Centres de tri à Paris : le témoignage poignant de Houcine Seghirou

  • «Les policiers nous frappaient à coups de barres de fer et de matraques, sans la moindre retenue, comme si notre humanité ne comptait pas»

Pour retracer l’histoire de la Fédération de France du FLN et de ses actions audacieuses qui ont réussi à délocaliser la guerre de Libération nationale sur le territoire de l’ennemi, le moudjahid Houcine Seghirou, né le 14 août 1937 à Aïn Zatout, un des villages de Biskra, a livré un témoignage poignant au quotidien historique El Moudjahid, à l’occasion du 64e anniversaire de la commémoration des massacres du 17 octobre 1961.

Invités chezlui, en son domicile de Constantine, le moudjahid revient sur les actions courageuses, audacieuses et bien organisées de la Fédération de France du FLN, ainsi que sur les événements tragiques du 17 octobre 1961 marqués par une répression brutale et inhumaine menée par la police parisienne et les membres de la police parallèle contre des manifestants algériens pacifiques. Le moudjahid Houcine Seghirou, qui avait été emprisonné à la suite d’une dénonciation, d’abord à la prison parisienne de la Santé puis à la prison de Fresnes. Il explique qu’avant les manifestations du 17 octobre 1961, l’activité du FLN était particulièrement intense durant la nuit dans la ville de Paris, qui constituait alors le centre névralgique de l’action des militants de la Fédération de France du FLN. Selon lui : «Avant les manifestations du 17 octobre 1961, plusieurs événements majeurs ont marqué l’action de la Fédération de France du FLN, particulièrement dans la région parisienne.

L’intensité de l’activité militante et la forte mobilisation des Algériens étaient tellement importantes que le gouvernement français de l’époque a mis en place une police parallèle et déployé une logistique importante afin de contrecarrer les actions des militants algériens». Il ajoute que les Algériens ont répondu favorablement à l’appel lancé par la Fédération de France du FLN et sont sortis massivement, le 17 octobre 1961, manifester pacifiquement dans les rues de Paris.

Cependant, la réaction de la police française fut d’une brutalité extrême : elle a mené une répression sanglante contre les manifestants, qui étaient des travailleurs, femmes, hommes. Il poursuit en indiquant que : «les manifestants arrêtés par la police furent transférés vers des camps de tri et des centres de rétention situés dans la région parisienne où ils furent soumis à de multiples formes de brutalité. Pour certains d’entre eux, ces violences se sont avérées fatales». Il témoigne que la nuit du 17 octobre 1961 fut un véritable calvaire pour les nombreux manifestants algériens arrêtés.

Cette nuit-là, des scènes de lynchage et de violence extrême sont multipliées et des débordements ont éclaté, les manifestants pacifiques ont été violemment battus, et de nombreux blessés ont été recensés des deux côtés, et pour la majorité des Algériens arrêtés la mort était certaine . Il précise également que les manifestants arrêtés ont été soumis à des violences d’une extrême brutalité. Selon son témoignage : «Des comités de réception», composés de policiers et de membres de la police parallèle, armés de barres de fer et de bâtons, attendaient les Algériens à leur arrivée pour les tabasser sans la moindre pitié». Il précise que «dans les centres de tri, les policiers, armés de barres de fer et de bâtons, frappaient et tabassaient les Algériens sans la moindre considération pour leur humanité, comme s’ils n’étaient pas des êtres humains». Il souligne en affirmant que, dans les centres de tri, la police parisienne agissait en toute impunité : elle a assassiné, tabassé et dépouillé les manifestants algériens de leurs biens. Il précise également que ces pratiques ignobles ont fini par éveiller la conscience d’une partie de la population parisienne, qui, jusque-là, ignorait la réalité de ce qui se passait. «Mais après la marche du 17 ctobre 1961, beaucoup ont découvert l’ampleur des exactions policières et ont exprimé leur désapprobation face à ces actes».

