
- Santé
Dr Bekkat Berkani, président du conseil national de l’Ordre des médecins : «Les mesures de l’état ont freiné la propagation du virus» - Agriculture
Akli MOUSSOUNI, ingénieur agronome : «Reconfiguration totale» - Industrie
Salima Sayah Haki, expertE en questions économiques et analyse stratégique : « en finir avec l’économie rentière »
Le conseil des ministres a eu à l’ordre du jour, aux côtés du secteur de la Communication, trois dossiers importants que sont ceux de la Santé, de l'Agriculture et de l'Industrie. Des professionnels de ces trois secteurs analysent les décisions prises précédemment par le gouvernement, tout en abordant les perspectives de développement.
Santé
Dr Bekkat Berkani, président du conseil national de l’Ordre des médecins : «Les mesures de l’état ont freiné la propagation du virus»
Entretien réalisé par Soraya Guemmouri
Le président du Conseil ntional de l’ordre des médecins, le Dr Mohamed Bekkat Berkani, revient dans cet entretien sur la virulence du variant Delta qui n’épargne personne, même les plus jeunes, saluant au passage les décisions prises par l’Etat pour freiner la pandémie, alimenter nos structures hospitalières en oxygène et faciliter l’opération de vaccination.
Quelle lecture faites-vous de la situation épidémiologique actuelle ?
Nous avons observé ces jours-ci une certaine décrue qu’on pourrait interpréter comme le reflet des mesures décidées par le Gouvernement et appliquées par la population. Je pense notamment aux différentes mesures d’urgence prises dans le souci de freiner la propagation du virus. Il faut dire aussi qu’outre la rigueur imposée dans l’application des mesures barrières, nombre d’espaces de loisirs et de détente, drainant généralement beaucoup de monde, ont été fermés. Pour que les choses s’améliorent davantage, il est nécessaire et primordial de ne pas baisser la vigilance. Sur un autre volet, nous enregistrons avec satisfaction que la vaccination a tendance à toucher davantage de monde. Cette opération doit impérativement se poursuivre à une échelle plus élevée. Je réitère mon appel à organiser des espaces spécialement dédiés aux opérations de vaccination, sachant qu’il s’agit là de la seule et unique solution qui nous permettra d’arriver à l’immunité collective. L’Etat a accéléré l’importation de matériels d’oxygénation pour alimenter les services hospitaliers… L’on observe, en effet, un renforcement de nos structures sanitaires en oxygène médical. L’opération se poursuit avec la réception récente de 750 concentrateurs, en plus de 2.500 unités acquises, auxquelles s’ajouteront 5.000 autres en cours de semaine. Nous ne pouvons que nous féliciter de ces efforts tout comme du fait que les établissements hospitaliers du pays bénéficient carrément, progressivement mais sûrement, de nouvelles stations d’oxygène. Cet apport des hautes autorités du pays est tout à la fois positif et considérable. L’oxygène est essentiel à la réanimation, notamment en cette troisième vague de la pandémie. Par ailleurs, je tiens à saluer la solidarité agissante de tous les Algériens, notamment ceux vivant à l’étranger, qui ont contribué, avec efficience et efficacité, à cette lutt
En quoi le nouveau variant de la Covid-19 est-il plus dangereux que les précédents ?
Le variant Delta de ce virus respiratoire est surtout connu par son haut degré de contagiosité. Nous luttons actuellement contre un virus très virulent et huit fois plus contagieux que le virus originel. Notre pays traverse une situation difficile en raison de la propagation de ce variant qui est non seulement très contagieux mais qui touche, également, les plus jeunes, avec parfois, même pour ces derniers, des aspects assez graves nécessitant une prise en charge adaptée en réanimation avec un apport conséquent en oxygène.
S. G.
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Agriculture
Akli MOUSSOUNI, ingénieur agronome : «Reconfiguration totale»
Entretien réalisé par Karim Aoudia
Moussouni Akli est ingénieur agronome, diplômé de l’Institut de technologie de l’agriculture de Mostaganem en 1981 et de l’université de Szarvas en Hongrie. Il est concepteur de programmes portant sur les points clés de la technologie alimentaire au profit de l’université et l’industrie agroalimentaire. Il est également l’auteur de plusieurs publications et communications. Il revient sur les lacunes de l’agriculture et les voies et moyens d’assurer son développement.
El Moudjahid : Que faudrait-il pour faire décoller définitivement le secteur névralgique de l’agriculture ?
