Nouvel accord UE-Maroc : le Front Polisario annonce un recours en justice

«Au vu de la force des principes dégagés par la Cour dans sa jurisprudence, l'illégalité du nouvel accord est flagrante», rappelle le Front Polisario.

Le Front Polisario, seul et unique représentant du peuple sahraoui, a condamné, vendredi, un nouvel accord illégal conclu entre le Conseil de l'Union européenne (UE) et le Royaume du Maroc sur les préférences tarifaires des produits originaires du Sahara occidental occupé. Cet accord, signé avec application provisoire et visant à remplacer les précédents protocoles annulés par la justice européenne, est une transgression directe des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et une tentative délibérée de contourner les arrêts de la Cour. Fort des arrêts de 2024 qui «consacrent l'accès du peuple sahraoui à la justice européenne», le Front Polisario a affirmé, dans un communiqué, qu'il «exercera toutes les voies de droit appropriées pour défendre les droits souverains du peuple sahraoui», a rapporté hier l’APS.

Une illégalité juridique et une procédure contestée

Le communiqué officiel du Front Polisario, qui établit clairement l'illégalité de ce nouvel instrument, rappelle que «selon une publication officielle, le Conseil de l'UE a décidé de signer, avec application provisoire, un nouvel accord avec le Royaume du Maroc sur les préférences tarifaires relatives aux produits originaires du Sahara occidental occupé». Soulignant que cet accord entend remplacer celui de 2018, dont la conclusion a été annulée par la justice européenne, le Front Polisario «rejette avec la plus grande fermeté ce nouvel accord qui est contraire au droit international et viole directement des arrêts de la CJUE». La position du Front Polisario s'ancre dans la jurisprudence constante de la CJUE, qui a systématiquement soutenu le statut distinct du Sahara occidental et la nécessité du consentement sahraoui. En effet, le Polisario rappelle l'arrêt fondateur de 2016 : «Par son arrêt du 21 décembre 2016, la CJUE a jugé que le Sahara occidental constitue un territoire séparé et distinct par rapport au Royaume du Maroc, et que tout accord lui étant applicable doit recevoir le consentement du peuple sahraoui, indépendamment des bénéfices allégués». Cette ligne rouge a été consolidée, souligne encore le Front Polisario, par «les arrêts d'octobre 2024 (qui) ont réaffirmé la centralité du consentement sahraoui comme seule condition de validité de tout acte de l'UE touchant au Sahara occidental». De plus, la Cour a reconnu «cette fois explicitement la capacité du Front Polisario à recourir à la justice pour défendre les droits souverains du peuple sahraoui sur son territoire national et ses ressources naturelles, en se fondant directement sur le droit international». Et le Polisario de conclure qu’ «au vu de la force des principes dégagés par la Cour dans sa jurisprudence, l'illégalité du nouvel accord est flagrante». En outre, lit-on toujours dans le communiqué, «l'illégalité est aggravée par une méthode jugée inacceptable : le nouvel accord a été négocié en 5 jours, à l'insu du peuple sahraoui et adopté à marche forcée selon une procédure écrite pour contraindre les États membres». «L'application provisoire vise à désarmer le Parlement européen pour le placer devant le fait accompli», dénonce le Polisario.

Amender le droit de l'UE pour financer l'occupation

Cela étant, et au vu de tout ce qui précède, le Front Polisario accuse l'UE de soutenir activement l'occupation. «Le choix fait est celui d'amender le droit de l'UE pour l'adapter à l'occupation illégale du Sahara occidental par le Royaume du Maroc», rappelle-t-il, expliquant que cela se traduit par l'invention d'une notion de «région d'origine», qui constitue «une dérogation inédite» à la notion universellement acceptée de «pays d'origine». Par cette innovation juridique qui a un lien économique direct, la Commission s'engage à soutenir l'agro-industrie marocaine par «le financement direct d'usines de désalinisation en territoire occupé». Pour le Front Polisario, les conséquences sont désastreuses : «Avec ce nouvel accord, l'UE fournit à l'occupant marocain les moyens de se maintenir illégalement en territoire occupé, par la répression et les violations systématiques des droits fondamentaux, perpétuant ainsi sa guerre d'agression coloniale contre le peuple sahraoui.»