Poursuivant son témoignage poignant sur les événements de la guerre de Libération nationale sur le sol français, le moudjahid Seghirou Houcine évoque la structure de la Fédération de France du FLN, précisant que : «Le nombre de militants au sein de la Fédération de France du FLN ne cessait d’augmenter jour après jour, de 1958 jusqu’à l’année 1959». «Face à cette croissance considérable, cette organisation politico-administrative a été restructurée afin de mieux encadrer l’importante mobilisation de ses membres des militants algériens». Il précise également que la structure de la Fédération de France du FLN, appelée la 7ème Wilaya historique, était composée de six Wilayas actives découpant le champ d'action selon les villes françaises, dont la région parisienne, laquelle comptait à son actif, un découpage de deux grandes wilayas . «Ces territoires délimités, selon la structure de la Fédération FLN de France, comptaient un grand nombre de militants. Ces derniers activaient selon une structure bien définie, comprenant des zones d’activité, des régions, des secteurs, des kasmas, des sections , des groupes, des cellules ". Il ajoute que l’organisation de la Fédération FLN en France a été restructurée à plusieurs reprises soulignant que “ En raison du nombre croissant de militants, une super-zone appelée Hamala a été créée, placée sous l’autorité directe de la Wilaya”.

Abordant un aspect essentiel, celui de la collecte des cotisations auprès des militants pour financer la guerre de libération nationale, le moudjahid Seghirou Houcine précise que la Fédération France du FLN et grâce au nombre important de ses militants et aux cotisations collectés d'une manière constante, est devenue le véritable banquier,voit le financier de la révolution armée".
Selon lui, «il s’agissait d’une organisation rigoureusement hiérarchisée, dotée de missions multiples et complémentaires qui jouaient un rôle stratégique dans le transfert effectif des actions arméessur le territoire de l'ennemi». Il ajoute à cet effet que, grâce à la rigueur, au sérieux et à la structuration très précise de l’organisation la Fédération FLN de france , les groupes de choc, les groupes armées, les membres formés de l'OS (Organisation spéciale) , étaient très activés et ce en parallèle sous la direction du FLN sur le sol français. "Ainsi, la Fédération de France du FLN constituait le véritable pilier d’appui et de coordination des actions évolutionnaires menées sur le sol français" explique-t-il. Il souligne à cet effet que les groupes armés, les groupes de choc ainsi que les membres armés de l’Organisation spéciale (OS) sont parvenus, entre le 25 août et le 30 septembre 1958, à ouvrir un véritable front de combat sur le sol français. Selon lui : “ L’ouverture effective de ce front remonte au 25 août 1958, lorsque les éléments de l’OS ont mené des attaques ciblées contre un total de 182 objectifs dont des sites économiques stratégiques, des stations de pétrole, stations d’essence , des installations industrielles et infrastructures ferroviaires, des actes de sabotage, l’allumage des feux de forêts" . Selon ce moudjahid : «L’objectif de ces opérations, menées avec succès durant cette période, était de transférer la guerre d’Algérie vers le territoire français même».

Il témoigne à cet effet que les deux mois d’août et de septembre 1958 ont marqué le début de la délocalisation de la guerre armée d’Algérie vers le territoire français etce après la réussite des 182 actions audacieuses menées par les membres de l'OS. Après ce coup de force du FLN sur le territoire de l'ennemi, le même moudjahid Houcine serighou précise que de nombreuses arrestations et pertes humaines ont été enregistrées , dont 142 morts et blessés parmi les Français, ainsi que plus de 100 000 arrestations parmi les Algériens». Selon ce Moudjahid, après les opérations audacieuses de l’été 1958, le gouvernement français s’est mobilisé afin de contrecarrer la guerre menée par le FLN sur le sol français. «Durant les trois années suivantes, plusieurs cas de torture de prisonniers algériens ont été signalés dans des établissements pénitentiaires français, tels que la prison de la Santé et celle de Fresnes». «Une répression intense s’est abattue sur les militants, accompagnée d’un grand nombre d’arrestations, notamment à Paris, considérée par les services français comme le principal fief du FLN et le centre de son point névralgique de l’activité du FLN».

Ainsi, ce moudjahid en retraçant cette page d’histoire, souligne que la Fédération de France du FLN était une organisation hautement structurée et particulièrement active sur le sol ennemi. Elle a réussi à délocaliser la lutte armée en France, provoquant une véritable panique au sein du gouvernement français.

C. D.

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