
Nous croyions le Makhzen pacifié sur le registre de l’espionnage et les violations de la vie privée des gens, à la suite des graves révélations sur l’usage du logiciel Pegasus, élaboré par les truands sionistes. Il n’en est rien. Les barbouses marocaines s’acharnent contre des personnalités de divers secteurs de la vie politique, et notamment des journalistes français en lien avec des opposants au régime chérifien. Le cas de la journaliste Leila Moussaoui, du quotidien français l’Humanité, est édifiant.
Victime du logiciel malveillant, elle est revenue sur ses déboires dans une tribune publiée dimanche dans le journal espagnol El Independiente. «Le logiciel d’espionnage marocain Pegasus, aussi terrifiant qu’invisible», est l’intitulé d’un long texte écrit par la journaliste qui met la lumière sur son expérience personnelle en tant que victime du logiciel qui cible les téléphones portables, tout en revenant sur d’autres méthodes tout aussi sournoises employées par le Makhzen, pour ternir l’image des journalistes marocains, notamment, évoquant des «autorités et une police qui n’hésitent à franchir toutes les lignes rouges». Cet instrument dont l’usage est interdit avait permis d’espionner les téléphones de journalistes, d’hommes et de femmes politiques, de militants des droits humains et de chefs d’entreprise de différents pays. «J’ai commencé à remarquer des dysfonctionnements sur mon iPhone. Des applications s’ouvraient toutes seules, la mémoire était à bord de la saturation. La navigation web était devenue difficile», affirme-t-elle. Ces difficultés d’apparence technique survenaient en 2019 alors que Leila Moussaoui enquêtait sur les affaires en justice «montées de toutes pièces» contre le journaliste et opposant marocain Omar Radi, lorsqu’elle a appris, en 2020, que le téléphone de ce dernier était infecté par le logiciel espion Pegasus. L’information liée au téléphone de Radi avait été révélée par Amnesty International, ce qui a alerté Moussaoui. «Au printemps 2021, des journalistes du consortium Forbidden Stories m’ont contactée et m’ont informée qu’ils soupçonnaient que mon téléphone était équipé d’un logiciel espion», dit-elle. Elle a remis son portable à un laboratoire spécialisé, mais celui-ci n’a rien détecté. «En juillet, à la veille des révélations du projet Pegasus, un journaliste de Forbidden Stories m’a recontactée, pour m’annoncer que je figurais bien sur une liste de cibles de ce programme d’espionnage», poursuit-elle. Moussaoui, qui dit avoir déjà subi la pression et la surveillance des forces de sécurité marocaines au cours de ses enquêtes, découvre une autre forme de surveillance bien plus «terrifiante», car «invisible» et «indétectable». «J’ai vécu le piratage de mon téléphone comme une situation d’une grande violence qui me touche personnellement, mais aussi mes proches, mes amis, mes collègues, ma famille. C’est une intrusion insupportable, une violation de mon intimité et de ma vie privée», ajoute-t-elle. «Tout comme les traités internationaux interdisent l’usage des armes non conventionnelles, nous devrions, dit-elle, interdire les logiciels espions, qui constituent une arme redoutable qui viole la vie privée.»
R. Lourdjane