Akli Moussouni : Tous les secteurs économiques sont névralgiques, du fait qu’il ne peut y avoir de développement partiel, ni par secteur économique, ni par branche d’activité, ni par zone, sachant que tout est lié à l’échelle du pays. Aussi, ce n’est pas «un chaînon» qui aurait manqué dans un scénario de développement en construction, mais c’est toute une problématique de sous-développement de ce secteur, qui doit faire l’objet d’une réflexion approfondie pour en déterminer les tenants et les aboutissants afin d'anticiper sur les conséquences auxquelles nous assistons. En effet, l’Algérie s’est retrouvée dans l’insécurité alimentaire, au moment où les recettes pétrolières sont incertaines et, en même temps, le pays a du mal à adhérer aux forums du commerce international pour acquérir une position de force. Les faiblesses de cette agriculture ont toujours été colmatées jusque-là par le Trésor public, à travers des dispositifs budgétivores sans contrepartie économique. La solution n’est pas impossible, mais elle ne peut relever indéfiniment de mesures d’urgence.
Sur quoi s'articulent les principaux axes de la stratégie à mettre en œuvre pour accélérer le processus ?
Une agriculture moderne c’est d’abord déterminer son potentiel économique à valoriser et les enjeux auxquels elle sera soumise pour concevoir ainsi les stratégies à mettre en œuvre. Il faut aussi déterminer avec précision les besoins du pays et les opportunités offertes par le marché international. Sur un autre plan, la construction d’une démarche normalisée s’impose en même temps que la valorisation des avantages comparatifs pour définir ce qu’on doit produire et ce qu’on doit exporter tout en sauvegardant nos réserves en eau, sans lesquelles rien ne peut se faire. C’est à ce moment-là qu’il serait important d’exploiter les technologies de traitement des sols et des végétaux, les technologies de transformation et de communication … pour faire de la numérisation un outil de développement par excellence.
L'agriculture est aussi un domaine où l'expertise de pointe est vivement recommandée. Quelles sont les voies à suivre ?
Là aussi, il ne sert à rien d’expertiser un secteur économique d’essence traditionnelle, connaissant les limites des pratiques culturales menées jusqu’alors, des systèmes de production qui n’ont pas évolué et d’un système de distribution dans la débrouille, en passant par l’absence totale de comptabilité d’exploitation et d’assurance. Ce n’est donc pas l’expertise qui peut faire évoluer les rendements d’un secteur archaïque, mais la reconfiguration totale de ce secteur qui doit se faire à partir d’un audit à comparaître avec les exigences d’une économie performante. C’est à ce moment-là que s’imposera une gouvernance appropriée qui puisse mener durablement le développement de ce secteur.
Quelles sont les principales menaces, d'origines diverses, qui impactent négativement le rendement du secteur agricole ?
Les goulots d’étranglement de toute démarche de changement d’un secteur économique, c’est d’abord la résistance au changement de ceux qui tirent profit des aides de l’Etat, c’est aussi l’incompétence rémunératrice de ceux qui sont chargés de la gestion de ce secteur. La bureaucratie, la panique, le manque de vision sont autant d’éléments contre-productifs. L’Algérie est à la croisée des chemins, elle doit faire son choix entre une vision pragmatique ou continuer à naviguer à vue.
Pourquoi l'industrie de transformation des produits agricoles peine à prendre son essor ?
L’industrie de transformation ne peut tirer l’agriculture dès lors que les deux secteurs ne sont liés par aucun dispositif économique qui puisse permettre au secteur de la transformation d’encadrer le développement du secteur de la production. C’est une défaillance des plus graves dans l’analyse de la situation. C’est pour cela que cette industrie est hors de contrôle, en bénéficiant d’un vide juridique statutaire qui entretient le doute de fonctionnement qui, à la longue, mènera à son autodestruction, en dépendant exclusivement des produits d’importation pour son fonctionnement. Cela constitue, là aussi, une tare sans commune mesure. La reconfiguration statutaire de cet autre secteur est un impératif incontournable pour faire évoluer la situation de l’agriculture.
K. A.
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Industrie
Salima Sayah Haki, expertE en questions économiques et analyse stratégique : « en finir avec l’économie rentière »
Propos recueillis par Tahar Kaidi
Experte en économie et analyse stratégique, Salima Sayah Haki estime que les conséquences de la Covid-19 se font encore ressentir. L’économiste donne quelques recettes pouvant faire décoller notre industrie.
El Moudjahid : L’industrie a été fortement impactée par la crise sanitaire. Comment doit-on remettre sur les rails cet important segment de l’économie ?
Salima Sayah Haki : Effectivement, la pandémie persiste encore et continue à frapper fortement l'économie caractérisée par une absence des ancres de base d’une économie de marché solide et par des faibles conditions de réussite des démarches et processus de développement économique. L'immensité du territoire national nécessite la mise en place de mécanismes permettant de répondre à tous les besoins et attentes de la population pour pouvoir booster l'économie nationale à l'échelle locale. L’efficacité des mesures prises par les autorités pour assurer un retour à l'activité économique grâce à la vaccination, l’amélioration des conditions financières et économiques internes et le rebondissement économique à l'échelle mondiale ont sans doute un impact majeur sur l’économie du pays et constituent un indice de confiance.
