Reconnaissance et vérité

Qu’y a-t-il de commun entre l’exécution de Larbi Ben M’hidi, qualifié par ses bourreaux de «seigneur» et d’«âme de la résistance», et l’assassinat de l’avocat et militant Ali Boumendjel, aujourd’hui réhabilité ? À 3 semaines près, le tortionnaire Paul Aussaresses, condamné, le 25 janvier 2002, pour «apologie des crimes de guerre», a sévi contre le fondateur du FLN, arrêté et exécuté le 4 mars 1957, et son compagnon de lutte qui a subi les même sévices et connu le même sort, le 23 mars 1957. Le cri de ralliement du fondateur de la Zone autonome et de l’un des dirigeants respectés de la Révolution algérienne, appelant à défendre nos mémoires «si nous venons à mourir», pose toute la problématique de la colonisation qui ne saurait se traduire à quelques errements. La généralisation de la pratique de la torture, légitimée par le bourreau de Larbi Ben M’hidi et d’Ali Boumendjel, les exécutions sommaires et le mensonge d’État sont désormais une réalité admise qui renseigne sur le caractère génocidaire du système colonial coupable de «crimes contre l’humanité», dont la dénonciation sans équivoque par le Président français, Emmanuel Macron, constitue une réelle avancée dans le long chemin de la réconciliation mémorielle. Il est indéniable que, dans le cadre d’une trentaine de préconisations proposées par le chercheur Benjamin Stora, la reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel caractérise la politique des «petits pas» à forte charge symbolique amorcée par le rapatriement, à la veille du 58e anniversaire du déclenchement de la Révolution, des 24 restes mortuaires de résistants algériens.
Cette démarche, qui appelle donc à d’autres pas significatifs, est tributaire du devoir de vérité en socle de la nouvelle Algérie revendiquant le droit légitime au rapatriement des restes de tous les chouhada, la récupération des archives nationales et la participation effective de la France dans la décontamination des zones sahariennes touchées par les effets de l’explosion nucléaire. «Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire qui ne peut faire l’objet d’aucun marchandage», a affirmé, au cours de sa rencontre avec les responsables de médias nationaux, le président de la République, qui s’est félicité des «bonnes relations» avec son homologue français. À la faveur d’un dialogue apaisé, porteur de perspectives de coopération, la question mémorielle peut et doit contribuer à solder les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par la barbarie coloniale.
El Moudjahid

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