La mort du président Ebrahim Raïssi : Un choc aux retentissements internationaux

La mort du président iranien Ebrahim Raïssi, survenue dimanche dans un accident d’hélicoptère, dans la provence d’Azerbaïdjan, est ressentie, en Iran et dans le monde, comme un choc aux retentissements profonds. L’Iran a décrété cinq jours de deuil.

L’évènement intervient dans un contexte régional explosif, avec notamment le bras de fer avec Israël et la situation en Ukraine. A cela s’ajoutent les menaces incessantes proférées par le régime de Tel Aviv et de ses nombreux appuis auprès des puissances occidentales. La disparition des écrans radar de l’hélicoptère présidentiel a jeté le désarroi à Téhéran et auprès de nombreux pays qui ont participé aux opérations de recherches durant la nuit, tandis que l’Union européenne a annoncé avoir activé, à la demande de l’Iran, «le service de cartographie de réponse rapide Copernicus EMS», pour aider à localiser l’appareil. Moscou a également dépêché une cinquantaine de spécialistes en opérations de sauvetage, des véhicules tout-terrain ainsi qu’un hélicoptère. La Turquie a rapidement déployé 32 secouristes et un drone de vision nocturne. Finalement, le Croissant Rouge iranien a annoncé que les secours ont récupéré les dépouilles du Président Ebrahim Raïssi et des huit autres passagers, dont le ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian. Ebrahim Raïssi, qui avait le titre de Ayatollah, est remplacé par le Premier vice-président, Mohammad Mokhber, en préparation d’une élection présidentielle qui devra se tenir dans les 50 jours. Né en novembre 1960 dans la ville sainte chiite de Machhad (Nord-Est), M. Raïssi a gravi les échelons du système judiciaire durant trois décennies, après avoir été nommé procureur général de Karaj, près de Téhéran, à seulement 20 ans, dans la foulée de la victoire de la révolution islamique de 1979. Il sera procureur général de Téhéran, de 1989 à 1994, puis chef adjoint de l’Autorité judiciaire, de 2004 à 2014, année de sa nomination au poste de procureur général du pays. En 2016, le guide suprême, Ali Khamenei, l’a placé à la tête de l’importante fondation caritative Astan-é Qods Razavi, qui gère le mausolée de l’imam-Réza, à Machhad, ainsi qu’un immense patrimoine industriel et immobilier. Raïssi s’était rendu, dimanche, dans la province d’Azerbaïdjan oriental, où il a notamment inauguré un barrage en compagnie du président d’Azerbaïdjan, Ilham Aliev, à la frontière entre les deux pays. Au cours d’une conférence de presse commune, il a de nouveau apporté son soutien au Hamas. «Nous pensons que la Palestine est la première question du monde musulman.» La position de l’Iran sur l’échiquier régional et international, inébranlable sur certains sujets sensibles, notamment le programme nucléaire et le soutien à la résistance palestinienne, a conduit de nombreux analystes occidentaux à spéculer sur «les possibles incertitudes» qui vont peser sur le pouvoir central iranien. C’est faire fi d’un pays et d’une civilisation aux encrages millénaires, où la disparition d’un quelque haut dirigeant soit-il n’est pas de nature à perturber sensiblement la marche du pays. 

Pour la Palestine

Pour ce qui concerne l’assurance de la continuité, le gouvernement iranien a indiqué, hier, dans un communiqué, que la mort du président Ebrahim Raïssi, 63 ans, n’allait pas entraîner «la moindre perturbation dans l’administration» du pays. Homme fort du système, il était était considéré comme l’un des piliers de l’aile traditionnelle, contrôlant tous les leviers du pouvoir depuis son élection le 18 juin 2021. Son décès ébranle émotionnellement la société iranienne. Du Liban au Yémen, en passant par la Syrie, les alliés de l’Iran, dans la région, ont rendu hommage, lundi, au Président iranien, Ebrahim Raïssi, saluant son engagement en faveur de «l’axe de la résistance» contre Israël. Le parti Hezbollah libanais et le Hamas palestinien ont tous deux rendu hommage au Président iranien et au soutien qu’il leur a apporté dans leur lutte contre Israël. «Le Président martyr était pour nous un grand frère et un appui solide». Le Liban et la Syrie ont proclamé un deuil officiel de trois jours. Le Hamas a salué en la personne du Président iranien défunt «un soutien à la résistance palestinienne», soulignant «ses efforts indéfectibles en faveur des Palestiniens», depuis le début de la guerre à Ghaza. Le Président syrien, Bachar al-Assad, a lui aussi présenté ses condoléances à l’Iran, qui le soutient depuis le début de la guerre civile dans son pays, il y a 13 ans. «La Syrie est solidaire de la République islamique d’Iran (...)», a affirmé le Président Assad dans son message aux dirigeants iraniens. «Nous avons oeuvré avec le Président défunt pour que les relations stratégiques qui lient la Syrie et l’Iran demeurent toujours prospères», a-t-il ajouté. Au Yémen, les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, ont affirmé que la mort de Raïssi était une «une perte, non seulement pour l’Iran, mais aussi pour l’ensemble du monde islamique, pour la Palestine et pour Ghaza».

Elections dans 50 jours

En Irak, le Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani a également proclamé sa «solidarité avec le peuple iranien». Le Hachd al-Chaâbi, coalition de groupes armés irakiens pro-Iran, a, de son côté, adressé ses condoléances aux dirigeants iraniens, soulignant que le Président Raïssi «avait toujours déclaré que l’Irak et l’Iran formaient un seul peuple, qui ne peut être séparé». Raïssi comptait parmi les favoris au poste de guide suprême, occupé depuis 35 ans par l’ayatollah Ali Khamenei, âgé de 85 ans. Le Vice-président, Mohammad Mokhber, a été désigné Président par intérim de l’Iran». Conformément à l’article 131 de la Constitution, Mohammad Mokhbar est chargé de diriger le pouvoir exécutif» et il doit, en concertation avec les chefs des pouvoirs législatif et judiciaire, organiser «l’élection d’un nouveau Président dans un délai maximum de 50 jours», a indiqué le chef de l’État dans un communiqué. Aux élections de 2021, Raïssi s’était présenté comme le défenseur des classes défavorisées et de la lutte contre la corruption, succédant à Hassan Rohani, dès le premier tour du scrutin. M. Raïssi plaçait la question palestinienne au centre de sa politique étrangère par des moyens diplomatiques et par une aide conséquente à la résistance. La confrontation avec Israël a atteint son apogée avec le lancement, sur le territoire israélien, de 350 drones et missiles en guise de sanction après l’attaque aérienne du consulat iranien en Syrie, causant neuf morts. Pour Téhéran, cette tragédie n’apporte aucun changement dans la marche du pays. Rapidement, les décisions d’usage ont été prises pour assurer le remplacement. Ainsi Le Vice-ministre des Affaires étrangères et négociateur en chef chargé du dossier nucléaire, Ali Bagheri, a été nommé, hier, à la tête de la diplomatie de l’Iran, à titre provisoire après le décès du ministre Hossein Amir-Abdolahian.

Rachid Lourdjane

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