S’agit-il des prémices d’une relance ?
Ce constat est soutenu par les principaux indicateurs macroéconomiques et budgétaires de l’Algérie, des chiffres qui confirment une certaine reprise de l’activité économique, sereine qui plus est. Cependant, il est impératif de sortir du modèle économique rentier institué pendant plusieurs décennies et de procéder à une diversification de l'appareil industriel et productif. Il faut savoir que plusieurs secteurs porteurs sont considérés comme de nouveaux leviers de croissance. Je pense plus particulièrement à l’agriculture et à l'industrie agro-alimentaire. La modernisation de la gestion va de pair avec la mobilisation des atouts technologiques et le développement industriel permet —à travers une meilleure valorisation des ressources naturelles et la prise en compte des impacts environnementaux dans une logique de développement durable, l’entreprenariat et les investissements directs étrangers—de tirer profit de la relocalisation dans le cadre de la régionalisation des chaînes de valeur, en prenant en considération la complémentarité et l'équilibre entre les différentes régions du pays, selon leurs spécificités. Mais pour aboutir à cela, un travail d'accompagnement bien étudié doit être réalisé. Il s’agit en premier lieu de procéder immédiatement à la réalisation d'une cartographie nationale des opportunités d'investissement et du potentiel national pour mieux orienter et canaliser les ressources humaines et financières. Quelles sont les mesures à initier ? L’accélération de l'amortissement des investissements et la relance de l'activité économique à court terme nécessitent d’importantes actions et des mesures de travail urgentes. A commencer d’abord par la nécessité de procéder à la numérisation de tous les secteurs d'activité pour une nouvelle gouvernance économique et une plus grande transparence de l'action publique. C’est une priorité si l’on veut passer un cap. Il faut aussi améliorer le climat des affaires et surtout dépénaliser l'acte de gestion. Il faut également éviter de faire le distinguo entre acteurs économiques publics et privés et redoubler d’efforts pour promouvoir de nouveaux instruments de financement. Ainsi, le développement économique escompté doit être inclusif et porté par le plus grand nombre d’acteurs, avec une juste répartition des opportunités de participer à la croissance. Sur le plan financier, une politique monétaire plus flexible qui permette de mieux maîtriser la masse monétaire et le taux d'inflation, jumelée avec une politique financière ayant comme objectif de relancer l'économie nationale, est plus que souhaitable, sans oublier l'allègement des procédures bureaucratiques pour la réalisation des projets. C’est vital car les méandres bureaucratiques sont devenus l'obstacle majeur de l'investissement dans le secteur industriel.
Quelles sont les mesures à initier ?
L’accélération de l'amortissement des investissements et la relance de l'activité économique à court terme nécessitent d’importantes actions et des mesures de travail urgentes. A commencer d’abord par la nécessité de procéder à la numérisation de tous les secteurs d'activité pour une nouvelle gouvernance économique et une plus grande transparence de l'action publique. C’est une priorité si l’on veut passer un cap. Il faut aussi améliorer le climat des affaires et surtout dépénaliser l'acte de gestion. Il faut également éviter de faire le distinguo entre acteurs économiques publics et privés et redoubler d’efforts pour promouvoir de nouveaux instruments de financement. Ainsi, le développement économique escompté doit être inclusif et porté par le plus grand nombre d’acteurs, avec une juste répartition des opportunités de participer à la croissance. Sur le plan financier, une politique monétaire plus flexible qui permette de mieux maîtriser la masse monétaire et le taux d'inflation, jumelée avec une politique financière ayant comme objectif de relancer l'économie nationale, est plus que souhaitable, sans oublier l'allègement des procédures bureaucratiques pour la réalisation des projets. C’est vital car les méandres bureaucratiques sont devenus l'obstacle majeur de l'investissement dans le secteur industriel.
Comment sortir de cette situation ?
Je crois que les organismes de contrôle et l'accompagnement des investisseurs pourraient aider les décideurs à avoir une source d'information pour une maîtrise du tissu économique et industriel ainsi qu'un bon suivi de tous les projets. Cela permettrait d'assurer le contrôle de la masse monétaire allouée aux investisseurs sous formes de crédits. De leur côté, les investisseurs doivent bénéficier d'une formation dans les spécialités touchant directement à leurs secteurs d'activités. Aussi, la réflexion sur une stratégie de décollage économique ne passe pas sans le citoyen en tant que partenaire économique pour mieux l'impliquer dans le processus de la relance et de développement économique, en aval et en amont.
T. K.