait état d’une nouvelle route d’acheminement de la cocaïne de l’Amérique latine vers le Maghreb via les pays du Sud, après la route du rif marocain premier producteur de cannabis dans le monde, dont 80% de sa production transite par l’Algérie, et ce avant la fermeture des frontières.
Ce qui constitue une menace directe sur la jeunesse algérienne. La coopération entre forces de police, gendarmerie et douane est en parfaite symbiose pour faire face au triptyque «drogues-armes- prostitution». Les résultats témoignent de l’efficacité de la démarche, car, depuis le début de l’année, quelque 10 kilogrammes de kif traité et des milliers de psychotropes saisis, plusieurs réseaux démantelés et une vingtaine de personnes arrêtées.

S. M. N.

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