
Les essais nucléaires français en Algérie s’inscrivent dans une logique coloniale basée sur le déni de l’autre, relève le chercheur en histoire, Amar Mohand-Amer, soulignant que les victimes sont en droit d’exiger reconnaissance et réparation.
Dans une déclaration à l’APS, à la veille de la commémoration du 61e anniversaire des essais nucléaires français dans le Sahara algérien, l’historien souligne que ces expérimentations s’inscrivent dans «l’idéologie coloniale bâtie sur le déni de l’autre et constituent, ainsi, des outils de domination où la violence, sous toutes ses formes, est la matrice».
Le chercheur au Centre national de Recherche en Anthropologie sociale et culturelle (CRASC) d’Oran considère, en outre, que ces pratiques exercées dans le cadre du programme nucléaire français (1957-1967) «participent d’une vision du colonialisme et informent également sur la complexité du processus de sortie de guerre».
Allusion aux accords d’Evian, note-t-il, dont des clauses ont permis à l’ancienne puissance coloniale de poursuivre ses tests nucléaires après l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Invité à commenter les répercussions physiques, psychologiques et sociétales de tels actes, M. Mohand-Amer soutient qu’elles sont «multiples», considérant précisément l’étendue des aspects impactés, tout en estimant que les victimes qui en sont «meurtries dans leur chair, sont en droit d’exiger qu’elles soient reconnues comme telles et d’être indemnisées».
Pour ce faire, il est d’avis que «toute la transparence» soit faite sur ces essais nucléaires dont les effets continuent à faire des victimes, des décennies plus tard. Dans le même temps, il se félicite du fait que «l’on assiste, depuis quelques décennies, à une libération de la parole en Algérie sur ce sujet, et c’est tant mieux !».
Interpellé sur le récent rapport de l’historien français, Benjamin Stora, qui évoque la nécessité de poursuivre le travail entrepris entre les deux parties sur ce dossier, le chercheur insiste pour que la question des essais nucléaires «ne soit plus taboue en Algérie», tout en appelant les autorités algériennes à «réactiver ce dossier et à défendre les intérêts de celles et de ceux qui en ont souffert».
Considérant que «c’est à l’Etat et non aux victimes» de prendre en charge ce dossier, il a notamment abordé la question des archives, estimant que l’Etat algérien «est appelé à trouver avec son homologue français la meilleure voie pour traiter ce dossier».
Plus globalement, le responsable de la division Recherche et Socio-anthropologie de l’histoire et de la mémoire au CRASC dit «ne pas croire à la notion de ‘‘contentieux mémoriel’’ ou de ‘‘réconciliation des mémoires’’ car je suis d’avis que la mémoire est consubstantiellement liée à chaque peuple et à sa propre histoire».
«Cette mémoire n’est ni à partager ni à fragmenter, et chercher à apaiser des mémoires me semble utopique. Cette question des essais nucléaires français en Algérie atteste que ce n’est pas de mémoire qu’il s’agit mais de réparations et de responsabilité de la France envers les Algériens», fait-il observer en guise de conclusion.