Le Front Polisario regrette amèrement qu' «au lieu d'ouvrir des négociations directes avec le Front Polisario, ce qui était la seule manière d'assurer l'exécution des arrêts de la Cour, la Commission européenne persiste dans l'illégalité, condamnant l'UE à répéter les erreurs du passé». Néanmoins, le seul et unique représentant du peuple sahraoui ne se laisse pas intimider, assurant que «cette manière brutale de procéder est en réalité l'aveu d'une grande faiblesse face à la fébrilité de l'occupant marocain qui cherche à gagner quelques mois de plus». Il estime que «chacun sait que l'implication européenne constitue une voie sans issue, rejetée par les arrêts de la Cour». Aussi, la détermination du Front Polisario est inébranlable : s'appuyant sur les victoires juridiques passées et fort des arrêts de la CJUE de 2024 qui «sanctuarisent l'accès du peuple sahraoui à la justice européenne», il annonce qu'il «exercera toutes les voies de droit appropriées avec détermination et discernement».

Enfin, dans l’intervalle de la procédure de ratification, le Front Polisario lance «un appel solennel aux autorités européennes, au nom du peuple sahraoui, pour qu'elles rejettent la conclusion de ce nouvel accord, qui viole le droit à l'autodétermination et déstabilise le processus onusien en encourageant l'occupant marocain dans sa fuite en avant». Et le Front Polisario de conclure par un rappel d’un principe universel : «Au Sahara occidental comme ailleurs, toute paix durable passe par le respect de la Charte de l'ONU et de la légalité internationale.»

Y. Y.

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Le peuple marocain défie la répression du Makhzen : appels à des marches massives pour aujourd’hui

Face à une répression féroce menée par le Makhzen, le peuple marocain, galvanisé par les appels du collectif «Gen Z 212» sur les réseaux sociaux, se trouve à la croisée des chemins en ce dimanche 5 octobre 2025. Les appels à une «marche du million» à travers les principales villes du Royaume pour faire entendre des revendications sociales et économiques légitimes se heurtent à une répression féroce de la part du Makhzen. En effet, plutôt que de répondre favorablement au dialogue et aux aspirations légitimes, le Makhzen a réagi par une répression brutale et sanglante. L'escalade a atteint son paroxysme mercredi dernier lorsque trois jeunes manifestants ont été tués par balle par les gendarmes près d'Agadir.

D'autres manifestants ont été blessés, certains fauchés par des véhicules de police. Pire encore, cette violence s'est accompagnée d'une vague d'arrestations avec plus de 400 interpellations et des dizaines de condamnations à des peines de prison ferme, menaçant même les meneurs de peines allant jusqu'à la perpétuité pour «mater toute autre tentative de rébellion». Cette stratégie de la terreur, appliquée pour mettre un black-out total sur les événements, vise à étouffer le mouvement et à briser la détermination populaire. Aussi, pour le mouvement juvénile actuel au Maroc, qui est l'aboutissement d'un ressentiment populaire profond et durable, issu dans la continuité de la lutte contre la corruption et le rejet persistant de la normalisation avec Israël, aujourd’hui 5 octobre 2025, est un jour décisif.

L'appel à la «marche du million» dans les grandes villes est un véritable défi à l'escalade répressive du Makhzen. L'issue de cette journée dépendra de la capacité du peuple marocain à maintenir une mobilisation massive et à préserver le caractère pacifique des manifestations face à un Makhzen qui a déjà montré son véritable visage : utiliser même les armes pour assurer sa survie.

Y. Y.

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