
Sous la plume de Yasmine Abutaleb (co-auteur du best-seller n°1 du New York Times, «Scénario de cauchemar : dans la réponse de l'administration Trump à la pandémie qui a changé l'histoire».) et John Hudson qui couvre le Département d'État et la sécurité nationale, The Washington Post a publié, hier, un article sous le titre :White House grapples with internal divisions on Israel-Gaza, qui ne laisse aucun doute sur les divisions internes à la Maison-Blanche sur la question palestinienne que la férocité des sionistes dans les territoires occupés a fini par rendre publiques.
Tout a commencé, révèlent ces deux journalistes, quand, à la sixième semaine de bombardement sans discernement par l’aviation sioniste de l’enclave palestinienne de Ghaza, 20 membres de la Maison-Blanche ont demandé des explications à trois principaux conseillers du Président Biden, à savoir, le chef de cabinet de la Maison-Blanche, Jeff Zients, la conseillère principale Anita Dunn et le conseiller adjoint à la sécurité nationale, Jon Finer. Ce groupe a réagi devant le nombre effroyable de Palestiniens tués, tous des civils, en majorité des femmes et des enfants. Qu’a prévu de faire l’administration américaine pour stopper le carnage et quel message entend envoyer la Maison-Blanche à la communauté internationale pour expliciter sa vision d’après guerre ? Même si les faucons ne veulent pas entendre de la solution à deux Etats, à la Maison-Blanche, des voix se font de plus en plus entendre sur cette solution inéluctable qui se fera, sans Netanyahou. En claire le scénario américain prévoit de lâcher le Premier ministre de l’entité.
Interrogations dans le pré carré de Biden
Cette rencontre inédite, selon les deux journalistes, entre ce groupe et les trois conseillers, montre à quel point la gestion de ce conflit et même de la politique étrangère de Biden commence à susciter des interrogations, y compris dans son pré carré. Biden vivrait, selon The Washington Post, sa plus grande crise de politique étrangère ; une crise qui divise la Maison-Blanche et contredit le discours ambiant qui suggère que le centre du pouvoir est uni derrière son chef. Il est question de plus en plus que Biden s’est laissé dominer par un penchant subjectif qui lui a dicté des positions, loin de toute retenue, depuis le 7 octobre. Une sorte de «loyauté émotionnelle».
Biden a un attachement personnel à «l’État juif» ont déclaré les 20 personnes qui ont rencontré ses conseillers. Biden cite souvent sa rencontre de 1973 avec l’emblématique Première ministre Golda Meir comme un événement marquant qui a cristallisé sa vision d’Israël comme étant essentiel à la survie des juifs, écrivent les auteurs de l’article. Mais, remarquent Yasmine Abutaleb et John Hudson, Israël de 1973 n’a rien à voir avec Israël d’aujourd’hui, une puissance militaire dirigée par une coalition d’extrême droite, et l’administration Biden est désormais identifiée à une campagne militaire qui a tué plus de 14.000 Palestiniens, déplacé des centaines de milliers d’autres, créé un désastre humanitaire. Avec la trêve humanitaire, des responsables américains auraient même envoyé un message à Netanyahu pour qu’il «mène son opération militaire à Ghaza, où sont concentrés près de 2 millions de Palestiniens, de manière plus ciblée et moins meurtrière», selon deux hauts responsables de l'administration. «Je pense que l'administration Biden a réalisé assez tôt qu'elle était dans une impasse», a déclaré Ivo Daalder, directeur général du Chicago Council on Global Affairs, ambassadeur à l'OTAN sous la présidence Barack Obama.
Le principal différend entre Biden et Netanyahu, est-il souligné dans l’article, «ne porte pas sur un cessez-le-feu, qu’aucun des deux ne soutient, mais sur l’opinion de Washington selon laquelle Israël applique une norme inacceptable en matière de proportionnalité. Dans ses efforts pour éliminer le Hamas, Israël utilise des bombes puissantes, rase des quartiers et démolit des immeubles de grande hauteur, des tactiques qui tuent inévitablement un grand nombre de civils et, selon beaucoup, radicalisent davantage la population palestinienne».
Toutefois, derrière cet appel à des «bombardements moins meurtriers» (sic) se cache un autre calcul. «L’équipe de politique étrangère de Biden est depuis longtemps consciente de l’influence des organisations de lobbying pro-israéliennes de Washington. Mais l’évolution démographique des États clés, comme le Michigan, qui abrite une communauté arabo-américaine croissante, incite certains analystes démocrates à remettre en question la sagesse politique conventionnelle» notent les journalistes. Le sénateur Bernie Sanders a exhorté Biden à subordonner l’aide annuelle américaine de 3,8 milliards de dollars à Israël à la fin des bombardements généralisés sur Ghaza et au gel des colonies en Cisjordanie. Biden a déclaré vendredi que c’était une «réflexion valable», mais que s’il l’avait fait trop rapidement, cela aurait nui à son influence auprès d’Israël, ajoutant : «Je ne pense pas que si j’avais commencé par cela, nous serions un jour arrivés là où nous le sommes aujourd'hui.»
Synthèse Mohamed Koursi
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«Nous prenons beaucoup d'eau au nom d'Israël»
La division au sein de la Maison Blanche se situe, dans une certaine mesure, entre les principaux collaborateurs de longue date de Biden et un ensemble de jeunes employés issus de divers horizons. Mais même les plus hauts conseillers ont déclaré qu'ils reconnaissaient que le conflit avait nui à la position mondiale de l'Amérique. «Nous prenons beaucoup d'eau au nom d'Israël», a déclaré un haut responsable.
Certains experts ont déclaré que Biden aurait plus de marge de manœuvre s’il avait modéré son soutien à Israël au début des mois derniers. «Si au début du conflit nous avions eu une approche plus nuancée à ce sujet, l'administration aurait pu prendre ses distances d'une manière qui serait plus sûre pour elle sur le plan diplomatique et politique», a déclaré Steven Cook, chercheur principal pour les études sur le Moyen-Orient et l'Afrique à l'Université de Washington. «La stratégie sans lumière du jour leur pose beaucoup de problèmes.» Biden a parfois semblé aux prises avec ses propres émotions concernant la guerre. Le 25 octobre, il a exprimé son scepticisme quant au bilan des morts à Ghaza fourni par le ministère de la Santé, contrôlé par le Hamas. «Je n’ai aucune idée que les Palestiniens disent la vérité sur le nombre de personnes tuées», a-t-il déclaré.
Le lendemain, Biden a rencontré cinq éminents américains musulmans, qui ont protesté contre ce qu’ils considéraient comme son insensibilité envers les civils en train de mourir. Tous ont parlé de personnes qu'ils connaissaient et qui avaient été touchées par les souffrances à Ghaza, notamment une femme qui avait perdu 100 membres de sa famille. L’un des Américains palestiniens présents à la réunion a déclaré que les participants étaient repartis avec plus de détermination à organiser leurs communautés pour ne pas voter pour Biden aux élections de 2024. La personne a déclaré que les Arabes et les musulmans ne voteraient pas non plus pour l'ancien président Donald Trump, qui a appelé à interdire les voyages aux États-Unis aux pays à majorité musulmane, mais pourrait ne pas participer à la course.
Au sein de l'administration, un nombre croissant de diplomates américains, de responsables de la défense et de travailleurs humanitaires ont appelé à un cessez-le-feu, notamment plus de 1.000 membres du personnel de l'Agence américaine pour le développement international. Au Département d'État, de nombreux messages de dissidence ont été envoyés par des diplomates exhortant l'administration à utiliser davantage de moyens de pression pour mettre fin à la violence.