
Ingénieur agronome, consultant indépendant et militant pour les droits à l’alimentation, M. Sofiane Benadjila explique que "l’agriculture au Sahara n’est pas une nouveauté en soi puisque, dans ce désert, les humains ont réussi à assurer leur autosuffisance alimentaire depuis des millénaires". Grâce à la construction d’agroécosystèmes oasiens, les humains ont réussi à pérenniser une activité agricole et une vie sociale, ajustées à la capacité porteuse de l’aridité environnementale", souligne-t-il. Dans ces régions, ce à quoi on est arrivé est peut être un cas unique d’une anthropisation, où des agrosystèmes entièrement conçus par les hommes ont pu traverser des siècles et des millénaires dans une harmonie pratiquement parfaite avec le milieu naturel. Les temps modernes ont vu naître un autre type de relation entre l’homme et la nature. Benadjila explique qu'avec l’accès à l’énergie, les rapports sociaux ancestraux pouvaient être rompus, pour laisser place à une exploitation minière des espaces désertiques. Quelle que soit l’approche adoptée, précise l'ingénieur, "la domestication de ces milieux arides est et restera extrêmement délicate. La rigueur des contraintes pédoclimatiques, agrobiologiques sont telles que l’on comprend très vite l’intérêt d’apprendre à les gérer au lieu de les affronter". Redonner vie aux zones potentielles, "nécessite l’aménagement d’agrosystèmes aux dimensions soutenables par l’environnement", soutient-il. L’ingénieur fait savoir que si "le Sahara algérien repose sur une très importante quantité d’eau, penser que l’on puisse en disposer à volonté ne l’est pas du tout, et ceci à plusieurs titres". Un léger tour d’horizon permet d’obtenir une appréciation globale des contraintes que pose l’aridoculture dans le monde. Si on s’intéresse aux expériences édifiantes, qui ont été à la source de l’inspiration des gouvernements, "apparaît tout de suite l'illusion que peuvent véhiculer les meilleurs projets de développement technocratiques conçus dans des bureaux, où l’on s’obstine à prendre des désirs pour des réalités", assène-t-il. Le raisonnement sur l’agriculture saharienne en Algérie porte sur une population recensée à 5 millions, en 2012, et estimée à 8,5 millions à l'horizon 2030. Les besoins minimaux en eau recommandés par l’OMS, soit 1.000 m3/an/hab, ou 2,5 m3/hab/j, poseront une équation difficile à résoudre pour la satisfaction des besoins régionaux", estime le chercheur sur la base de données recueillies de différentes sources dans le cadre de ses recherches. Il faudra, selon M. Benadjila "mobiliser 8,5 milliards de m3 par an". Non sans qu'il pose la question de savoir comment faire, "alors que le renouvellement du SASS (Système aquifère du Sahara septentrional) qui était à une moyenne de 1,4 milliard, se limite de nos jours à 1 milliard, en raison de la réduction de la pluviosité due aux changements climatiques. Pour M. Benadjila, avec des quantités démesurées d’eau à mobiliser, "on comprend que même en sacrifiant toute l’agriculture oasienne, d’emblée il faut exclure l’idée que la mise en valeur des espaces sahariens puisse combler durablement la demande alimentaire du Nord du pays". L'ingénieur agronome est catégorique : "L’eau ne pourra même pas soutenir dans le temps la production nécessaire pour couvrir tous les besoins des habitants du Sahara". M. Benadjila précise qu'il faut savoir que le développement de l'agriculture saharienne doit se concevoir par rapport au potentiel de notre pays. Autrement dit, il est impératif de définir le potentiel dont nous disposons et dans lequel peut s’exercer l’activité. Précisant que la dépendance à l'environnement s'avère logique, M. Benadjila explique qu’ "il est clair que notre potentiel n’est pas illimité". Quoi qu'il en soit, poursuit-il "il est évident qu’on peut développer notre agriculture, mais cela devrait être sous-tendu par une évaluation et des études sur les répercussions économiques sur le produit intérieur brut, sur les conditions requises et sur son impact et sa finalité économiques.
Tahar Kaidi